Conflits armés : quels sont leurs impacts sur l’environnement?

Imagine all the people livin’ life in peace

“Imagine all the people livin’ life in peace” (Photo : Markus Spiske via Pexels)

Le 11 novembre dernier, l’armistice mettant fin à la Première Guerre mondiale en 1918 était commémorée. Toutefois, son héritage pèse toujours sur l’environnement : la dégradation des munitions subsiste dans les sols et les nappes phréatiques. Ainsi, si les affrontements armés ravagent des vies, ils font aussi de la planète une victime collatérale et entravent l’accès aux ressources naturelles, à leur gestion et à leurs infrastructures.

Tandis que le Cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal (adopté en 2022) appelle à ce qu’au moins 30 % des zones terrestres, des eaux intérieures et des zones côtières et marines soient protégées ou restaurées, les besoins spécifiques des États touchés par des conflits ne sont pas abordés. La guerre russo-ukrainienne est un exemple criant.

Et pour cause! Depuis le 24 février 2022, 1449 cas de dommages environnementaux potentiels causés par la Russie en Ukraine ont été recensés par le Center for Environmental Initiatives. En plus d’endommager les écosystèmes, les attaques faites sur des installations énergétiques et industrielles polluent l’air, le sol et l’eau.

Il s’agit là d’un paradoxe, puisque les Conventions de Genève de 1949 interdisent l’utilisation « des méthodes ou des moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu’ils causeront, des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel ».

Conséquences sur les écosystèmes

(Photo : Arın Turkay via Pexels)

Les guerres altèrent directement les écosystèmes à travers les incendies, ainsi que la destruction d’espèces et d’habitats rares, tels que des forêts, des réserves naturelles, des sources d’eau et des steppes. L’usage massif par l’armée américaine de « l’agent orange » dans les années 1960 lors de la guerre du Vietnam est saisissant à cet égard : cet herbicide toxique a détruit des forêts entières et continue de nuire à l’environnement et aux populations.

En Ukraine, des centaines d’aires protégées terrestres et marines sont détériorées et rendues inaccessibles depuis février 2022, selon le Conflict and Environment Observatory. L’explosion du barrage de Kakhovka en juin 2023 a notamment entraîné le déversement de 150 tonnes d’huile de moteur, présentant un risque majeur pour les écosystèmes fluviaux, les zones humides et les habitats fragiles, tels que le parc naturel national de Kamianska Sich.

Les guerres altèrent directement les écosystèmes à travers les incendies, ainsi que la destruction d’espèces et d’habitats rares.

En outre, un nombre inhabituellement élevé de dauphins et de marsouins ont été retrouvés sans vie sur les rives de la mer Noire, en raison de l’utilisation accrue du sonar par les forces sous-marines. En effet, cela provoque des traumatismes acoustiques chez les cétacés, qui limitent leur capacité à s’orienter et à se nourrir.

Contrecoups sur les infrastructures énergétiques, nucléaires et industrielles

De leur côté, les centrales nucléaires, les installations de stockage de déchets dangereux, les industries et les ports maritimes sont aux premières loges des hostilités, comme le montre le conflit syrien. La localisation précise des risques qui en découlent est toutefois entravée par les bombardements.

En Ukraine, des infrastructures hydrauliques, telles que des stations de pompage et des usines d’épuration, sont endommagées par des incendies, augmentant le risque d’émissions de déchets toxiques. D’ailleurs, les combats ont émis 120 millions de tonnes de CO2 durant les douze premiers mois du conflit, ce qui équivaut environ aux émissions annuelles de la Belgique, d’après l’Initiative pour la comptabilisation des gaz à effet de serre de la guerre (Initiative on GHG accounting of war).

Les centrales nucléaires, les installations de stockage de déchets dangereux, les industries et les ports maritimes sont aux premières loges des hostilités.

En outre, les dégâts de la guerre touchent des infrastructures énergétiques à travers le pays, telles que des raffineries de pétrole, des plates-formes de forage et des installations gazières, multipliant les incidents de pollution atmosphérique et des eaux.

