En 1990, c’est au Québec, avant toutes les autres provinces et tous les autres territoires, qu’on déclare le 21 juin comme Journée de célébration de la culture autochtone. Cette journée se retrouve être aussi celle du solstice, la plus longue de l’année.
1990 restera un été chaud entre les communautés allochtones et autochtones. C’est l’été de la crise d’Oka ou comme je préfère la nommer, l’affirmation d’Oka. Faire entendre sa voix a été pour moi l’héritage de cet été de mes 12 ans, où j’ai découvert la fierté de vouloir devenir une femme autochtone à l’image d’une des leaders du mouvement mohawk, Ellen Gabriel.
J’ai appris de cet été 1990 que nos voix étaient puissantes et qu’elles disaient des vérités ancestrales. Ces vérités n’avaient pas été tues par manque de validité, mais bien par des politiques canadiennes qui espéraient voir s’éteindre nos droits, soient-ils modernes ou ancestraux.
La semence de la résistance était bien implantée dans ma tête ; je travaillerais fort à faire pousser un arbre de connaissances qui ne serait pas nourri par le système scolaire public qui manque encore douloureusement des chapitres de sa propre histoire ainsi que de la nôtre. Ceux qui aideraient à nourrir cet arbre auront été des aînés, des enseignants, des activistes, des politiciens, des avocats – toute une communauté qui, elle aussi, avait dû se battre pour répertorier et partager cette histoire et ces savoirs qu’on a trop souvent voulu éteindre.
Les savoirs ancestraux liés aux cérémonies, aux traditions de pêche et de chasse, la transmission de la langue et des récits font partie d’une transmission orale dont le chemin remonte à des temps immémoriaux. Cette connaissance, pour plusieurs nations, a parfois été partagée dans l’illégalité ou en secret. Aujourd’hui, c’est grâce à cette désobéissance civile que l’on peut encore faire cette passation millénaire.
2019
Déjà un an au sein de l’équipe de la Fondation David Suzuki, et dire que le temps est passé trop rapidement serait un euphémisme! J’entrais en poste au mois de mai l’an dernier et pour célébrer ce premier anniversaire, j’ai eu la chance cette année d’être au Forum Permanent sur les Questions autochtones à l’ONU. Le thème de la 18e édition était: « Savoirs traditionnels: génération, transmission et protection. » Bien sûr, l’une des approches les plus discutées était celle des aires protégées et de la conservation du territoire. La langue, la biodiversité, la culture matérielle, la sécurité alimentaire et plusieurs autres enjeux importants avaient pour dénominateur commun le territoire et sa protection.
Au même moment en mai, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES en anglais) supportée par les Nations Unies déclarait dans son nouveau rapport : « La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine – et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier. »
« La réponse mondiale actuelle est insuffisante ; des « changements transformateurs» sont nécessaires pour restaurer et protéger la nature. »
1 000 000 d’espèces menacées d’extinction
Le rapport déclare ainsi que 75% de l’environnement terrestre et environ 66% de l’environnement marin ont été considérablement altérés par les activités humaines. En moyenne, ces tendances ont été moins graves ou mieux évitées dans les zones détenues ou gérées par les peuples autochtones et les communautés locales.
« Ils sont clairement les gardiens de la nature pour le reste de la société, a confié à l’AFP Eduardo Brondizio, un des principaux auteurs. [Ces peuples s’occupent] sous divers régimes fonciers d’un quart des terres de la planète. Et c’est là qu’on trouve la nature la mieux conservée. »
Ce rôle de protecteur ne fait certainement pas partie de la description de tâches quand nous naissons, mais cette responsabilité est intrinsèquement transmise à travers tous les savoirs ancestraux qui nous sont enseignés. Lors de ce passage au Forum Permanent, en cette année internationale des langues autochtones de l’UNESCO, la transmission et la protection des savoirs ancestraux étaient non seulement vues comme des droits humains de base, mais aussi comme des outils de préservation utiles à une humanité qui a grand besoin de solutions réalistes et applicables. Surtout dans le contexte où les premiers peuples sont aussi les premiers à vivre les impacts des catastrophes climatiques. Ces mêmes peuples et la biodiversité qu’ils s’efforcent de protéger sont les canaris dans la mine.
D’autre urgences s’insèrent dans la démarche : ces nations vivent aussi les autres problématiques liées à la réalité des peuples autochtones, tels que la dépossession territoriale, les guerres, l’inaccessibilité au territoire, la colonisation, la discrimination, les déplacements forcés, etc. La qualité des savoirs se doit d’être conservée de toute urgence, car les porteurs les plus expérimentés nous quittent et les savoirs non-traditionnels s’imposent dans le système d’éducation qui n’est pas celui des diverses nations. En cette journée nationale des premiers peuples, il serait intéressant que cette responsabilité liée aux savoirs devienne une responsabilité partagée entre autochtone et allochtones au Québec. Profitez bien du congé pour vous plonger au cœur des savoirs de votre territoire <3