Tout comme l’industrie du tabac avant elle, l’industrie des combustibles fossiles fait tout ce qu’elle peut pour survivre – et continuer à engranger des profits démesurés – malgré les preuves irréfutables de ses effets néfastes. Cela n’a jamais été aussi clair que lors de la COP28, le sommet sur le climat tenu à Dubaï, aux Émirats arabes unis.
Organisée par un État producteur de pétrole important et présidée par un haut dirigeant du secteur pétrolier du pays, avec la participation d’une armée de lobbyistes, de représentant.e.s et de promoteur.trice.s du secteur pétrolier et gazier, la COP28 a souvent semblé avoir pour objectif de lancer une bouée de sauvetage à l’industrie plutôt que de s’attaquer à la menace la plus grave à laquelle l’humanité ait jamais été confrontée. Les gouvernements de l’Alberta et de la Saskatchewan y ont envoyé des délégations, agissant davantage en tant que représentants de l’industrie pétrolière et gazière qu’en tant que défenseurs des intérêts de leurs citoyen.ne.s.
Néanmoins, nous ne pouvons laisser l’industrie responsable de la crise prendre toute la place et éclipser les efforts de réduction des émissions des gouvernements du monde entier.
Tout comme l’industrie du tabac avant elle, l’industrie des combustibles fossiles fait tout ce qu’elle peut pour survivre – et continuer à engranger des profits démesurés – malgré les preuves irréfutables de ses effets néfastes.
Sultan Ahmed Al Jaber, président de la COP28 et directeur de la pétrolière Abu Dhabi National Oil Company, a affirmé avant la conférence qu’il n’existait « aucune donnée scientifique » démontrant que l’élimination progressive des combustibles fossiles permettrait d’atteindre l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C. Il a aussi répété l’argument fallacieux selon lequel éliminer progressivement le gaz, le pétrole et le charbon « ramènerait l’humanité à l’âge des cavernes » (source en anglais).
Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, s’est montré plus réaliste. « Les données scientifiques sont claires : la limite de 1,5 °C n’est possible que si nous cessons de brûler complètement les combustibles fossiles. Pas si nous réduisons ou atténuons leur utilisation. Uniquement si nous les éliminons, selon un échéancier clair. »
Le mythe selon lequel il serait néfaste pour l’économie de remplacer des combustibles fossiles mortels par des énergies plus propres ne tient pas la route, même dans le paradigme économique actuel. Les études montrent que la transition a le potentiel de créer davantage d’emplois et de possibilités économiques.
Selon une étude réalisée par Deloitte pour le Forum économique mondial, « l’économie mondiale pourrait croître de 43 billions de dollars américains dans les cinq prochaines décennies grâce à une accélération rapide de la transition vers la carboneutralité », alors que sans cette transition, l’économie mondiale est appelée à « enregistrer des pertes de 178 billions de dollars américains ».
Le mythe selon lequel il serait néfaste pour l’économie de remplacer des combustibles fossiles mortels par des énergies plus propres ne tient pas la route, même dans le paradigme économique actuel.
Selon un rapport de la Commission des entreprises et du développement durable, les mesures en faveur du développement durable pourraient créer jusqu’à 380 millions d’emplois d’ici 2030, principalement dans les pays en développement.
Déjà en hausse, les coûts engendrés par les bouleversements climatiques sont bien réels, qu’ils découlent des effets des conditions météorologiques extrêmes sur les infrastructures et l’agriculture, des soins de santé liés à la pollution ou des crises migratoires. Les marchés du gaz, du pétrole et du charbon sont par ailleurs volatils et assujettis à la soif de profits de l’industrie lors des conflits mondiaux, ce qui entraîne une crise de l’abordabilité, causée par l’inflation liée aux énergies fossiles (en anglais la fossilflation). En parallèle, le coût des énergies renouvelables continue de diminuer. L’éolien et le solaire sont désormais moins chers que le gaz, le pétrole et le charbon, y compris lors que l’on tient compte des capacités de stockage, et sont beaucoup moins nocifs.
Alors que la COP28 aurait dû être consacrée à la gravité de la menace posée par les changements climatiques et à la meilleure façon d’y faire face, des délégations ont remis en question l’existence même de cette menace. Au lieu de nous appuyer sur des données scientifiques sur l’état de la planète et les risques engendrés par nos actions, nous accordons la même importance – et même davantage d’importance – aux considérations économiques et politiques. Notre volonté d’agir en réponse à la crise n’est pas déterminée par la gravité de la menace, mais par ce qu’il est possible de faire dans le cadre économique et politique actuel, régi par des échéances établies en fonction d’un temps humain accéléré.
Déjà en hausse, les coûts engendrés par les bouleversements climatiques sont bien réels, qu’ils découlent des effets des conditions météorologiques extrêmes sur les infrastructures et l’agriculture, des soins de santé liés à la pollution ou des crises migratoires.
Malgré le détournement du récit climatique par l’industrie, il faut reconnaître que certains progrès ont été accomplis lors de la COP28. Le premier jour de la conférence, le 30 novembre, les pays sont parvenus à un accord sur la création d’un fonds de compensation des pertes et dommages subis par les pays vulnérables en raison des changements climatiques. Quelques jours plus tard, 118 pays se sont engagés à tripler les capacités en énergies renouvelables d’ici 2030. Le Canada s’est ensuite joint à d’autres pays, dont les États-Unis, pour annoncer l’adoption d’un règlement visant à réduire les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier. Le Canada s’est engagé à réduire les émissions de ce puissant gaz à effet de serre d’au moins 75 % par rapport aux niveaux de 2012, et ce, d’ici 2030.
Ces mesures, et d’autres, ont été critiquées à juste titre parce qu’elles sont insuffisantes pour contrer la hausse rapide des émissions et des températures mondiales, mais c’est un début. Par ailleurs, encore une fois, les groupes en faveur des combustibles fossiles, dont les gouvernements de l’Alberta et de la Saskatchewan, se sont opposés (article en anglais). Dans ce contexte, nous devons nous exprimer haut et fort pour réclamer des actions plus ambitieuses à l’échelle mondiale.
Pour le bien de l’humanité, il ne faut pas rater notre coup. Nous devons écouter la science. Le temps presse.