Montréal – Deux revues de littérature scientifique publiées aujourd’hui révèlent des liens entre l’exposition à certains pesticides largement utilisés au Québec et le risque de l’autisme et de maladie de Parkinson. Ces rapports ont été réalisés par Autisme Montréal, Parkinson Québec, l’Alliance pour l’interdiction des pesticides systémique (AIPS) et la Fondation David Suzuki.
Les auteurs (1) Louise Hénault-Éthier, Electra Dalamagas, Isabelle Pitrou et Pascal Priori présentent aujourd’hui une revue de littérature Hausse inquiétante de la prévalence de l’autisme: devrions-nous nous inquiéter des pesticides? Parallèlement, Romain Rigal (2) de Parkinson Québec a présenté les conclusions de son étude Pesticides & Parkinson : une causalité établie. Des mesures pour protéger tous les citoyens. Ces deux rapports ont été soumis à la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN) de l’Assemblée nationale du Québec qui doit se pencher sur les impacts des pesticides sur la santé humaine et l’environnement cet automne.
Des recherches précédentes démontrent qu’au-delà des facteurs individuels, de l’amélioration de la détection et de l’évolution des critères diagnostiques du DSM, les facteurs environnementaux ont un rôle crucial au moment d’expliquer l’augmentation de la prévalence de l’autisme ces dernières années. La revue de la littérature publiée aujourd’hui cite de très nombreuses études qui présentent un lien entre l’exposition aux pesticides et le risque accru pour un enfant de développer l’autisme.
« Compte tenu de la hausse alarmante de cas d’autisme, l’accumulation de preuves scientifiques démontrant un lien entre l’exposition aux pesticides et le risque d’autisme nécessite une action d’ampleur pour nous protéger des impacts potentiels des pesticides sur la santé humaine », a pour sa part expliqué la Dre Isabelle Pitrou, médecin épidémiologiste à l’Université de Sherbrooke.
La liste des pesticides associés à l’autisme est longue (3). Par exemple, les insecticides de la famille des organochlorés, des organophosphorés et des pyréthrinoïdes ont tous un effet sur le développement des connexions entre les neurones, ce qui peut expliquer des associations avec des troubles du développement neurologique. Parmis les pesticides les plus connus cités dans ces études figurent le DDT (aujourd’hui banni mais encore présent dans l’environnement), le chlorpyrifos (dont la réhomologation en Europe fait l’objet d’un avis scientifique négatif par l’EFSA), ainsi que les populaires herbicides à base de glyphosate.
« Les insecticides sont conçus pour interférer avec la transmission synaptique dans le système nerveux central. Cependant, les propriétés neurotoxiques des pesticides peuvent avoir des conséquences inattendues sur le cerveau des enfants en développement, explique la biologiste Louise Hénault-Ethier, coauteure de l’étude et chef de projets scientifiques à la Fondation David Suzuki. Avec l’utilisation massive de ces substances en agriculture –autorisée par nos instances réglementaires fédérales et provinciales- les corporations se sont servies de la population du Québec et du Canada comme cobayes, et voilà que nous observons ce qui pourrait être l’une des conséquences les plus néfastes de cette expérience imprudente et mal contrôlée. »
« L’exposition aux toxines environnementales telles que les pesticides doit être minimisée, car les études épidémiologiques démontrent qu’il y a un risque élevé pour un fœtus de développer l’autisme, explique Electra Dalamagas, responsable des interventions familiales pour l’organisme Autisme Montréal. Ce rapport souligne que notre perception de la santé prénatale doit également changer. Essentiellement, la santé prénatale et celle liée au développement neurologique d’un fœtus débutent avant même le moment de la conception, et dépendent directement de l’environnement physique des futurs parents, et des produits toxiques présents dans l’environnement. L’inquiétude face aux pesticides est encore plus significative parce que les conséquences de ceux-ci peuvent transcender les générations. »
Pour Pascal Priori, coauteur et porte-parole de l’Alliance pour l’interdiction des pesticides systémiques, « D’une part, il y a une hausse importante des cas d’autisme au Québec sans aucune action pour agir sur les causes, d’autre part la recherche scientifique indépendante démontre clairement le lien avec les pesticides. Nous surutilisons les pesticides alors même que nous savons comment nous en passer. Pourtant les gouvernements continuent de les autoriser sur la base d’un processus obsolète et biaisé. Le statu quo ou les discours rassurants ne suffisent plus, il y a un besoin d’action urgent de protéger nos enfants. »
Quant au lien entre l’exposition aux pesticides et la hausse de l’incidence de la maladie de Parkinson, c’est au Québec qu’il a été en premier observé dans les années 1980. Depuis les années 1990, plus d’une centaine d’études ont évalué l’association de ces deux phénomènes. Les résultats de ces travaux épidémiologiques ont été résumés par huit méta-analyses qui concluent unanimement à un doublement du risque de développer la maladie de Parkinson suite à l’exposition aux pesticides. Cette association est unanimement acceptée dans la communauté scientifique qui d’ailleurs utilise certains pesticides, comme la roténone et le Paraquat, pour créer des modèles animaux de Parkinson.
« Près de 40 ans après les premières hypothèses sur l’association de l’exposition aux pesticides et le développement de la maladie de Parkinson, le gouvernement québécois possède désormais suffisamment de preuves sur le rôle causal de ces produits dans la maladie. Des recherches scientifiques additionnelles sont effectivement nécessaires pour mieux discerner les produits et les doses les plus toxiques, mais des actions immédiates sont requises pour protéger l’ensemble des citoyens. Ce sont notamment nos enfants, dont le système nerveux est le plus sensible, qui sont les plus vulnérables à l’exposition. Leur risque de développer la maladie est jusqu’à sixfois plus élevé.” De plus, ajoute Romain Rigal de Parkinson Québec, “cette augmentation de risque ne se limite pas aux agriculteurs, mais touche l’ensemble de la population québécoise habitant à proximité de lieux d’épandage ou utilisant des pesticides chez eux. »
Les auteurs à l’origine des deux études publiées aujourd’hui exhortent le gouvernement du Québec, la CAPERN, Santé Canada et l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) à faire tout de leur possible pour limiter l’exposition de la population à ces substances, notamment celles utilisées à grande échelle en agriculture.
Il est crucial d’agir pour interdire tous les usages des pesticides dangereux pour la santé et d’arrêter l’introduction de nouveaux pesticides dangereux en réformant en profondeur le processus d’homologation. La promotion des alternatives non toxiques ainsi que l’évaluation sérieuse des risques à travers davantage de recherches telles que des études épidémiologiques longitudinales doivent figurer parmi les pistes de solutions prioritaires pour notre gouvernement.
–30–
Les rapports peuvent être consultés et téléchargés ici :
https://bit.ly/Rapport_Pesticides_Autisme_FR
https://bit.ly/Rapport_Pesticides_Parkinson_FR
Source : Autisme Montréal, Parkinson Québec, Alliance pour l’interdiction des pesticides systémiques, Fondation David Suzuki
Contact pour les médias :
Charlotte Bichon, Parkinson Québec, cbichon@parkinsonquebec.ca 514-861-4422 poste 269
Diego Creimer, Fondation David Suzuki, dcreimer@davidsuzuki.org 514-999-6743
Notes:
- Auteurs:