À propos de l’œuvre
« En tant que jeune femme autochtone, je me suis fait dire si souvent de contenir ma colère par des mentors, des enseignants et des amis. Ils me disaient de la canaliser vers “quelque chose de positif” et “de ne pas la laisser me maîtriser”. Parce que je souffre de fibromyalgie, les émotions fortes comme la colère, l’anxiété et la tristesse s’enracinent dans mon corps et s’expriment sous forme de douleur… c’est donc impossible… en fait, je suis très chanceuse que la Fondation David Suzuki m’ait proposé une demande si inattendue : celle d’exprimer la colère qu’on m’a dit si souvent de taire! Il y a un sujet qui me paraît à la fois le plus important, le plus déchirant et le plus enrageant de tous : la perte des jeunes Autochtones. Ce mépris de la vie de la part des gouvernements et des populations passés et présents est la preuve non seulement d’une indifférence totale pour les peuples autochtones, mais aussi pour la Terre elle-même.
Chaque jour, nous perdons de précieux membres de familles victimes de meurtres et de suicides. De plus en plus de victimes du système des pensionnats canadiens sont mises au jour. De plus en plus de femmes autochtones sont portées disparues, sont victimes de la traite des personnes ou sont assassinées. Tous les jours, mon fil d’actualité se colore de rouge et affiche les mots “MISSING” (disparue), accompagnés de visages de femmes autochtones comme moi. Nous entendons parler d’Autochtones qui se font maltraiter et ridiculiser dans les hôpitaux, qui sont jetés comme des ordures par des systèmes qui, honnêtement, n’en ont rien à faire. En fait, d’une manière ou d’une autre, ces systèmes sont conçus pour nous exterminer.
L’an dernier, j’ai perdu une de mes étudiantes : Lexi “Wabigwan” Fox s’est suicidée la veille de son seizième anniversaire. Cette gentille jeune femme aimait les animaux et était une illustratrice hors pair. Je lui enseignais le violon quand elle était enfant. À ses funérailles, j’avais tellement honte que je n’ai pu parler à sa mère. Le programme pour lequel je travaille a été conçu pour offrir une éducation musicale à des jeunes de la communauté qui autrement n’y auraient pas accès, dans le but de leur fournir un exutoire sûr et créatif. Malheureusement, nous avons échoué. Nous avons abandonné Lexi.
Je suis tellement attristée et tellement en colère.
J’ai tenté d’exprimer ces émotions dans mon dessin. La perte d’un être cher est ressentie par chaque membre de la famille : Baba et Tota, frères et sœurs, Maman et Papa. Derrière eux se tient une figure que j’ai liée au personnage de Maria de Rage Against the Machine. “Voici ses montagnes et ses cieux, elle rayonne; dans les rivières de sang historiques, elle se régénère. Comme le soleil, elle disparaît pour réapparaître. Maria, toujours là, son heure approche, jamais défaite, mais toujours prête!” (trad. libre). Elle représente pour moi une entité spirituelle qui nous console et nous donne des forces dans nos moments de grand chagrin. Lorsque le chagrin devient trop lourd, elle nous soutient et nous pousse à continuer de nous battre.
À la douce mémoire de Lexi “Wabigwan” Fox.
6 janvier 2005 – 5 janvier 2021 »
– Kaia’tanó:ron Dumoulin Bush
L’artiste
Kaia’tanó:ron Dumoulin Bush
Née en 1992, Kaia’tanó:ron Dumoulin Bush (pronom elle) est une illustratrice et artiste visuelle onkwehonwe et canadienne-française originaire de Oshahrhè:’on (Châteauguay), au Québec. En décembre 2018, elle a gradué de l’Université OCAD avec un baccalauréat en beaux-arts et en culture visuelle autochtone. Elle a également obtenu un diplôme d’études collégiales en illustration et design du Collège Dawson. Depuis 2012, Kaia’tanó:ron travaille au service de la communauté de Kahnawà:ke en tant qu’éducatrice artistique, tout en maintenant et en élargissant ses pratiques artistiques.
Instagram : @celestiyuuul
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