Des insectes aux oiseaux, reptiles et amphibiens, des ratons laveurs aux couguars, coyotes et renards, des milliers de créatures sont tuées par les voitures chaque jour. (Photo : Marneejill via Flickr)

La fermeture de voies routières et la diminution de la circulation pendant la pandémie ont donné un répit à certaines espèces animales. Les routes, souvent meurtrières, constituent l’un des facteurs de déclin de la faune au Canada.

Il y a tout d’abord les animaux frappés par des véhicules en traversant la chaussée. Plusieurs espèces de reptiles au Canada font face à cette menace, comme la tortue mouchetée, en péril. Les tortues se reproduisent généralement tard dans leur cycle de vie. Ainsi, même un petit nombre de victimes peut entraîner un déclin de la population. Comme les femelles se déplacent davantage à la recherche d’un lieu de choix pour la ponte, elles sont plus susceptibles de se faire écraser que les mâles.

Les collisions avec des véhicules peuvent aussi avoir des effets désastreux sur les populations de salamandres et de grenouilles. Au printemps, elles quittent les mares printanières et traversent les routes en grand nombre à la recherche de partenaires.

Partout au Canada, les routes contribuent également à la baisse des populations de caribous de la forêt boréale, mais pas à cause des collisions. Les caribous dépendent de vastes aires de répartition intactes pour échapper à leurs prédateurs. Les routes (et les lignes sismiques) fragmentent cet habitat et fournissent des couloirs de déplacement et des voies dégagées aux prédateurs qui augmentent leurs chances de s’attaquer aux caribous et à d’autres proies.

…on estime que la plupart des troupeaux de caribous de la forêt boréale canadienne risque de ne pas survivre sans un changement significatif des méthodes d’extraction des ressources.

Dans le cadre des régimes actuels de gestion du territoire, on continue de tracer des routes dans des forêts inexploitées. En raison de notre incapacité à limiter adéquatement l’empreinte des secteurs minier, forestier, pétrolier et gazier, on estime que la plupart des troupeaux de caribous de la forêt boréale canadienne risque de ne pas survivre sans un changement significatif des méthodes d’extraction des ressources.

La perte de l’habitat conduit au déclin de la plupart des espèces au Canada. Les routes jouent un rôle important dans ce déclin, car elles fragmentent l’habitat en parcelles de plus en plus réduites et perturbées.

Au Canada, en raison de la densification du réseau routier et de la diminution de l’habitat sauvage, les véhicules tuent toujours plus d’animaux à la recherche d’un partenaire, de chaleur (l’asphalte chaud attire les serpents), d’un refuge, de corridors de déplacement et de nourriture. Des milliers de spécimens se font tuer chaque jour par des automobiles : insectes et oiseaux, reptiles et amphibiens, ours et opossums, ratons laveurs, cougars, coyotes et renards…

L’impact écologique des routes et des véhicules qui y circulent ne s’arrête pas là. Les routes isolent les populations d’animaux les unes des autres, ce qui entraîne une diminution du patrimoine génétique. Elles altèrent les comportements, notamment les habitudes de déplacement et la recherche de nourriture. Elles génèrent de la pollution, augmentent le bruit, diminuent la qualité de l’air et contribuent aux changements climatiques.

Il y a près de trois décennies, Reed Noss, biologiste de la conservation américain, a mis en évidence les effets terribles des routes sur la nature. Le débat sur leur avenir est plus que jamais d’actualité.

En mai, un article du New York Times révélait que, dans le Maine, le nombre de salamandres écrasées avait diminué de beaucoup en raison du confinement et d’une circulation automobile réduite. Citant les travaux de l’herpétologue Greg LeClair, l’article indiquait que «ce printemps, ses 87 citoyens scientifiques ont sauvé 1 487 amphibiens dans le Maine et en ont trouvé 335 autres morts. Cela représente environ quatre amphibiens vivants pour un écrasé, soit le double du ratio de deux pour un de l’année dernière. Il semble donc que davantage d’amphibiens aient pu traverser en toute sécurité.»

Une diminution des voies pour les voitures améliore la santé des humains et de la faune.

Dans tout le Canada, à l’heure où les villes qui ont converti des routes en pistes cyclables pendant le confinement passent en mode reprise, les urbanistes et autres intervenants préconisent de garder ces voies en service. Une diminution des voies pour les voitures améliore la santé des humains et de la faune.

On observe une volonté accrue de sauver la vie des animaux sur la route à divers niveaux : une association locale de bénévoles qui invitent les voitures à céder le passage aux tortues ; des provinces qui construisent des tunnels et des clôtures le long des autoroutes ; le gouvernement fédéral qui a créé des viaducs pour les grands mammifères dans le parc national de Banff. De nombreux projets de recherche sont en cours pour déterminer la meilleure façon de corriger la nature rectiligne des routes et lignes sismiques pour aider les caribous à se régénérer, notamment en abattant des arbres qui bordent les voies dégagées et les couloirs de déplacement, afin de créer des entraves.

À l’heure où nous émergeons collectivement de la crise de la COVID-19, beaucoup de gens se demandent comment mieux rebâtir, apprendre de notre grande mise sur pause et repenser les systèmes.

Comme le souligne l’article du New York Times, même la protection d’une espèce comme la salamandre est un morceau important du grand casse-tête de la restauration de la planète. Les salamandres contrôlent les détritivores — les animaux qui se nourrissent de matières organiques mortes, comme les feuilles — pour permettre aux sols de s’enrichir de feuilles en décomposition, ce qui tonifie les forêts et ralentit les émissions de carbone dans l’atmosphère.

À côté des projets « prêts-à-construire », favorisons aussi les projets « bons-à-bâtir ». Bâtissons des structures qui favorisent la revitalisation de la faune, pas son déclin. Nous pouvons commencer par restaurer ou démanteler des routes, plutôt que d’en construire des nouvelles. Prenons un nouveau virage routier.

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Traduction : Monique Joly et Michel Lopez