La crise climatique est trop grave pour pouvoir être réglée par de simples gestes individuels. Elle nécessite des règlements et des politiques gouvernementales ainsi que la coopération internationale sous toutes ses formes, de la recherche aux ententes mondiales. Mais il existe un secteur clé où les gestes individuels (comme le militantisme) combinés aux politiques gouvernementales peuvent marquer un véritable tournant : le transport.
Depuis son avènement, la culture de l’automobile alimente la crise climatique. À l’origine, ce n’est pas pour satisfaire les adeptes du luxe et les grandes familles qu’on a commencé à fabriquer de gros véhicules, mais bien pour brûler autant de pétrole à forte densité énergétique que possible, de façon à favoriser une alliance extrêmement lucrative et mutuellement bénéfique entre les grandes sociétés pétrolières et l’industrie automobile. Tout un mode de vie est ainsi né autour du véhicule, aux États-Unis et au Canada notamment, avec l’apparition des motels, des ciné-parcs, des banlieues et des centres commerciaux.
Aujourd’hui, malgré bien des avancées – progrès des véhicules électriques et hybrides, normes sur les tuyaux d’échappement, amélioration du transport en commun dans certaines régions, etc. –, les émissions de GES continuent d’augmenter, principalement à cause d’un bond des ventes de camions légers et de VUS. Pour que l’économie pétrolière continue de rouler, on nous bombarde sans relâche de publicités où ces engins semblent symboliser liberté, aventure et sécurité.
Depuis son avènement, la culture de l’automobile alimente la crise climatique.
Selon un récent rapport de la Fondation David Suzuki (en anglais), les camions légers (y compris les VUS et les minifourgonnettes) constituent l’une des sources d’émissions de GES dont la croissance est la plus rapide dans le secteur du transport canadien. Bien que les émissions des voitures aient baissé de 47 % entre 1990 et 2022, celles des camions légers, quant à elles, ont augmenté de 112 %. En 2020, parmi les véhicules légers sur les routes du pays, on comptait environ 62 % de camions, contre 27 % en 1990.
Selon le rapport, le grossissement des véhicules aurait réduit à néant 39 % des baisses de consommation de carburant que le Canada aurait pu constater grâce à la hausse des ventes de véhicules à émission zéro et à de meilleures économies de carburant.
Comme le révèle l’étude, la tendance est mondiale : « Parmi les ventes de véhicules légers, la proportion de VUS est passée de 22 % en 2005 à plus de 50 % en 2022 ». Le poids moyen des véhicules a également augmenté. Entre 2010 et 2022, après le secteur de l’énergie électrique, les VUS représentaient la source d’émissions de GES à la croissance la plus rapide au monde, surpassant le secteur de l’industrie lourde, les camions lourds et l’aviation.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, la consommation mondiale de pétrole par les VUS a grimpé de 500 000 barils par jour de 2021 à 2022, ce qui représente pas moins du tiers de la croissance totale de la demande de pétrole (source en anglais).
Chose certaine, les choix individuels en matière de transport, comme l’acte de résister aux assauts de la propagande consumériste, peuvent contribuer au virage nécessaire vers des modes de vie moins polluants et plus respectueux du climat.
Ajoutons que les VUS sont moins sécuritaires que les petites automobiles. Les personnes à pied, à vélo ou à bord d’un véhicule de moindres dimensions, notamment, risquent bien plus d’être blessées ou tuées si elles sont percutées par un gros engin comme un VUS.
Chose certaine, les choix individuels en matière de transport, comme l’acte de résister aux assauts de la propagande consumériste, peuvent contribuer au virage nécessaire vers des modes de vie moins polluants et plus respectueux du climat. Déjà, si on renonce aux VUS et aux camions légers, dont on n’a pas vraiment besoin, c’est un début. Mais la vraie solution ne se résume pas à acheter des véhicules hybrides, électriques ou plus petits. Les gouvernements doivent faire partie de l’équation.
Si nous voulons nous défaire de l’idée absurde selon laquelle, pour se déplacer, chaque personne a besoin d’une tonne ou deux de métal, de plastique, de tissu, de composants électroniques et d’autres matériaux, bref d’un engin (parfois gourmand en combustibles fossiles par-dessus le marché!), nous avons besoin d’avoir accès à d’autres moyens de transport efficaces.
Le transport public est capital, tout comme de bonnes infrastructures pour les piéton.ne.s, les cyclistes et les personnes à mobilité réduite. À mesure que nous progresserons vers ces solutions, même les personnes qui doivent prendre le volant, comme les conducteur.rice.s de véhicules d’urgence et de taxis, passeront moins de temps dans les embouteillages et respireront moins la pollution de l’air. De plus, si nous réduisons notre dépendance à l’automobile, nos collectivités deviendront beaucoup plus sécuritaires. Notre portefeuille gagne d’ailleurs énormément à ce que nous ne possédions pas de voiture du tout, qui s’avère un achat dispendieux (entretien, assurance, stationnement, carburant, dépréciation, etc.)!
Ce qu’il faut vraiment, cependant, c’est remplacer complètement la culture de gaspillage de l’automobile par une multitude d’options de rechange plus sécuritaires, plus saines et plus efficaces.
Les nouvelles technologies pourraient aussi être utiles. Par exemple, pour les services de taxi et de covoiturage, il pourrait être judicieux de se tourner vers les voitures autonomes ou entièrement automatisées. Mentionnons aussi le potentiel d’une meilleure planification urbaine, qui pourrait favoriser des collectivités propices à la marche et reliées par un bon réseau de transport public.
Mais un vrai danger plane : que les résultats électoraux viennent contrecarrer certains des progrès réalisés (normes d’émissions des véhicules, infrastructures pour des modes de transport alternatifs, transport public, péage de congestion, quotas de vente de véhicules électriques, etc.).
Que faire? À tout le moins, nous pouvons tous et toutes résister à la pression consumériste exercée par les grandes sociétés pétrolières et automobiles, qui nous poussent à nous cloîtrer dans des machines énergivores au beau milieu du trafic, dans la fumée suffocante de VUS et de camions polluants. Ce qu’il faut vraiment, cependant, c’est remplacer complètement la culture de gaspillage de l’automobile par une multitude d’options de rechange plus sécuritaires, plus saines et plus efficaces.