En 1970, lorsque l’agence américaine de protection de l’environnement a rehaussé les normes sécuritaires et environnementales des voitures, les constructeurs ont réagi. Tenus de respecter les nouvelles règles, ils ne se sont pas entièrement conformés aux impératifs de sécurité et de pollution. Ils ont cherché des échappatoires.

En vertu de la U.S. Clean Air Act, les constructeurs de véhicules devaient plus que doubler l’efficacité énergétique de leurs voitures au cours de la décennie. Le Canada et d’autres pays ont emboîté le pas. Toutefois, les camionnettes, les fourgonnettes et les VUS n’étant pas soumis aux mêmes règles, les fabricants ont commencé à les commercialiser comme des véhicules familiaux.

De nombreux pays ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre dans certains secteurs, en grande partie grâce à l’abandon des centrales thermiques au charbon. Par contre, ils ont enregistré des hausses dans le secteur du transport, ce qui n’augure rien de bon. En effet, le transport compte pour environ 14 pour cent des émissions mondiales et constitue aux États-Unis la source d’émissions de CO2 la plus importante, en raison surtout des autos et des camions.

An Canada, les émissions de gaz à effet de serre proviennent en premier lieu de l’industrie du pétrole et du gaz naturel (26 %), mais le transport suit de près (24 %). Bien que les émissions liées à la production d’électricité et à l’industrie lourde aient diminué au Canada depuis 1990, les émissions causées par le pétrole, le gaz naturel et le transport ont, entre 1990 et 2015, grimpé de 76 % dans le cas du pétrole et du gaz et de 42 % dans le cas du transport. Selon le gouvernement canadien, les émissions liées aux voitures ont diminué de 23 % au cours de cette période, mais « les émissions causées par les utilitaires légers (camionnettes, fourgonnettes et véhicules utilitaires sport) ont doublé ».

Les véhicules écoénergétiques, hybrides et électriques, ainsi que les modes de transport plus verts comme les programmes d’autopartage, les transports en commun et les infrastructures cyclistes sont essentiels pour réduire la pollution et les changements climatiques. Or, le marché mondial en croissance des camionnettes, VUS et véhicules multisegment (combinaison d’auto et de VUS), contrecarre les progrès réalisés dans ces secteurs.

Comme l’a souligné le New York Times, « l’année dernière, plus d’un véhicule sur trois vendu dans le monde était un VUS ou son cousin plus léger, le véhicule multisegment, du jamais vu. En effet, selon les nouvelles données de l’agence ATO Dynamics, les parts de marché de ce genre de véhicules ont presque triplé au cours de la dernière décennie».  Aux États-Unis, le faible prix de l’essence a dopé les ventes de « véhicules utilitaires légers », notamment les VUS, qui ont atteint 63 % des ventes de véhicules en 2017.

Au Canada, le gouvernement a indiqué que « depuis 1990, l’augmentation du nombre d’utilitaires légers sur les routes a été plus que trois fois supérieure à l’augmentation de l’ensemble du parc de véhicules de promenade».

Les ventes de camionnettes ont également bondi, la série Ford F étant en voie de déclasser la Toyota Corolla au sommet des ventes de véhicules à l’échelle mondiale.

L’Initiative mondiale pour les économies de carburant des Nations Unies conclut que l’efficacité énergétique mondiale pour les nouvelles voitures doit s’améliorer de 3 % par année, simplement pour stabiliser les émissions. Comme le rapporte le New York Times, « entre 2005 et 2008, l’efficacité énergétique moyenne des nouvelles voitures dans le monde s’est améliorée d’environ 1,8 % par année », mais le rythme a ralenti à 1,1 % en 2015 ». À l’heure où la Chine et l’Inde intensifient leur engouement pour l’automobile, le problème ne fera que s’aggraver.

Même si les camionnettes et autres gros véhicules sont utiles pour de nombreux types de travaux, ils sont souvent superflus comme véhicules personnels. Trop de VUS sillonnent les rues des villes avec une seule personne à bord ; peu d’entre eux semblent avoir fait du hors-route. De plus, les VUS n’améliorent pas nécessairement la sécurité en général, car ils sont plus susceptibles de faire des tonneaux. Et même si les usagers de VUS peuvent éviter la mort ou des blessures graves lors d’une collision, les passagers à bord de plus petites voitures qui entrent en collision avec de gros véhicules sont plus susceptibles de se faire tuer ou de subir des blessures graves.

De plus gros véhicules génèrent de plus gros profits et contribuent à assurer la prospérité de l’industrie gazière et pétrolière. Il est inadmissible que ces deux secteurs fassent passer leurs profits avant l’urgence de régler la pollution et les changements climatiques.

Il revient à l’industrie et aux gouvernements d’adopter des mesures importantes pour combattre les changements climatiques et réduire la pollution, mais chacun d’entre nous a sa part de responsabilité. Le type de moyen de transport que l’on choisit peut avoir une grande influence. Il est irresponsable de conduire des VUS et des camionnettes alors que des solutions moins polluantes sont aussi sinon plus efficaces. Nous devons faire mieux. Pour nous-mêmes et pour le reste du monde.

 

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez