Iceberg en fonte dans le sud du Groenland, photographié par une étudiante au doctorat en mars 2025. La fonte des glaces révèle une plus grande surface d’eau et de terres sombres qui absorbent le rayonnement solaire au lieu de le réfléchir. (Photo : Anna van den Broek via imaggeo)

Du fait que l’industrie des énergies fossiles et ses adeptes ont utilisé tous les moyens possibles pour retarder les mesures à prendre face à la crise climatique, certaines personnes sont d’avis que nous devons maintenant nous sortir du pétrin que nous avons créé par le biais de l’ingénierie. En effet, beaucoup de gens font la promotion de méthodes pour empêcher les rayons du soleil d’atteindre la Terre, les renvoyer dans l’espace ou capter le carbone atmosphérique.

En sommes-nous vraiment rendu.e.s là? Peut-on vraiment rafraîchir la planète en dispersant dans l’atmosphère supérieure des particules réfléchissantes, comme le dioxyde de soufre toxique? Ou encore en vaporisant de l’eau de mer dans l’atmosphère inférieure pour augmenter la couverture nuageuse réfléchissante? Et pourquoi ne pas pomper de l’eau de mer sur la couche de glace pour l’épaissir? Et si nous construisions de gigantesques machines pour capter le carbone de l’air?

Quels sont les dangers potentiels? Quels pourraient être les résultats inattendus de ces actions?

L’Advanced Research and Invention Agency (ARIA), un organisme gouvernemental britannique, alloue actuellement 56,8 millions de livres sterling (environ 106 millions de dollars canadiens) pour étudier diverses « mesures de refroidissement climatique », également connues sous le nom d’« interventions climatiques » (article en anglais).

Peut-on vraiment rafraîchir la planète en dispersant dans l’atmosphère supérieure des particules réfléchissantes, comme le dioxyde de soufre toxique?

Selon l’ARIA, les « points de basculement climatiques, c’est-à-dire des changements soudains du système terrestre menant à des conséquences désastreuses et pratiquement irréversibles », pourraient « se concrétiser au cours du prochain siècle » (source en anglais).

Cependant, l’agence met l’accent sur le fait que « la décarbonisation est la seule option permettant de diminuer de manière durable les risques d’atteindre ces points de basculement et de subir leurs conséquences ».

En outre, bon nombre de scientifiques s’inquiètent que ces projets de géo-ingénierie soient une distraction coûteuse nous éloignant de la nécessité de réduire les émissions, et qu’ils puissent entraîner des conséquences environnementales imprévues et indésirables.

Selon The Guardian, l’Arctique et l’Antarctique connaissent un réchauffement beaucoup plus rapide que le reste de la planète, ce qui a attiré l’attention sur les solutions pour refroidir les pôles. En effet, la fonte des glaces révèle une plus grande surface d’eau et de terres sombres qui absorbent le rayonnement solaire au lieu de le réfléchir. Les solutions proposées vont de l’épandage d’eau de mer sur les glaces pour étendre leur couverture, à la dispersion de billes de verre sur la glace pour réfléchir davantage les rayons solaires.

Une nouvelle étude publiée dans la revue Frontiers in Science rapporte que les mesures envisagées pour les régions polaires sont inadéquates, car elles ne s’attaquent pas aux causes du réchauffement planétaire, mais seulement à ses symptômes.

Le groupe de recherche conclut qu’il vaudrait mieux consacrer l’argent et les efforts à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, principaux responsables du réchauffement planétaire.

« Ces projets de géo-ingénierie sont incroyablement coûteux et risqués pour les écosystèmes polaires fragiles », souligne Rob DeConto, professeur à l’Université du Massachusetts à Amherst, et membre du groupe de 42 scientifiques à l’origine de l’étude. « Ces projets détournent l’attention de la cause structurelle de la crise climatique, soit l’utilisation incessante de combustibles fossiles, un problème qui pourrait être abordé immédiatement, car des solutions existent déjà. »

Le groupe de recherche conclut qu’il vaudrait mieux consacrer l’argent et les efforts à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, principaux responsables du réchauffement planétaire.

« Nous espérons pouvoir mettre fin aux émissions d’ici 2050 », déclare Martin Siegert, professeur à l’Université d’Exeter et auteur principal de l’étude (article en anglais). « Tout ce qui nous éloigne de cet objectif rendra le monde moins sûr et moins habitable. »

D’après The Guardian, les spécialistes qui ont évalué les programmes de géo-ingénierie polaire examinent six critères : « l’efficacité, les coûts, les questions d’échelle et de temps, les risques environnementaux, les défis liés à la gouvernance et les risques de donner de faux espoirs ». Malheureusement, ces projets ont échoué sur tous les plans.

L’équipe de recherche estime que les méthodes proposées, telles que le pompage de l’eau de mer et la dispersion de microbilles de verre sur la glace, sont considérées comme « technologiquement, logistiquement et financièrement irréalisables » et « pourraient s’avérer nocives pour la faune ».

Il se pourrait fort bien que nous soyons contraint.e.s d’envisager des mesures drastiques pour réduire les gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mais cela ne doit pas se faire au détriment d’un engagement total envers les solutions qui ont déjà fait leurs preuves.

Certaines de ces techniques de géo-ingénierie sont manifestement créées pour permettre à l’industrie destructrice des combustibles fossiles de poursuivre ses opérations. D’ailleurs, le gouvernement canadien vient d’annoncer un coûteux projet de « captage, d’utilisation et de stockage du carbone » dans les sables bitumineux de l’Alberta, le présentant comme une solution pour « soutenir un secteur énergétique conventionnel robuste tout en réduisant les émissions et leur intensité ». En réalité, seules les émissions générées pendant la production sont prises en compte, ce qui ne représente qu’une fraction des émissions mortelles liées à la combustion de combustibles.

Qui plus est, les coûts des énergies renouvelables et du stockage ont chuté, rendant ces technologies bien plus intéressantes que les énergies fossiles, et elles sont plus efficaces (source en anglais).

Il n’y a aucune raison de continuer à soutenir l’industrie des combustibles fossiles, si ce n’est pour enrichir les oligarques et les actionnaires, ou pour offrir aux gouvernements des solutions faciles qui donnent à l’économie une apparence saine à court terme, tout en menaçant la santé et la survie de tout le monde. Dans les faits, cette industrie est non seulement polluante, mais également responsable des changements climatiques (article en anglais).

Il se pourrait fort bien que nous soyons contraint.e.s d’envisager des mesures drastiques pour réduire les gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mais cela ne doit pas se faire au détriment d’un engagement total envers les solutions qui ont déjà fait leurs preuves.