Aujourd’hui, nous cultivons toutes sortes de fruits et de légumes en pleine ville, dans les jardins communautaires, sur les toits verts et même sur les murs végétalisés. Mais qu’en est-il des champignons?
Nous avons décidé de partir à la rencontre de groupes citoyens engagés et d’entrepreneur.e.s innovant.e.s qui se sont lancé dans l’aventure de cultiver des champignons en région urbaine!
Qu’est-ce que l’agriculture urbaine?
L’agriculture urbaine est une pratique agricole réalisée en ville, qui consiste à cultiver des fruits et des légumes dans différents espaces, comme sur les toits, les balcons, les terrains vacants ou les jardins partagés. Cette pratique permet aux citadin.e.s de produire une partie de leur propre nourriture tout en créant des espaces verts, en renforçant la résilience des communautés et en réduisant l’empreinte écologique qui est liée au transport des aliments. Elle permet également de stimuler l’engagement citoyen et de sensibiliser à la sécurité alimentaire en milieu urbain.
Découvrez le modèle inspirant d’agriculture urbaine des Jardins à partager Saint-Hubert
Photo : Jardins à partager Saint-Hubert
Et qu’en est-il des champignons?
Quant à l’agriculture des champignons en milieu urbain, celle-ci a gagné en popularité dans les dernières années grâce à des mycologues passionné.e.s qui ont imaginé de nouvelles alternatives pour tirer profit du grand potentiel des champignons.
Ni plantes, ni fruits, ni légumes, les champignons appartiennent à un règne à part. Ils jouent notamment un rôle essentiel dans l’écosystème : saviez-vous que sans les champignons, il n’y aurait pas eu la colonisation des plantes sur la terre et que les êtres humains ne seraient jamais arrivés? Ils sont également d’une grande utilité et d’une multitude d’usages, que ce soit pour l’industrie alimentaire, la santé et même l’environnement.
C’est pourquoi de plus en plus d’individus, de groupes et d’entreprises s’engagent dans l’aventure stimulante de cultiver des champignons en région urbaine. Même si cette pratique peut sembler quelque peu complexe, elle est source de nombreux avantages et bienfaits, tant sur le plan social qu’environnemental, ce qui vaut la peine qu’on s’y intéresse.
Les initiatives locales qui changent la donne
Pour mieux comprendre cette pratique de plus en plus populaire et découvrir les initiatives locales qui transforment nos villes, nous avons rencontré Emmanuelle Hardy-Senéchal, membre bénévole d’un collectif de mycologie urbaine, et Michael Loyer, jeune entrepreneur engagé dans la culture de champignons à l’échelle locale.
Projet communautaire Mycollectif
Le Mycollectif est né d’un souhait, il y a une dizaine d’années, de cultiver des champignons comestibles sur l’île de Montréal et développer cette expertise pour pouvoir fournir les cuisines collectives de Santropol Roulant, un organisme qui œuvre en sécurité alimentaire.
Aujourd’hui, le collectif rassemble une centaine de membres qui s’impliquent à l’année, que ce soit pour toutes les tâches liées à l’entretien et à l’agriculture des champignons ou pour les ateliers de sensibilisation aux enfants comme aux adultes.
Des réseaux à construire
Emmanuelle Hardy-Senéchal, bénévole depuis les tout débuts du collectif, a occupé plusieurs rôles au sein de Mycollectif. Elle est passionnée par les champignons, mais surtout par les relations humaines qui se créent entre les bénévoles et le grand public.
Sa mission personnelle? Créer des réseaux similaires à ceux de la partie racinaire du champignon (le mycélium) dans la nature, en créant des espaces de partage qui relient une diversité de gens. À travers les conférences et les ateliers pratiques, Emmanuelle s’efforce de transmettre sa passion et d’éveiller l’intérêt des jeunes.
Je trouve ça incroyable de pouvoir côtoyer des gens qui viennent de tous horizons et de pouvoir tisser des liens avec eux, un peu comme les réseaux mycorhiziens des forêts. Ça crée des connexions inattendues!
