Au Canada, 13 % des fruits et des légumes sont gaspillés chaque année, sans compter ceux qui pourrissent sur des terrains publics et privés dans des zones urbaines. Afin d’y remédier, la pratique du glanage se répand de plus en plus au Québec.
Rédigée par le collectif montréalais de cueillette urbaine de fruits, Les Fruits Défendus, ainsi que la Fondation David Suzuki (FDS), la fiche Accélérer la transition écologique par le glanage fait état de cette pratique et des connaissances qui y sont rattachées. Le Réseau Demain le Québec, quant à lui, réussit à soutenir des groupes locaux et favoriser la transition socioécologique en l’insérant dans un mouvement collectif, comme le souligne la spécialiste aux communications et affaires publiques à la FDS, Stéphanie Harnois.
« Depuis 2011, notre collectif permet à des milliers de bénévoles de cueillir des fruits sur des terrains institutionnels, privés et publics afin de les valoriser et de les distribuer. Il y a un énorme potentiel : d’un côté, des milliers de tonnes de fruits et de noix comestibles demeurent non-cueillies, de l’autre, des centaines de personnes veulent cueillir des fruits ou les transformer bénévolement, mais ne peuvent pas, parce que des organismes comme nous (qui coordonnent les cueillettes par des bénévoles) manquent d’appuis » soutient la coordinatrice des Fruits Défendus, Simone Chen.
Depuis 2011, notre collectif permet à des milliers de bénévoles de cueillir des fruits sur des terrains institutionnels, privés et publics afin de les valoriser et de les distribuer.
Le glanage et ses bienfaits
Ce modèle de cueillette fait se rencontrer des cueilleuses et des cueilleurs bénévoles, des propriétaires de terrains où les récoltes se déroulent, ainsi que des organismes travaillant en sécurité alimentaire. De plus, ce mouvement ne cesse de s’agrandir, puisqu’il rassemble à ce jour 25 groupes répertoriés dans neuf régions administratives au Québec!
La Ville de Montréal s’est quant à elle engagée afin d’« intégrer des arbres fruitiers dans les projets de verdissement en favorisant les projets d’aménagement comestible et de micro forêts nourricières » dans sa Stratégie d’agriculture urbaine 2021-2026.
La pratique du glanage vise le partage, la cohésion sociale et la sécurité alimentaire. Dans un contexte où 14,7 % de la population de la province ne mange pas à sa faim, elle permet de récolter et d’offrir des aliments saisonniers et frais aux personnes qui en ont besoin.
En 2022, 101 tonnes de fruits et légumes ont été récoltées lors de 18 initiatives de glanage, pour une valeur de 385 360 $, selon Moisson Québec. Comparativement, avec une même quantité gaspillée, ce sont 2.74 millions de gallons d’eau qui ont été économisés.En 2022, 101 tonnes de fruits et légumes ont été récoltées lors de 18 initiatives de glanage, pour une valeur de 385 360 $.
La cueillette de fruits urbains permet donc de consommer des aliments sains, locaux et dépourvus de pesticides. Bien que la crainte de la contamination des sols soit l’un des obstacles à leur récolte, ils présentent pourtant un taux de contamination bien en deçà des concentrations maximales acceptables suggérées par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (comme le démontre une étude, en anglais, réalisée en Allemagne). La pollution provient davantage des dépôts atmosphériques de particules, qui sont issus entre autres de la circulation des véhicules.
A contrario, les fruits achetés à l’épicerie sont davantage susceptibles de contenir des produits chimiques, des agents de conservation ou encore de métaux lourds, tels que le plomb. Les pommes, les raisins, les cerises, les poires ou les pêches peuvent pourtant être cueillis de façon saine et responsable, ici! Le 11 septembre dernier, la cueillette organisée par Les Fruits Défendus a par exemple permis de récolter 518 livres de pommes, de raisins et de pommettes!
Bien que la crainte de la contamination des sols soit l’un des obstacles à la récolte des fruits, ces derniers présentent pourtant un taux de contamination bien en deçà des concentrations maximales acceptables.
Des fruits méconnus
Le glanage est également un vecteur de transmission de savoirs relatifs aux fruits locaux, ainsi qu’aux façons de les apprêter et de les conserver. Notons que 76 % de la population québécoise ne consomme pas assez de fruits et de légumes et qu’une personne sur cinq dit qu’elle ne cuisine pas du fait d’un manque de connaissances.
Deux fruits sont d’ailleurs souvent oubliés : l’amélanche et la cerise griotte. La première ressemble à un bleuet et est une excellente source de fibres. Elle pousse sur l’amélanchier, un arbre indigène d’Amérique du Nord. Reconnu pour son esthétisme et sa résistance aux aléas climatiques, on n’en compte pas moins de 2 727 sur les terrains publics de la Ville de Montréal!
La cerise griotte comporte elle aussi de nombreux bienfaits pour la santé, tels que des antioxydants et de la vitamine C. De plus, l’arbre sur lequel elle pousse peut donner plus de 100 livres de fruits par an, ce qui fait d’elle un aliment généralement cuisiné en confiture ou conservé dans du rhum.
« Pour un impact social et environnemental amenant une transition écologique, il faut plus que planter des arbres fruitiers, car la force de Montréal est dans son mouvement social, il faut investir dans la coordination d’un mouvement citoyen facilitant la cueillette et la redistribution des fruits » ajoute le directeur scientifique du Laboratoire sur l’agriculture urbaine (AU/LAB), Éric Duchemin.Pour un impact social et environnemental amenant une transition écologique, il faut plus que planter des arbres fruitiers, car la force de Montréal est dans son mouvement social.
Dans cette perspective, Les Fruits Défendus appelle à ce que des investissements soient effectués dans des programmes de cueillette participative des fruits sur les terrains publics, institutionnels et privés du Grand Montréal; qu’une révision des réglementations et de la planification locale soit faite pour faciliter et encourager la plantation et la culture d’arbres fruitiers; et que des vergers communautaires soient implantés dans chaque arrondissement.