Alors que la COP28 vient d’être entamée à Dubaï la semaine passée, le Canada a généré énormément d’attention en promettant de contribuer 16 millions de dollars au fonds des pertes et préjudices nouvellement créé, afin de « dédommager financièrement les pays en développement qui déplorent des pertes » engendrées par la crise climatique. Cependant, malgré l’image progressiste du Canada sous les feux des projecteurs de l’ONU, son historique de financement de projets d’exploitation d’énergies fossiles et ses violations des droits ancestraux autochtones à l’intérieur de ses frontières en disent tout autrement.
En particulier, les disparités flagrantes entre les engagements du Canada en ce qui concerne le désinvestissement des énergies fossiles et ses politiques domestiques indiquent un besoin urgent pour des actions cohérentes et holistiques de désinvestissement. L’introduction d’un plafond sur les émissions du secteur pétrolier et gazier est certainement un pas dans la bonne direction, mais est loin d’être suffisant, particulièrement quand la cible de réduction n’est pas équivalente à celle imposée sur le reste de l’économie.
Dans sa plus récente contribution déterminable à l’échelle nationale (CDN) de 2021, soumise conformément aux obligations des États signataires de l’Accord de Paris, le Canada exprimait son ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Cependant, le Rapport 2023 sur la production de combustibles fossiles publié par le Programme pour l’environnement de l’ONU a dénoncé les montants astronomiques que le Canada a alloués aux projets d’exploitation domestiques. Le rapport mentionnait notamment des subventions de 2 milliards CAD à des crédits de forage profond en Colombie-Britannique pour des puits de gaz en 2021, 21,7 milliards CAD de fonds publics aux projets d’exploitations domestiques tels que des pipelines entre 2021 et 2023, ainsi qu’un prêt de 10 milliards CAD au Trans Mountain Expansion Project.
Les conséquences actuelles et futures de l’ensemble de ces projets d’exploitation de combustibles fossiles sur l’environnement sont fondamentalement indissociables des violations des droits des peuples autochtones, gardiens de la terre et de l’eau depuis des temps immémoriaux, en empiétant sur leurs terres ancestrales non cédées.
Les conséquences actuelles et futures de l’ensemble de ces projets d’exploitation de combustibles fossiles sur l’environnement sont fondamentalement indissociables des violations des droits des peuples autochtones, gardiens de la terre et de l’eau depuis des temps immémoriaux, en empiétant sur leurs terres ancestrales non cédées. L’engagement du gouvernement de prioriser le leadership autochtone lors de l’élaboration d’un cadre de transition durable4 paraît dérisoire à côté des nombreuses manifestations et de campagnes d’actions organisées par des groupes de la société civile pour dénoncer le non-respect des obligations de la Couronne envers les peuples autochtones, ainsi que les critiques formulées par Amnistie internationale et les Nations unies sur les génocides que le Canada perpétue à l’égard des Premiers Peuples.
Les révélations récentes sur les intentions du président de la COP28 d’abuser de sa position pour négocier des opportunités d’exploitation de gaz liquéfié naturel avec plusieurs pays dont le Canada sont extrêmement troublantes (article en anglais), puisqu’elles démontrent la volonté du Canada à maintenir sa position en tant que l’un des principaux bailleurs de fonds internationaux pour les combustibles fossiles. Malgré les impacts désastreux des combustibles fossiles sur le climat, l’environnement, la santé et les droits de la personne, les investissements croissants que les gouvernements et des grandes entreprises leur ont octroyés en 2023 ont augmenté de plus de 25 % qu’en 2022 (article en anglais).
L’objectif du cap de réchauffement de 1,5 °C paraît déjà comme un rêve lointain présentement, mais deviendrait rapidement voué à l’échec si les grands investisseurs continuaient à remplir les poches des compagnies d’exploitation des énergies fossiles de leur argent. Avec les feux de forêt, les pluies torrentielles et les autres catastrophes climatiques qui augmentent en fréquence à l’échelle mondiale, l’ampleur des pertes et préjudices accumulés par les pays du Sud global dépassera assurément les 400 milliards de dollars par an estimés en 2023. La promesse du Canada de contribuer 16 millions de dollars au fonds de pertes et préjudices semble désormais bien modeste en comparaison aux ravages qu’il engendre tous les jours en tirant profit d’une industrie qui met la planète à feu et à sang.
La promesse du Canada de contribuer 16 millions de dollars au fonds de pertes et préjudices semble désormais bien modeste en comparaison aux ravages qu’il engendre tous les jours en tirant profit d’une industrie qui met la planète à feu et à sang.
Le Rapport 2023 sur la production de combustibles fossiles prédit que la production canadienne en combustibles fossiles dépassera de 25 % son taux de 2022 en 2035 si le gouvernement maintient sa tendance actuelle d’exploitation et de financement, ce qui éliminera irrémédiablement toute possibilité de neutralité carbone d’ici 2050. À défaut de se préoccuper réellement de l’environnement et des droits de la personne, le Canada a au moins la responsabilité de se montrer la hauteur de ses promesses, s’il se soucie ne serait-ce qu’un peu de sa réputation sur la scène internationale.