Si vous regardez une forêt d’en haut ou d’en bas, vous remarquerez peut-être un agencement de sentiers joliment séparés qui serpentent entre les arbres, appelé « fente de timidité ».
La plupart des spécialistes qui ont cherché une explication à ce phénomène ont conclu qu’il repose sur de multiples facteurs. On a d’abord cru que le frottement des branches supérieures, sous l’effet du vent, endommageait la couronne au point d’en stopper la croissance. Mais, une étude n’a révélé aucune différence dans les forêts exposées aux vents ou protégées.
Selon l’une des hypothèses, le niveau de lumière permet à la pointe des branches de détecter une autre branche trop proche et, de ce fait, de cesser de croître dans cette direction. D’autres avancent qu’il s’agit d’une adaptation naturelle qui aide les arbres à optimiser leur accès à des ressources telles que la lumière et à minimiser la concurrence.
En dépit de la « distanciation » de leur couronne, de nombreux arbres communiquent entre eux par le biais d’un réseau fongique souterrain appelé « mycorhize ». Le sujet a été exploré par Peter Wohlleben dans La Vie secrète des arbres, ainsi que par Wayne Grady et moi-même dans L’Arbre, une vie. Ces toiles, ou « wood-wide webs », permettent aux champignons d’extraire le sucre des arbres et, en contrepartie, d’alimenter les arbres en eau et en nutriments, en plus de favoriser l’expansion de leurs racines. Ils contribuent également à la transmission entre les arbres d’avertissements sur des menaces : insectes, sécheresse et autres.
Les deux ouvrages illustrent les leçons que nous devrions tirer des arbres et des forêts. Dès que vous commencez à analyser leur complexité — leurs modes d’interconnexion qui les rendent plus forts ensemble qu’individuellement —, vous ne les verrez plus jamais de la même façon.
De nombreuses études démontrent les effets bénéfiques de la marche en forêt sur notre système cardiaque, respiratoire, immunitaire et sur notre stress.
Nous ne pouvons pas vivre sans les forêts. Elles nous procurent de l’oxygène, des aliments, du bois et d’autres ressources ; elles séquestrent aussi le carbone. Comme tout espace naturel, les forêts sont également bénéfiques à notre santé physique et mentale. En effet, de nombreuses études démontrent les effets bénéfiques de la marche en forêt sur notre système cardiaque, respiratoire, immunitaire et sur notre stress.
Des études fondées sur la tradition japonaise du shinrin-yoku, ou immersion en forêt, ont révélé que les personnes qui passent du temps dans la nature inhalent « des bactéries bénéfiques, des huiles essentielles végétales et des ions négatifs » qui interagissent avec les bactéries intestinales pour renforcer le système immunitaire et améliorer la santé physique et mentale.
Une étude japonaise menée auprès de 585 participants a révélé qu’une promenade en forêt diminue la dépression, l’anxiété, la colère, la fatigue et la confusion. Elle favorise également la vigueur et d’autres pulsions positives comparativement à la même promenade faite dans des zones urbaines.
Un article du Greater Good Magazine de l’université UC Berkeley rapporte des découvertes scientifiques selon lesquelles « la marche en milieu forestier fait baisser la tension artérielle, le taux de cortisol, le pouls et l’activité du système nerveux sympathique (liée au stress), et augmente l’activité du système nerveux parasympathique (liée à la relaxation) », contribuant ainsi à la santé cardiaque. Des études ont aussi révélé que la proximité de zones forestières améliore la santé respiratoire.
Selon d’autres études, le simple fait de regarder des images de forêts peut améliorer notre état d’esprit.
En cette période perturbée qui exige l’imposition de mesures d’hygiène et de distanciation, la réduction du stress et de l’anxiété ainsi que la stimulation du système immunitaire et de la capacité respiratoire sont d’autant plus importantes.
Les forêts sont également un rempart essentiel contre l’éclosion d’épidémies. Un article de Nation révèle que 60 pour cent des agents pathogènes microbiens qui ont émergé ou réapparu dans de nouvelles zones depuis 1940 (y compris le VIH, l’Ebola, le Zika et certains coronavirus) provenaient d’animaux, dont les deux tiers étaient sauvages, les autres étant des animaux de compagnie et du bétail.
Les animaux sauvages sont plus exposés aux agents pathogènes si leur habitat est altéré ou détruit. Cette détérioration met également les animaux infectés en contact plus étroit avec les humains. C’est pourquoi le commerce illicite d’animaux sauvages doit être étroitement surveillé pour empêcher les agents pathogènes de se propager d’une espèce à l’autre.
L’agriculture industrielle, basée sur le confinement de nombreux animaux dans des espaces restreints, risque aussi d’accroître la propagation de la maladie. Nous l’avons vu en 2014 lorsque des millions de volailles ont dû être abattues pour contenir une forme virulente de grippe aviaire. Une raison de plus d’adopter un régime végétarien.
Plus que jamais, nous devons protéger, conserver et restaurer les forêts, les terres humides et les autres zones naturelles pour lutter contre le dérèglement climatique et la propagation des maladies, ainsi que pour permettre à plus de gens d’avoir accès à des zones qui les gardent en bonne santé mentale et physique.
En ce moment, que nous ayons accès à la nature ou pas, nous devons prendre soin des autres et de nous-mêmes. Prenons exemple sur les arbres et soyons conscients que nous sommes plus forts tous ensemble.
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez