La Fondation David Suzuki a lancé une campagne publicitaire en 2023 pour contrer les affirmations et la publicité trompeuses de l'industrie des combustibles fossiles. (Photo : Point Blank Creative)

L’industrie des énergies fossiles s’est rendue coupable de nombreuses déclarations trompeuses ou mensongères au fil des ans : l’utilisation des combustibles fossiles ne cause pas de changements climatiques, il n’y a aucune solution de remplacement viable, le gaz « naturel » est une solution pour le climat, l’électricité au charbon peut être « propre », la capture et le stockage du carbone rendront l’exploitation des sables bitumineux écologique…

Aujourd’hui, une nouvelle règle obligeant l’industrie à étayer ses affirmations par des preuves provoque des remous.

Les entreprises de gaz de schiste et leurs partisans n’ont pas bronché quand les Normes de la publicité du Canada ont déclaré coupable d’« écoblanchiment » une organisation de façade de l’industrie qui présentait le gaz comme une solution à la crise climatique. Or une récente modification de la Loi sur la concurrence exige que les entreprises (et pas seulement celles de combustibles fossiles) prouvent la véracité de leurs indications environnementales, ce qui cause des sueurs froides à l’industrie et à ses tenants.

S’il y a eu peu de réactions lorsque les Normes de la publicité ont rendu leur verdict, c’est en partie parce que cette organisation n’a pas le pouvoir de faire appliquer les règles et ne rend pas publiques ses conclusions (dans ce cas-ci, les conclusions ont plutôt fait l’objet d’une fuite de données.)

Depuis des dizaines d’années, l’industrie nous montre qu’on ne peut pas attendre qu’elle fasse ce qu’il faut de son propre chef.

La modification de la Loi sur la concurrence octroie au commissaire de la concurrence le pouvoir de mener enquête sur la performance environnementale d’une entreprise pour s’assurer de la véracité de ses affirmations.

La Pathways Alliance, qui représente les plus grandes entreprises d’exploitation de sables bitumineux au Canada, a depuis retiré tout le contenu de son site Web, de ses comptes de réseaux sociaux et de ses autres plateformes de communication, elle qui auparavant affirmait que ses entreprises membres atteindraient la carboneutralité d’ici 2050 grâce aux technologies de capture du carbone (qui coûtent cher et n’ont pas encore réellement fait leurs preuves). Le Bureau de la concurrence mène déjà une enquête sur la Pathways Alliance pour ses affirmations trompeuses sur la carboneutralité, car ces déclarations ne sont vraies que pour les activités d’extraction, et non pour la combustion des produits, qui génère 80 % des émissions (source en anglais).

L’Association canadienne des producteurs pétroliers a également affirmé qu’elle retirerait certaines informations de ses communications publiques. Plusieurs entreprises pétrolières – Imperial, Suncor et ConocoPhillips, entre autres – ont ajouté un avis de non-responsabilité sur leur site Web.

Le fait que seule l’industrie des combustibles fossiles se plaigne du changement en dit long.

Les tenants de l’industrie pétrolière au sein du gouvernement et des médias sont aussi mécontents. Le gouvernement de l’Alberta a notamment qualifié la réforme de « censure autoritaire », alléguant que l’objectif était de « faire disparaître l’industrie de l’énergie au grand complet » (article en anglais). (Par « industrie de l’énergie », on entend ici le secteur de l’énergie fossile, et non celui des énergies plus propres et plus abordables.) L’Alberta a également dissous son controversé « centre des opérations » sur le pétrole et le gaz, aussi connu sous le nom de Centre de l’énergie canadienne (source en anglais).

C’est de toute évidence une réaction extrême à une règle qui n’exige qu’une chose des entreprises : l’honnêteté. Mais l’industrie des énergies sales lutte pour sa survie et cherche à continuer d’engranger des profits obscènes malgré les changements climatiques et la croissance rapide des énergies renouvelables.

Il est désolant que certains gouvernements fassent passer les intérêts de ce secteur avant la santé et le bien-être de leur population.

Le fait que seule l’industrie des combustibles fossiles se plaigne du changement en dit long. « Les nouvelles dispositions ne visent aucune industrie en particulier; elles s’appliquent à tout le monde, et pourtant on ne voit pas les sites Web d’autres secteurs d’activité être supprimés », faisait remarquer Martin Olszynski, professeur de droit à l’Université de Calgary, dans une entrevue au National Observer.

Reconnaissant la gravité de la crise climatique et sachant combien les choses empireront si nous ne cessons pas d’utiliser les combustibles fossiles, certaines personnes veulent aller plus loin et interdire toutes les publicités sur les énergies fossiles (article en anglais). D’autres demandent même des restrictions sur les publicités relatives aux produits qui favorisent l’utilisation d’énergies sales, en particulier les voitures, les camionnettes et les VUS à essence.

Il est désolant que certains gouvernements fassent passer les intérêts de ce secteur avant la santé et le bien-être de leur population.

Le cas du tabac a démontré que la réglementation fonctionne bien et s’avère souvent nécessaire, puisque la plupart des entreprises ne sont pas prêtes à renoncer à leurs profits, malgré les coûts élevés pour la société. Difficile d’imaginer que naguère, on fumait au restaurant, à l’hôpital, dans les taxis, au travail… presque partout!

La modification de la Loi sur la concurrence témoigne également de l’efficacité de la réglementation, surtout après la démonstration que les molles réprimandes d’une organisation sans réel pouvoir comme les Normes de la publicité n’ont pas ou presque pas d’effet sur l’industrie.

« Au Canada, les gens s’attendent à ce que les affirmations faites dans les publicités se fondent sur des faits avérés », soutient Catherine McKenna, présidente du groupe d’expertise de l’ONU sur les engagements en matière de carboneutralité et ancienne ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, en entrevue au National Observer. « Ce n’est pas trop demander. »

La crise climatique s’accélère, et la promotion des produits qui l’alimentent, en particulier au moyen d’informations fausses ou trompeuses, ne fait qu’empirer les choses. Depuis des dizaines d’années, l’industrie nous montre qu’on ne peut pas attendre qu’elle fasse ce qu’il faut de son propre chef. Nous devons l’obliger à rendre des comptes et à opérer une transition rapide vers les énergies propres.

Il est grand temps de cesser l’extraction des combustibles fossiles, tout comme leur promotion.