De plus, les coupures de courant, qui se sont répercutées sur les ressources en eau ont eu des conséquences majeures sur l’agriculture. L’explosion du barrage de Kakhovka a notamment affecté l’irrigation des cultures du sud du pays, ouvrant ainsi la porte à l’insécurité alimentaire des populations. Rappelons que l’Ukraine est l’un des principaux producteurs et exportateurs mondiaux de céréales et d’oléagineux.

Incidences sur l’eau, les sols et l’air

Destruction de bâtiments en Ukraine

Destruction de bâtiments en Ukraine (Photo : David Peinado via Pexels)

Les opérations militaires causent également des dommages sur les ressources en eau, comme l’a montré le déversement important d’hydrocarbures dans la mer lors de la première guerre du Golfe.

En Ukraine, le rapport Ukraine : Évaluation rapide des dommages et des besoins pointe que les bombardements, le rejet des produits chimiques qui en découle et les débris d’armes militaires ont sérieusement perturbé l’irrigation, la gestion des ressources en eau, le ravitaillement en eau potable et l’assainissement.

Toutefois, bien qu’il existe d’importantes lacunes en matière d’informations sur les polluants émergents se trouvant dans les approvisionnements en eau, les systèmes d’alerte précoce permettent de prévenir les catastrophes qui y sont liées, comme le souligne le Programme des Nations Unies pour l’environnement. Ils rendent possibles, entre autres, l’identification des usines de traitement défectueuses et l’anticipation des impacts sur les systèmes énergétiques.

Même des décennies après que des substances dangereuses se soient déversées dans les sols, les cultures restent contaminées. Les substances radioactives présentent alors sur le long terme des risques pour l’organisme et l’environnement.

De nombreuses installations industrielles, des entrepôts et des usines ont aussi été endommagés, certains stockant des substances dangereuses telles que l’ammoniac. Des mines ont aussi été inondées, qui, tout comme les munitions qui sont éparpillées à travers le pays, polluent les sols ainsi que les eaux souterraines et de surface.

Gardons à l’esprit que même des décennies après que des substances dangereuses se soient déversées dans les sols, les cultures restent contaminées. Les substances radioactives présentent alors sur le long terme des risques pour l’organisme et l’environnement. L’exemple de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986, pour ne citer que lui, est incontestable.

Solutions d’assainissement

Tournesols

(Photo : Max Andrey via Pexels)

La pollution résultant de l’utilisation intensive d’armes et des déchets militaires constitue un défi majeur en matière d’assainissement. Outre les éléments abordés précédemment, la destruction des bâtiments répand elle aussi des résidus de matériaux de construction, qui peuvent être mélangés à des matières dangereuses, telles que l’amiante.

La phytoremédiation peut toutefois être envisagée. Cette technologie consiste à éliminer ou contrôler des contaminations grâce à l’usage des champignons, des algues et des plantes, comme la fougère pteris. Celle-ci peut absorber et emmagasiner des quantités importantes de contaminants tels que le nickel ou l’arsenic sans que cela affecte sa croissance et ses fonctions. Le chanvre industriel peut également accumuler certains produits chimiques, tels que les dioxines.

Il est urgent de réfléchir aux façons dont les armes et les produits chimiques se dispersent et persistent dans l’environnement.

Il en va de même du tournesol, qui a permis d’extraire des substances radioactives au lendemain de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et a été utilisé dans la phytoremédiation du chrome, de l’uranium, du cadmium et du plomb. Les plantes n’ont néanmoins pas la possibilité de stocker des concentrations de polluants illimitées. D’autres solutions sont nécessaires, comme le chaulage, qui vise à réduire l’acidité des sols via l’épandage d’un amendement calcique.

Alors que les conflits armés minent la capacité des États à contrôler efficacement les substances dangereuses et les déchets sur leur territoire, il est urgent de réfléchir aux façons dont les armes et les produits chimiques se dispersent et persistent dans l’environnement.