Le golfe du Mexique

Appelez le Golfe comme vous le souhaitez (de notre côté, nous garderons le nom de golfe du Mexique), mais surtout, portez attention à ce que nous sommes en train d’y faire. Nous y reproduisons ce qui se passe partout sur la planète, la seule que nous avons. (Photo : NASA Goddard Space Flight Center via Flickr)

Peut-être devrions-nous nous intéresser à la tentative de diversion du président états-unien Donald Trump, qui a renommé le golfe du Mexique « golfe d’Amérique ». Bien que cette étendue d’eau, entourée de cinq états des États-Unis, de six du Mexique et de Cuba, porte le nom de golfe du Mexique depuis près de 500 ans, elle est un parfait exemple de la mentalité écologiquement destructrice qui domine dans les instances de pouvoir états-uniennes.

Comme le mentionne dans le Guardian Greg Grandin, professeur d’histoire à l’Université Yale, « si l’extraction intensive d’un coin de nature par des riches devait conférer des droits de propriété sur cet espace, le Golfe appartiendrait aux États-Unis. Depuis plus d’un siècle, ses industries y ont mené des activités de forage, de fracturation et de pêche si intensives que le fait qu’il reste encore du pétrole, du gaz et des fruits de mer relève du miracle ».

Grandin souligne qu’aux États-Unis, parmi la population locale de la zone côtière du Golfe, plusieurs se réfèrent à la région en parlant de « la côte industrielle, une région où le brûlage à la torche a lieu en tout temps, où les explosions de la fracturation hydraulique s’enflamment jusqu’à épuisement de la vapeur et où les tuyaux rouillés et les grandes cheminées crachant des fumées noire et brune font partie intégrante du paysage – celui-ci étant issu de la création, non pas de la vie sur Terre, mais de notre monde actuel, dominé par les entreprises pétrochimiques et pétrolières ».

À l’échelle du globe, c’est le plus grand golfe et la neuvième étendue d’eau en superficie.

Le lieu a également été le théâtre d’une des pires catastrophes pétrolières en mer de l’histoire : l’explosion, en 2010, de Deepwater Horizon, une plateforme pétrolière opérée par la puissante multinationale pétrolière et gazière britannique BP. Le bilan du désastre : 11 décès sur les lieux de travail, 17 personnes blessées et pas moins de 60 000 barils de pétrole par jour déversés dans l’eau, créant une nappe de pétrole de 149 000 kilomètres carrés. Les conséquences économiques multiples, du tourisme à la pêche, ont été profondes, notamment les mesures coûteuses de nettoyage et de restauration en cours. Encore aujourd’hui, tous les poissons testés révèlent une contamination à l’hydrocarbure aromatique polycyclique issu du pétrole brut (source en anglais).

L’explosion de Deepwater Horizon constitue la pire d’un nombre croissant de catastrophes industrielles, incluant la destruction par l’ouragan Ivan d’une plateforme pétrolière au large de la côte de la Louisiane, dont les déversements de pétrole et de gaz dans le Golfe pourraient continuer pendant le siècle à venir!

Le Mexique, qui réalise également des forages pétroliers et gaziers dans le Golfe, a eu droit à son lot de catastrophes, certaines avec des effets continus. Toutefois, comme le souligne Grandin, « Pemex, la compagnie pétrolière publique mexicaine, ne possède pas l’équipement qui permettrait de mener des activités de forage et de fracturation de manière aussi intensive et étendue que les compagnies états-uniennes ».

Encore aujourd’hui, tous les poissons testés révèlent une contamination à l’hydrocarbure aromatique polycyclique issu du pétrole brut.

Riche en vie marine et côtière, le golfe du Mexique constitue depuis longtemps un écosystème diversifié et complexe dont la superficie de 1,5 million de kilomètres carrés est divisée en régions géographiques distinctes. À l’échelle du globe, c’est le plus grand golfe et la neuvième étendue d’eau en superficie. Bien que le Golfe soit résilient, toute chose a ses limites. Le forage et la fracturation, visant à extraire le pétrole et le gaz des abondantes réserves du Golfe, menacent gravement les écosystèmes d’effondrement.

À cela s’ajoute la profusion de toxines qui se déversent dans le golfe après avoir traversé de nombreux États par le Mississippi, classé en quatrième place parmi les plus longs fleuves au monde (article en anglais). Les quantités astronomiques d’azote et de phosphore agricoles créent des « zones mortes », soit des endroits privés d’oxygène à cause de la pollution, nuisibles pour la vie aquatique. Ces zones peuvent atteindre jusqu’à 17 000 kilomètres carrés de superficie (source en anglais).

Ajoutez les dérèglements climatiques au cocktail – avec les tempêtes à intensité croissante qu’ils génèrent – et les perspectives d’avenir du golfe du Mexique s’assombrissent (article en anglais). Il suffirait que le président Trump ne respecte qu’une infime partie de ses promesses à l’industrie pétrolière et gazière pour que l’évolution de ces problèmes s’accélère.

Ne nous laissons pas distraire des vrais enjeux, que ce soit dans le Golfe ou ailleurs.

Selon Grandin, l’expansion pétrolière et gazière ne vise pas à augmenter la production, ce qui ferait baisser les prix, mais bien à assurer une production permanente. « Si cette expansion bénéficie d’investissements, si on construit l’infrastructure requise et que des centres hautement financés, comme la plateforme Mad Dog de BP, deviennent opérationnels, il sera difficile de laisser tomber l’utilisation de combustibles fossiles à l’avenir, peu importe la quantité de panneaux solaires vendus par la Chine aux pays du tiers monde. »

C’est symptomatique de notre époque. L’industrie des combustibles fossiles fait tout en son pouvoir pour continuer d’engranger des profits indécents subventionnés par les contribuables, notamment en soudoyant la classe politique. Pourtant, les dirigeant.e.s savent très bien que si nous continuons de consommer ces produits, c’est notre avenir qui est en jeu.

Appelez le Golfe comme vous le souhaitez (de notre côté, nous garderons le nom de golfe du Mexique), mais surtout, portez attention à ce que nous sommes en train d’y faire. Nous y reproduisons ce qui se passe partout sur la planète, la seule que nous avons, celle qui nous offre tout ce dont nous avons besoin pour survivre et nous épanouir, à condition d’apprendre à en prendre soin.

Ne nous laissons pas distraire des vrais enjeux, que ce soit dans le Golfe ou ailleurs.