Au début de 1995, huit loups gris ont été transférés du Parc national Jasper, en Alberta, au Yellowstone National Park, aux États-Unis. Au cours des deux années suivantes, 23 autres y ont été introduits. Dans le parc de Yellowstone, le dernier loup avait été abattu en 1920.
La suite est remarquable. Au fil du temps, les loups ont contribué à freiner la multiplication rapide de la population de wapitis, ainsi qu’à éloigner les wapitis et les cerfs du fond des vallées et des berges des rivières, où ils constituaient des proies faciles. Les populations de cerfs et de wapitis se sont stabilisées, la végétation a repris ses droits le long des rivières et dans les vallées, ce qui a attiré une grande variété d’animaux sauvages. Les rivières se sont transformées avec l’apparition d’une végétation plus saine qui a contenu l’érosion des pentes et des berges. On compte actuellement huit meutes, totalisant environ 94 loups.
Il s’agit là d’un exemple de « réensauvagement », la remise à un état plus sauvage d’un écosystème grâce à la réintroduction d’espèces chassées ou éliminées du territoire. Le concept va au-delà de la conservation, qui consiste à protéger et à restaurer des habitats sans nécessairement réintroduire la faune et la flore indigènes.
Le réensauvagement peut prendre diverses formes et être réalisé par tous. La campagne Effet papillon de la Fondation David Suzuki se veut un geste tout simple et efficace pour faire réapparaître des plantes indigènes qui alimentent un éventail de pollinisateurs, notamment le monarque et d’autres papillons. L’objectif est de créer un réseau écologique qui permet aux êtres vivants de se nourrir, de se reproduire et de migrer.
À plus grande échelle, la restauration et la protection de corridors écologiques pour des animaux comme le caribou et le grizzly, qui ont besoin de grandes aires d’extension, assurent leur survie, ou voire leur progression, ainsi que celle des nombreuses espèces « parapluie ». (On définit comme espèce parapluie une espèce dont la préservation en protège d’autres qui partagent la même aire. Elle est souvent un indicateur de la santé d’un écosystème.)
Par la préservation ou le réensauvagement, lorsque nous donnons une chance à la nature, elle rebondit.
Par la préservation ou le réensauvagement, lorsque nous donnons une chance à la nature, elle rebondit. Et nous en profitons tous, car nous faisons partie intégrante de la nature et comptons sur ce qu’elle nous apporte.
Notre planète ne redeviendra pas un paradis sauvage, mais nous pouvons prendre des mesures pour corriger certains dommages que nous avons causés. Comme l’illustre la campagne Effet papillon, nous pouvons commencer par de petits gestes dans notre jardin ou notre quartier. Sans surprise, d’autres emboîteront le pas. (À une distance de deux mètres, bien sûr, et en vertu des autres règles et recommandations sanitaires.) Dans le sud de l’Ontario, l’idée s’est répandue aussi vite que de la mauvaise herbe… ou que l’asclépiade !
Il existe une foule d’occasions de redonner sa place à la nature, de nos pelouses rarement utilisées aux forêts et zones humides sacrifiées au développement. Nous pouvons « réensauvager » notre terrain ou y cultiver des fruits et des légumes. Nous pouvons nettoyer les nombreux puits de pétrole abandonnés, ainsi que les routes et les clairières qui les entourent pour redonner vie aux écosystèmes et habitats tout en créant de l’emploi.
De plus en plus d’économistes, d’écologistes, de scientifiques et d’urbanistes reconnaissent l’importance de l’« actif naturel », les multiples fonctions et services que procure la nature, souvent moins coûteux et plus efficaces que l’environnement bâti.
… la protection et la restauration des écosystèmes s’avèrent extrêmement efficaces pour la purification de l’eau, la gestion des inondations, la protection contre les tempêtes et autres.
Une étude réalisée par la Fondation David Suzuki et Municipal Natural Assets Initiative, en collaboration avec plusieurs villes de la Colombie-Britannique, du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario, a découvert que la protection et la restauration des écosystèmes s’avéraient extrêmement efficaces pour la purification de l’eau, la gestion des inondations, la protection contre les tempêtes et autres, sans les dépenses majeures liées à l’entretien et à la durée de vie limitée des environnements bâtis qui assurent des services similaires.
Au-delà de leurs avantages locaux, des écosystèmes sains et intacts contribuent notamment au stockage du carbone et à l’alimentation. Ils peuvent même prévenir, ou du moins réduire, le nombre de maladies mortelles transmises de l’animal à l’humain. En effet, depuis 1940, 60 pour cent des maladies nouvelles ou réémergentes, dont le VIH, le Zika et plusieurs coronavirus, proviennent d’animaux sauvages ou domestiques, en raison notamment de la destruction de forêts et d’habitats.
Nous savons que lorsque nous donnons à la nature la chance de se rétablir, elle le fait. Et lorsque nous entreprenons de la restaurer, il se passe des choses extraordinaires. Nous démontrons actuellement que nous pouvons prendre les mesures nécessaires pour assurer notre sécurité et notre santé, de même que celles des autres. Dans le monde entier, bien des gens vivent une période difficile. Mais, nous nous sommes serré les coudes et nous avons ralenti. Imaginons un monde où nous serions conscients de notre interdépendance avec la nature, conscients que ce que nous faisons à la nature a des effets directs sur nous.
Donnons une chance à la nature pour donner à notre espèce une meilleure chance de vivre plus heureuse et en santé.
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Traduction : Monique Joly et Michel Lopez