Des mots pour contempler la beauté de la nature

Portrait de Nicole Saint-Jean, donatrice de la Fondation David Suzuki (Photo : Ambre Giovanni, Fondation David Suzuki)

Nicole Saint-Jean compte parmi les généreux.ses donateur.rice.s de la Fondation David Suzuki (FDS). Artiste et poétesse dans l’âme, cette dame âgée de 90 ans et demi nous a fait parvenir l’un de ses poèmes, à la suite de l’exposition initiée par la FDS « Entendez ma colère! : Mobiliser les émotions pour la justice climatique et sociale » du 22 avril au 6 mai 2022 à la galerie Espace POP à Tiohtià:ke/Mooniyang (Montréal).

Curieux.ses de découvrir la personne qui se cachait derrière ces mots, nous sommes allé.e.s à sa rencontre. C’est avec un grand sourire que cette femme, contemplatrice de la beauté dans le monde, nous a chaleureusement ouvert sa porte.

Lettre et poème envoyés par Nicole Saint-Jean

Lettre (au centre) et poème (à droite) envoyés par Nicole Saint-Jean (Photo : Sabaa Khan, Fondation David Suzuki)

Pourquoi la nature vous inspire tant?

« J’aime la beauté dans toutes ses formes. J’aime la vie et j’aime ce qui est beau. Je n’ai pas le goût de parler des malheurs. La nature et la beauté sont partout. Il y a une phrase de Colette que j’aime beaucoup : « Nous ne regardons jamais avec assez d’attention, nous ne regardons jamais assez passionnément ». Dès que l’on regarde, on voit des merveilles, mais il faut prendre le temps. Beaucoup de gens regardent, mais ne voient pas. Il faut regarder avec passion pour voir la beauté. »

Dès que l’on regarde, on voit des merveilles, mais il faut prendre le temps. Beaucoup de gens regardent, mais ne voient pas. Il faut regarder avec passion pour voir la beauté.

Pourquoi écrivez-vous des poèmes sur la nature?

« J’aime voir les feuilles bouger et les arbres en folie. J’aime quand il vente, j’aime les jardins et j’aime les fleurs. Ça m’inspire. Quand j’étais plus jeune, j’avais une conception assez dramatique de l’existence, puis avec le temps, je me suis davantage intéressée à m’émerveiller sur la beauté du monde que sur ses problèmes. C’est un choix. C’est très rare que j’écrive sur les malheurs. Je me dis que ce n’est pas nécessaire. J’écris plutôt au moment où je suis émerveillée. »

Nicole Saint-Jean montrant une photo de l’une de ses poteries

Nicole Saint-Jean montrant une photo de l’une de ses poteries (Photo : Ambre Giovanni, Fondation David Suzuki)

Aimeriez-vous nous réciter l’un de vos poèmes?

« Oui, je l’ai écrit sur le chemin qui me menait à mon camping.

Toujours, partout sur la route, j’admire la rondeur de certains arbres
et les formes admirables et précises des autres
la variété, la vitalité et la générosité
la magnificence, la beauté, tout est là
les vieux arbres, comme je les aime
avec leur grandeur, leur noblesse, leur silhouette si altière
je reconnais celui-ci à droite, deux ou trois fois centenaire
et celui-là plus loin, avec son tronc extravagant et sa vigueur invraisemblable
je vous salue grands-pères, heureuse chaque année que vous soyez toujours là
j’admire aussi l’insouciance des plus jeunes, leur luxuriance, leur foisonnement, la multiplicité de leurs verts et la folie de leurs feuilles, qui sans aucune retenue se laissent joyeusement bousculer par le vent
et par moment, j’admire aussi leur immobilité héroïque, alors que l’intérieur, c’est l’effervescence continuelle
j’aime beaucoup cette aisance des arbres à s’abandonner complètement à la vie
leur si puissante et si irrépressible ardeur à vivre
toujours, chaque fois, leur majesté, leur splendeur, leur ténacité, leur force tranquille m’émeuvent
ils sont là, partout, avec leur sagesse obéissante, hôtes tranquilles d’un fourmillement obstiné de vie
tout au long de la route, je suis dans un état de grâce, de reconnaissance, presque douloureux, à les contempler, à les admirer
et toujours, je suis reconnaissante pour ce luxe inuit, ce modèle de vie, d’énergie et de beauté qu’ils sont pour moi » (poème réécrit tel que lu)

Quelle a été votre source d’inspiration?

« Ce poème est parti d’une chicane. J’étais dans l’auto de ma fille qui me menait au camping et on venait de se chicaner, car ma fille et moi, on se chicanait souvent. Et là, j’ai dit « Je ne parle plus ». J’ai arrêté de parler jusqu’à ce que je sois rendue au camping et j’ai commencé à regarder plus attentivement le chemin. Vous savez, quand ça fait plus de 40 ans que l’on fait le même chemin… Je les connaissais par cœur ces arbres : ces trois ensemble ici, ces deux qui sont là… Alors j’ai commencé à écrire un poème dans ma tête. C’est comme ça qu’il est né! Parce que j’étais choquée! Je l’ai écrit en arrivant et je l’ai un peu corrigé ensuite. »

Quels messages souhaitez-vous transmettre à travers vos poèmes?

« Faire attention à ce que l’on voit : regarder et voir. […] Le souci des autres aussi. Une fois, j’étais dans un transport adapté avec un monsieur qui essayait de dire quelque chose, mais il n’y arrivait pas. Il hurlait. Et je me suis dit que peut-être que jamais au cours de sa vie, il ne sera capable de trouver les mots pour dire ce qui se trouve en dedans de lui. »

J’aime voir les feuilles bouger et les arbres en folie. J’aime quand il vente, j’aime les jardins et j’aime les fleurs. Ça m’inspire.

Outre les poèmes que vous écrivez, comment luttez-vous contre les changements climatiques?

« Lutter? Voyez-vous, je fais tout mon possible. Ici, où je vis, il y a des centaines de personnes qui y habitent aussi. […] Pourtant, on ne récupère pas encore le verre. Nulle part. Imaginez toutes ces personnes, toutes ces bouteilles de vin et ces bocaux de confiture! Tout est jeté et ça m’enrage! […] Il y a du gaspillage partout et je me demande pourquoi on ne s’en occupe pas tout de suite? Pourquoi attendre? Je deviens très impatiente. Alors c’est ça, j’essaie de lutter pour que l’on s’occupe mieux de la récupération ici. Il y en a tout de même pour beaucoup de choses, mais ce n’est jamais assez. »

Le coin vert de Nicole Saint-Jean

Le coin vert de Nicole Saint-Jean (Photo : Ambre Giovanni, Fondation David Suzuki)

Pourquoi versez-vous des dons à la FDS?

« Il y a des années, j’écoutais David Suzuki de façon religieuse tous les dimanches. J’ai toujours beaucoup aimé écouter cet homme et par la suite, j’ai connu sa fondation. Je versais des dons à beaucoup d’organismes auparavant, mais à présent, quand je pense que les ours polaires sont en train de mourir… Même au Canada des centaines d’espèces sont en péril. Et lorsqu’une espèce disparait, c’est pour toujours! Je trouve cela très triste et grave. J’ai donc décidé de mettre plus d’emphase sur les questions environnementales parce que c’est urgent! Pourtant, je trouve que l’on continue à vivre comme si de rien n’était. Donc pour moi, la question principale est de sauver la planète et tous les êtres vivants. »

Et ce n’est pas tout, puisque Nicole Saint-Jean s’apprête à faire publier un recueil de ses poèmes, destiné aux amoureux.euses des arbres et de la nature.