Après des mois de perturbations causées par la pandémie de COVID-19, bien des gens aspirent avant tout à un retour à la « normale ». Nous surmonterons cette crise. Mais, la « normale » se traduira par des perturbations climatiques, la disparition d’espèces, la progression des inégalités, l’augmentation de la pollution et des risques pour la santé, ainsi que la possibilité de nouvelles éclosions de la maladie.
Nous devrions viser tellement plus que la « normale ». La crise de la COVID-19 a démontré que nous le pouvons.
La baisse des déplacements aériens et terrestres a entraîné une diminution considérable de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre. Une étude de la Stanford University avance que l’amélioration de la qualité de l’air en Chine durant le confinement pourrait avoir contribué à prévenir de 50 000 à 75 000 décès prématurés et, de ce fait, sauvé 20 fois plus de vies que les pertes causées par la COVID-19.
Toutefois, une pandémie ne peut constituer une solution au chaos climatique. Nous pouvons et devons changer nos façons de faire. La surconsommation, la culture de l’automobile et l’utilisation des combustibles fossiles mettent notre avenir en péril.
Il est temps de repenser nos systèmes économiques, qui remontent au milieu du 20e siècle, alors que les ressources étaient abondantes et les infrastructures insuffisantes, que la population était moins importante et que les États-Unis promouvaient le consumérisme comme moyen de maintenir le boom de l’après-guerre. Il est temps de préserver l’énergie et de nous tourner vers des sources propres. Il est temps d’aider les travailleurs des secteurs en déclin à se former et à trouver des emplois dans des domaines d’avenir. Il est temps de repenser nos façons de faire et nos heures de travail : la technologie s’est imposée dans toutes les sphères du travail.
Dans le monde entier, les entreprises et leurs alliés utilisent la pandémie pour pousser les gouvernements à assouplir les règles et protections environnementales.
Or, certains sont déterminés à poursuivre la dégradation de l’environnement et les activités nocives pour le climat. Dans le monde entier, les entreprises et leurs alliés utilisent la pandémie pour pousser les gouvernements à assouplir les règles et protections environnementales. Aux États-Unis, au Brésil et dans des provinces canadiennes, notamment l’Ontario et l’Alberta.
En Alberta justement, où le gouvernement et les médias tentent de nous convaincre que l’extraction des sables bitumineux est la seule industrie digne de ce nom, un ministre a révélé la mentalité pétropoliticienne.
« C’est le moment idéal pour construire un oléoduc, car les manifestations ne peuvent compter plus de 15 personnes », a récemment déclaré Sonya Savage, ministre de l’Énergie de l’Alberta dans un balado d’une entreprise d’extraction de pétrole.
« Au moins, elle est honnête », a commenté la jeune activiste climatique Greta Thunberg dans le cadre d’une entrevue.
Pourquoi ces politiciens et leurs entreprises et médias complices sont-ils si déterminés à investir des milliards en pipelines pour un produit qui coûte plus cher à produire que ce qu’il rapporte sur le marché ? Pourquoi s’acharnent-ils à soutenir une industrie qui emploie de moins en moins de gens sous l’effet de l’automatisation et des forces du marché ? Alors que le monde se tourne vers des énergies renouvelables et que les technologies propres nous offrent de multiples possibilités économiques, pourquoi veulent-ils tout miser sur un secteur en déclin depuis des décennies ? Pourquoi veulent-ils vendre et brûler inutilement un produit limité qui peut être utilisé à d’autres fins ?
Pourquoi les Canadiens doivent-ils subventionner et renflouer le secteur le plus lucratif de l’histoire de l’humanité, alors que ces milliards pourraient nous permettre d’emprunter une voie tellement plus saine ?
N’avons-nous aucune vision ni imagination, aucun courage ?
La pandémie a causé son lot de souffrances et de pertes, en particulier chez les plus vulnérables. Mais elle nous a aussi ouvert les yeux sur ce qu’il était possible d’accomplir.
La pandémie a causé son lot de souffrances et de pertes, en particulier chez les plus vulnérables. Mais elle nous a aussi ouvert les yeux sur ce qu’il était possible d’accomplir. Nous avons constaté que nous pouvions réduire les émissions de gaz à effet de serre et la pollution. Nous avons démontré que nous pouvions modifier les structures de travail. Nous avons pris conscience que nous pouvons nous en sortir par la collaboration et l’altruisme.
La pandémie a également exposé la sottise de ceux qui rejettent la science et le bon sens, une attitude que nous observons depuis des années face à la crise climatique, mais qui a pris de l’ampleur face à des mesures préventives aussi simples que la distanciation physique et le port du masque, perçues comme des atteintes à la liberté.
Pourtant, de nombreuses solutions pourraient être mises en œuvre immédiatement, de la semaine de travail de quatre jours au maintien de la fermeture de rues et des restrictions à la circulation automobile.
Lorsqu’un pour cent de l’humanité possède près de la moitié de la richesse mondiale et que ce un pour cent contribue largement à la croissance perpétuelle de l’économie, quel qu’en soit le coût humain, il est clair que les choses doivent changer. Durant la pandémie, en 23 jours seulement, les milliardaires américains ont enregistré des gains de 282 milliards $, tandis que l’Américain moyen a perdu son emploi et peine à arriver : une réalité qui illustre l’absurdité du système actuel.
La lutte contre la pandémie doit constituer un point de départ dans la lutte contre les autres crises auxquelles nous sommes confrontés, notamment le dérèglement climatique et l’extinction des espèces. Nous n’avons pas le luxe de laisser passer cette occasion.
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez