À l’occasion de la COP15 à Montréal en 2022, le Canada s’est engagé à réduire au moins de moitié les risques globaux liés aux pesticides d’ici 2030. Lisa Gue, responsable des politiques nationales à la Fondation David Suzuki (FDS), partage ses réflexions quant à l’atteinte de cette septième cible du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.
Les pesticides sont à ce jour examinés individuellement, sans tenir compte des risques cumulatifs et globaux. Il n’existe pas non plus de programme d’évaluation une fois qu’ils ont été homologués et mis sur le marché. Au cours de la dernière décennie, les ventes et le nombre de pesticides autorisés au Canada ont augmenté.
Lisa Gue, responsable des politiques nationales à la Fondation David Suzuki
Enjeux et répercussions des pesticides sur l’environnement et la santé
D’une part, la responsable des politiques nationales à la FDS rappelle que les pesticides sont des substances créées pour éliminer les mauvaises herbes et les organismes jugés nuisibles, sans toutefois distinguer celles et ceux qui ne le sont pas. Ainsi, ils touchent à la fois les insectes ravageurs et les pollinisateurs, par exemple.
En résultent alors des répercussions sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, comme le montre le déclin de certaines espèces d’oiseaux.
Les pesticides dégradent leurs habitats et réduisent la quantité de nourriture disponible, comme les insectes et les plantes.
Il en va de même pour l’espèce en péril qu’est le papillon monarque, aux ailes orangées, noires et blanches. Les pesticides comme le glyphosate éliminent les mauvaises herbes, mais également l’asclépiade, une plante indigène constituant l’unique nourriture de la chenille du papillon.
D’autre part, l’usage des pesticides a une incidence sur la santé humaine. Par exemple, les agriculteur.rice.s, qui y sont exposé.e.s régulièrement, sont susceptibles de contracter des maladies comme le myélome multiple, le cancer de la prostate et la maladie de Parkinson.Cependant, Lisa Gue souligne qu’il est important de ne pas opposer les environnementalistes aux exploitant.e.s agricoles. Au contraire, c’est le rôle du système règlementaire d’identifier les risques des pesticides et de favoriser des produits et des techniques alternatives, tout en soutenant les travailleur.se.s dans leur implantation.
En parallèle, rappelons que le Plan d’agriculture durable du Québec vise pour 2030 une réduction de 500 000 kilogrammes de pesticides de synthèse vendus et une diminution de 40 % des risques pour la santé et l’environnement.
Régulations et pistes d’amélioration
La règlementation des pesticides est une responsabilité partagée entre les trois échelons gouvernementaux que sont le fédéral, le provincial et le municipal. Le premier est la porte d’entrée à leur évaluation tandis que les deux autres décident de leur usage, de leur vente et de leur interdiction. Par exemple, la Ville de Montréal a élargi son Règlement sur la vente et l’utilisation des pesticides au mois de juin dernier pour y inclure les terrains de golf. Toutefois, le second palier à davantage de latitude que le troisième.
En outre, la responsable des politiques nationales à la FDS souligne qu’il est essentiel de réduire l’utilisation des pesticides homologués lorsque l’on y recourt à des fins purement esthétiques. C’est notamment le cas des pelouses, sur lesquelles nous marchons pieds nus et où les enfants jouent.
Elle pointe d’ailleurs un manque d’informations quant à la répercussion de ces produits nocifs sur les populations vulnérables, telles que les femmes et les plus jeunes, qui peuvent être davantage susceptibles de ressentir leurs effets.
De plus, elle appelle à ce que les usages répandus soient mieux ciblés et contrôlés, comme lors des traitements préventifs des semences, et à ce que des produits moins toxiques soient privilégiés, tels que la poudre de piment et le vinaigre. Il est néanmoins important de garder en tête quelles sont leurs répercussions sur la chaîne alimentaire.À ce jour, d’importantes quantités de pesticides sont utilisées sans qu’aucune menace importante de ravageurs n’ait été démontré, comme le prophylactique de semences traitées ou les herbicides forestiers.
Même les pesticides les moins dangereux, lorsqu’ils sont très répandus, sont très nocifs, comme le glyphosate. Certains de ses risques sur l’environnement et la santé ont été reconnus par le système judiciaire américain.
Dès lors, la FDS et d’autres groupes de défense de l’environnement, de la santé et de la sécurité alimentaire appellent à ce que de nouvelles mesures soient prises en vue de réduire l’exposition aux pesticides et leur usage.
Par exemple, développer et étendre les systèmes nationaux de surveillance; intégrer les stratégies et les indicateurs de leur réduction à la Stratégie nationale 2030 pour la biodiversité du Canada; protéger les personnes vulnérables; et reconnaître le droit de la personne à un environnement sain dans le cadre de la Loi sur les produits antiparasitaires, entre autres.
Enfin, les projets Ville amie des monarques et L’Effet papillon, ainsi que la campagne Partage ta pelouse, initiés par la FDS, s’inscrivent également dans ce sens. Tandis que les deux premiers visent à créer des habitats pour les pollinisateurs à travers le Canada, la seconde ambitionne de modifier la manière dont les gens entretiennent les pelouses et contribuer à la création d’un habitat essentiel à la biodiversité.