Emmanuelle Hardy-Senécal, bénévole au Mycollectif
Cependant, Emmanuelle mentionne que la réalité logistique de l’agriculture urbaine représente un grand défi. Cette année, la récolte de champignons a été beaucoup moins fructueuse que l’an dernier dû aux nombreux épisodes de pluie intense qui ont ravagé les jardins communautaires, notamment presque tous les plans de champignons. Ce constat démontre qu’il faut repenser nos façons de faire et s’adapter à un climat qui devient de plus en plus instable et inhospitalier dues aux changements climatiques.
Malgré les défis météorologiques, le Mycollectif travaille fort à faire vivre le projet et à le faire connaître. Il est définitivement un bel exemple d’économie circulaire qui fait profiter à la communauté qui s’intéresse aux pratiques durables, au milieu communautaire qui cherche à réduire ses coûts grâce à un modèle d’autosuffisance ainsi qu’aux personnes défavorisées qui côtoient les organismes qui leur viennent en aide.
Entrepreneur visionnaire au service de sa communauté
Michael, autodidacte passionné par la culture des champignons, a transformé un simple passe-temps en un projet profondément engagé. À ses débuts, il a commencé à faire pousser des champignons dans son placard d’appartement. Il a fini par occuper un local de 5 000 pieds carrés où il produit aujourd’hui une tonne de champignons chaque semaine, de 10 variétés différentes.
Un engagement environnemental et social fort
Michael est convaincu que la culture des champignons est non seulement bénéfique pour l’environnement, mais aussi un moyen de réduire l’empreinte carbone. Toutes les composantes de son substrat proviennent d’un rayon de moins de 10 km, puisqu’il réutilise les déchets des entreprises locales.
Il souligne également l’importance de soutenir les producteur.rice.s locaux.ales pour réduire les impacts environnementaux et encourager l’économie circulaire. Pour lui, la certification biologique doit aller au-delà des étiquettes qui ne sont pas toujours fiables : il s’agit avant tout de proximité et de réutilisation des ressources.
Pour moi, la vraie certification biologique réside dans la décision de consommer local et de proximité le plus possible. Nos choix de consommation peuvent vraiment avoir un impact sur notre environnement.
Michael Loyer, cofondateur des 400 Pieds de Champignon, entreprise montréalaise de culture de champignons.
Photo : Les 400 Pieds de Champignon
Un projet éducatif inspirant
L’intérêt pour la culture des champignons a explosé pendant la pandémie, et de plus en plus d’établissements scolaires intègrent cette pratique dans leurs projets éducatifs. Par exemple, l’école secondaire John Rennie commande des centaines de blocs de mycélium à la rentrée pour les mettre en terre avant l’hiver et donc assurer une récolte au printemps prochain. Par ailleurs, l’école a également lancé un projet de culture de champignons en serre, afin d’impliquer et responsabiliser les élèves dans tout le processus grâce à une application de gestion d’arrosage.
Pour en savoir plus sur leurs projets
Photo : Jean François Pepin et Beverly Landry
Et qu’en est-il de la culture des champignons à la maison?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cultiver des champignons est relativement simple, bien que cela exige du temps, de la patience et du dévouement, nous soulignent Emmanuelle et Michael.
Cette pratique repose sur deux éléments clés : le substrat et le mycélium.
Le substrat, sorte de terreau composé de matières organiques comme des copeaux de bois ou des écailles de soja, sert de nourriture aux champignons. Le mycélium, quant à lui, est la partie « racinaire » invisible du champignon qui se développe à l’intérieur du substrat.
Pour se lancer, il suffit d’obtenir un bloc de substrat déjà colonisé par le mycélium, de le maintenir dans un environnement humide et de l’arroser régulièrement. En seulement quelques jours ou semaines, des champignons commenceront à apparaître à la surface, prêts à être récoltés.
Voici ses conseils pour obtenir le résultat attendu :
- Tout d’abord, Michael nous indique de commencer par une petite incision dans le bloc de mycélium et retirer tout air supplémentaire qui pourrait être piégé à l’arrière en repliant le sac sur lui-même.
- Ensuite, il faut arroser deux à trois fois par jour, avec un petit vaporisateur – il assure un taux de réussite de 95 % selon lui.
Certaines variétés, comme la pleurote Marie-Anne, peuvent pousser en seulement cinq jours, tandis que d’autres, plus lentes, mais moins exigeantes en soins, peuvent nécessiter jusqu’à 28 jours. Il s’agit simplement d’être intéressé.e et patient.e dans la démarche!