
Bien plus qu’un simple reflet de notre monde, l’art nous aide à l’imaginer autrement et à le protéger. (Photo : D. Steed)
Quand vient le moment de réfléchir aux solutions existantes pour combattre les crises climatiques et de la biodiversité, les idées qui nous viennent à l’esprit sont souvent liées aux innovations technologiques, aux politiques gouvernementales ou aux infrastructures. Or, les outils les plus puissants sont bien plus anciens et beaucoup plus humains : ce sont les histoires, les chansons, les images et les performances artistiques. L’art ne sert pas seulement à décorer notre monde : il façonne le regard que nous portons sur lui.
C’est ce que les neurosciences le démontrent. En effet, lorsque nous sommes en présence d’une œuvre artistique, que ce soit une peinture, une danse, de la musique ou un conte, notre cerveau active des réseaux liés aux émotions, à la mémoire et à l’empathie. Effectivement, des études ont établi que, tout comme la nourriture, l’exercice, les passe-temps et le temps passé dans la nature ou en compagnie d’autrui, les expériences esthétiques déclenchent le système de récompense dans notre cerveau (source en anglais). Par conséquent, l’exposition à l’art éclaire littéralement nos voies neuronales, nous rendant plus perméables aux idées novatrices et plus enclin.e.s à les concrétiser.
Cela est pertinent lorsqu’il est question de « renaturation », c’est-à-dire de restaurer les écosystèmes et leurs fonctions et de rétablir le lien entre les êtres humains et la nature. Trop souvent, les discussions sur la conservation se concentrent sur des statistiques et des avertissements, mais les faits seuls ne suffisent pas toujours à interpeller les gens. L’art comble donc l’écart entre les données et l’action en faisant appel aux émotions.
Ces œuvres sont non seulement magnifiques, mais elles transforment aussi notre perception du monde naturel et notre vision de ce que serait la renaturation de nos communautés.
C’est pour cette raison que la Fondation David Suzuki et la revue Rewilding ont créé le prix Retour à la nature pour les arts. Cette distinction nationale célèbre les artistes de partout au Canada dont les œuvres réinventent notre relation avec la nature et la communauté. Lancé en 2022, le premier prix a reçu plus de 550 candidatures. Les créations des lauréat.e.s couvrent les disciplines du textile, de la sculpture, de l’installation artistique, de la photographie et du son. Jusqu’en octobre 2025, vous pouvez admirer cette exposition artistique inédite sur le thème de la renaturation au Musée canadien de la nature, à Ottawa. Il s’agit de la première exposition de cette envergure entièrement dédiée à ce sujet.
En visitant le musée, vous arriverez à l’œuvre délicate et immersive d’Amanda McCavour, un jardin composé de 500 coquelicots brodés et suspendus. L’artiste a transformé la galerie en un écosystème restauré grâce à des fils et des couleurs éclatantes. Inspirée par la mousse et le lichen, l’œuvre de Natasha Lavdosky brouille la frontière entre l’art et la science. Elle nous invite à voir la renaturation comme une alliance avec des organismes vivants souvent négligés, qui permettent de relier les écosystèmes entre eux. Les œuvres d’Amber Sandy en écorce de bouleau et en cuir honorent les savoirs des peuples autochtones et leurs relations avec le territoire, contribuant à la renaturation des liens culturels et écologiques.
Ces œuvres sont non seulement magnifiques, mais elles transforment aussi notre perception du monde naturel et notre vision de ce que serait la renaturation de nos communautés.
En d’autres termes, l’art ne nous incite pas seulement à la réflexion, mais aussi à nous soucier de notre monde, ce qui nous amène à passer à l’action.
De plus, la science confirme les impressions des visiteur.euse.s. Effectivement, de nombreuses études démontrent que l’art centré sur la nature et les expériences esthétiques associées à un lieu peuvent accroître l’identité écologique et stimuler l’engagement (source en anglais). Cet art, enraciné dans des contextes environnementaux, nourrit l’empathie, renforce notre lien avec la nature et nous incite à adopter des attitudes et des comportements favorables à l’environnement.
En d’autres termes, l’art ne nous incite pas seulement à la réflexion, mais aussi à nous soucier de notre monde, ce qui nous amène à passer à l’action.
D’après une étude de 2025 publiée en anglais, renforcer la relation entre les êtres humains et la nature est crucial pour lutter contre les changements climatiques et la perte de la biodiversité. En ce sens, l’art est particulièrement bien placé pour tisser ce lien. Selon une étude publiée en 2024 (en anglais), les spécialistes de l’environnement évoquent souvent des œuvres d’art qui ont façonné ou affermi leurs valeurs. Certain.e.s psychologues vont même jusqu’à qualifier cet art, capable de susciter les réactions émotionnelles et intellectuelles les plus intenses, de « solution merveilleuse », qui ouvre les gens à de nouvelles perspectives et à de nouvelles actions. Bien plus qu’un simple reflet de notre monde, l’art nous aide à l’imaginer autrement et à le protéger.
Si nous voulons renaturer les espaces verts et nos communautés, nous devons aussi renaturer nos cœurs et nos esprits.
Le prix Retour à la nature pour les arts est né de cette compréhension. En mettant de l’avant des artistes qui attirent l’attention sur la fragilité et la résilience des écosystèmes, nous contribuons à transformer la culture. Ce changement culturel est essentiel pour l’avancement de la cause environnementale. Les lois et les politiques établissent un cadre, mais les gens doivent être en mesure de concevoir des modes de vie alternatifs. L’art permet d’ouvrir cette voie.
Cet automne, la Fondation David Suzuki lance la deuxième édition du prix Retour à la nature pour les arts. Du 18 septembre au 18 novembre, les artistes de tout le Canada peuvent soumettre leur candidature. Cinq gagnant.e.s recevront un prix de 2 000 $ et pourront se joindre au grandissant Rewilding Arts Collective – un réseau national d’artistes qui contribuent à la sensibilisation écologique à travers leur pratique de création. En plus du prix, nous organisons une exposition d’art à Toronto, une table ronde à Montréal sur la renaturation et l’art, ainsi qu’un webinaire national sur le rôle de l’art dans la défense et le renforcement de l’esprit communautaire.
La science est sans équivoque : notre survie dépend d’écosystèmes sains. Cependant, les données et les statistiques ne peuvent pas raconter toute l’histoire. Nous avons besoin d’artistes pour nous émerveiller, changer notre perception et nous aider à imaginer un avenir plus juste et riche en biodiversité. Si nous voulons renaturer les espaces verts et nos communautés, nous devons aussi renaturer nos cœurs et nos esprits. La science nous révèle l’importance de cette question, tandis que l’art nous indique comment l’aborder.