Avec une longue et belle carrière dans le monde des médias, dont 44 années à la barre de l’émission The Nature of Things à CBC, je sais à quel point les médias sont essentiels à une démocratie prospère. Une population bien informée prend de meilleures décisions sur tout, de la santé passant par le vote.
Hélas, certains individus voient une population éclairée comme une menace pour leurs plans. Les régimes autoritaires ne tardent pas à réprimer les journalistes et les organes de presse indépendants (article en anglais).
Les répressions radicales sont souvent précédées par des campagnes destinées à discréditer les médias, par exemple en les accusant de relayer de « fausses nouvelles », comme on l’a vu aux États-Unis. Ces campagnes exacerbent la mésinformation (diffusion d’informations inexactes ou fausses), la désinformation (diffusion d’informations délibérément trompeuses ou fausses) et la propagande.
À mesure que de nouveaux médias en ligne apparaissent, des médias traditionnels disparaissent, à cause d’Internet mais pas seulement.
Le danger se fait d’autant plus sentir dans un paysage médiatique en mutation, alors que continuent de grandir les menaces, des pandémies aux perturbations climatiques en passant par une transition inquiétante vers l’autoritarisme dans de nombreuses régions du monde, dont les États-Unis.
Les médias traditionnels ont toujours véhiculé dans une certaine mesure les opinions de leurs propriétaires (et de leurs annonceurs), mais grâce aux normes journalistiques, aux préférences du lectorat, à une radiodiffusion publique forte et à la diversité des organes médiatiques, l’information fiable s’avère relativement facile à trouver et à évaluer. Même le climatonégationnisme a peu à peu perdu de l’ampleur dans les grands médias, avec la remise en question des fausses informations par les journalistes et le lectorat.
L’éventail des sources d’information s’est resserré considérablement, à mesure que les médias traditionnels se sont fait racheter par une multitude de grandes entreprises (source en anglais).
L’essor d’Internet a profondément transformé les médias d’information, pour le meilleur et pour le pire. À l’ère des médias en ligne, de la diffusion en continu et des réseaux sociaux, le modèle traditionnel consistant à vendre de l’espace publicitaire autour des articles ne tient plus la route. La publicité continue de soutenir la diffusion télévisée et radiophonique et, dans une moindre mesure, le journalisme en ligne, mais les entreprises doivent maintenant rivaliser d’ingéniosité pour survivre dans un système capitaliste et mobiliser le lectorat, le public ou l’auditoire.
Avec cet océan d’informations désormais accessibles en ligne, il est souvent difficile de séparer les faits de la fiction, la vérité de la désinformation.
À mesure que de nouveaux médias en ligne apparaissent, des médias traditionnels disparaissent, à cause d’Internet mais pas seulement. De nombreuses sociétés de presse et de radiodiffusion ont été rachetées par des gestionnaires de fonds spéculatifs et d’autres sociétés qui les ont dépouillées de leurs actifs, ont pris leur argent et ont fermé leurs portes. Le coup a été particulièrement dur pour les journaux communautaires, cruciaux dans les régions non couvertes par les médias des grandes villes.
Récemment, Bell Média a décidé de vendre plusieurs de ses stations de radio, de licencier des milliers d’employé.e.s et de mettre fin à une grande partie de sa programmation, dont W5, une émission d’enquête novatrice à l’écran depuis longtemps. Même si la société mère BCE a enregistré un bénéfice net de trois milliards de dollars l’année dernière, la direction a affirmé que cette décision était financièrement nécessaire.
Le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, a avancé que la « médiocratisation » des nouvelles locales par les sociétés médiatiques monopolistiques expliquerait en partie la baisse d’audience. « Bell et d’autres sociétés similaires ont supervisé l’assemblage d’actifs médiatiques locaux qui représentent des trésors pour les communautés », a-t-il déclaré. « Comme des vampires des affaires, ils ont aspiré toute leur vitalité en licenciant des journalistes. »
Avec cet océan d’informations désormais accessibles en ligne, il est souvent difficile de séparer les faits de la fiction, la vérité de la désinformation. Mais il existe encore des médias traditionnels qui adhèrent aux normes journalistiques et assurent une couverture crédible sur un large éventail de sujets. The Guardian a ouvert la voie en matière de reportage sur les changements climatiques et d’autres questions environnementales, et des sources comme le Toronto Star, le Globe and Mail, le Washington Post et Reuters proposent toujours des reportages fiables.
Quand le discours public se porte bien, les sociétés se portent mieux. Elles sont plus fonctionnelles et égalitaires, moins sujettes à l’exploitation.
Autre lueur d’espoir : l’essor des nouveaux médias, souvent axés sur les grands enjeux environnementaux. Au Canada, des sources telles que The Tyee, National Observer, The Narwhal, Rabble, The Energy Mix, Aboriginal Peoples Television Network (aussi en français), Pivot et d’autres offrent un contenu diversifié : journalisme d’enquête, reportages, textes d’opinion. Et les bons médias communautaires abondent en ligne.
La radiodiffusion publique est aussi cruciale, dans la mesure où sa couverture n’est pas autant dictée par les priorités des propriétaires et des annonceurs. Mais on a récemment assisté à une multiplication des attaques et des menaces de la part des responsables politiques qui brandissent le spectre d’une baisse du financement des diffuseurs tels que la SRC au Canada et PBS aux États-Unis. La SRC a déjà subi des coupes budgétaires et devrait recevoir davantage de soutien.
Quand le discours public se porte bien, les sociétés se portent mieux. Elles sont plus fonctionnelles et égalitaires, moins sujettes à l’exploitation. Nous pouvons tous et toutes aider le journalisme à prospérer en encourageant la radiodiffusion publique et en faisant des dons ou en nous abonnant à des médias fiables et crédibles, tant les traditionnels que les mille et un nouveaux.