Notre santé, notre bien-être, notre sécurité alimentaire et notre économie reposent sur une nature saine et diversifiée. L’eau et l’air purs sont essentiels à la vie et à la santé. Pour produire des aliments, il nous faut des sols riches en nutriments. La diversité confère aux écosystèmes la résilience dont dépend la vie humaine.
Or, récemment, plus de 550 experts d’une centaine de pays ont émis une mise en garde : « La biodiversité — l’essentielle diversité de formes de vie sur Terre — continue de décliner dans toutes les régions du monde, réduisant d’autant la capacité de la nature à soutenir le bien-être des populations. »
Le 22 mars, à Medellín, en Colombie, les 129 états membres de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) ont approuvé les quatre rapports régionaux évalués en profondeur par des pairs, produits par des experts. Durant trois ans, des chercheurs ont analysé plus de 10 000 études pour évaluer l’état de la biodiversité et pour identifier les causes de son déclin et les solutions possibles. Quatre grandes régions étaient ciblées : Afrique, Amériques, Asie-Pacifique et Europe-Asie centrale.
Sir Robert Watson, président d’IPBES, a déclaré : « Les données les plus probantes, recueillies par les meilleurs experts au monde, pointent toutes dans la même direction : nous devons agir pour freiner et renverser l’utilisation non durable de la nature, à défaut de quoi nous mettrons en péril non seulement notre avenir, mais également notre vie actuelle. Heureusement, les données indiquent également que nous savons comment protéger et restaurer en partie notre actif naturel vital. »
Les rapports concluent que « la biodiversité et la capacité de la nature à contribuer au bien-être des populations se dégradent, diminuent et sont perdues sous le coup de pressions courantes : perturbations des habitats ; surexploitation et utilisation non durable des ressources naturelles ; pollution de l’air, des sols et des eaux ; augmentation du nombre et des effets des espèces exotiques envahissantes ; changements climatiques ; et autres. »
Selon Tim Newbold, du University College de Londres, chercheur principal pour l’une des études citées dans les rapports, « sur 58,1 % du territoire mondial, qui abrite 71,4 % de la population du globe, la perte de biodiversité atteint un niveau qui pourrait compromettre la capacité des écosystèmes à soutenir les sociétés humaines. »
La biodiversité végétale, animale, fongique et d’autres organismes est cruciale. Chaque espèce joue un rôle unique dans l’écosystème. La diversité de la nature nous procure de nombreux services écosystémiques, notamment l’accès à une variété d’aliments et de médicaments. Elle contribue également à la résilience. En effet, une grande variété permet à certaines espèces de continuer à vivre si certaines n’y parviennent pas.
Dans les Amériques, les populations des espèces sont, en moyenne, inférieures de 31 % à ce qu’elles étaient au début de la colonisation européenne. À la lumière des conséquences croissantes des changements climatiques, on s’attend à ce que cette diminution atteigne au moins 40 % d’ici 2050. Le rapport note que des populations autochtones et locales ont réussi à ralentir, voire à renverser, le déclin dans certaines régions grâce à « diverses approches de polyculture et d’agroforesterie ». Il souligne cependant que les langues et connaissances locales autochtones, de même que les cultures qui y sont associées, sont également en péril.
Les conséquences économiques sont, à elles seules, sidérantes. Les chercheurs estiment que la valeur des services que procurent les systèmes naturels terrestres à la population des Amériques s’élève à environ 24,3 billions par année, soit l’équivalent au produit intérieur brut de la région. Pour le Canada uniquement, la valeur de ces services atteint environ 3,6 billions $. À titre d’exemple des coûts inhérents aux problèmes, le rapport révèle que « la gestion des impacts de la moule zébrée, une espèce exotique envahissante, sur les infrastructures d’électricité, d’approvisionnement en eau et de transport dans les Grands Lacs » se chiffre annuellement à plus de 500 millions $.
Bien que de nombreuses solutions reposent sur les politiques gouvernementales, chacun de nous peut aussi faire sa part. Watson a affirmé au National Geographic qu’il est essentiel de manger moins de viande, de gaspiller moins de nourriture, d’utiliser l’eau de manière plus efficace, de réduire l’utilisation de produits chimiques toxiques et de tourner le dos aux énergies fossiles. Selon lui, les connaissances autochtones et locales sont précieuses pour apprendre à vivre mieux avec la nature. Il soutient également l’importance de la collaboration transfrontalière, car la nature ne reconnaît pas les frontières humaines.
Emma Archer, coprésidente de l’évaluation sur l’Afrique, a déclaré que l’engagement citoyen était lui aussi nécessaire : « En tant que citoyens, nous avons le devoir de voter et de faire pression en faveur de politiciens et de politiques qui soutiennent ces choix. »
Pour reprendre un article du Desmog Blog : « De nombreuses solutions pour contrer la perte des espèces seraient parallèlement bénéfiques pour le climat : protection et restauration des écosystèmes (absorption du carbone), recours à des sources d’énergie propres (réduction des émissions de gaz à effet de serre) et pratiques agricoles plus écologiques et diversifiées (réduction des émissions et absorption du carbone. »
Comme dans le cas des changements climatiques, tout indique que nous sommes confrontés à une crise de la biodiversité. Nous en connaissons les causes et nous disposons de multiples solutions. Il est temps d’agir.
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez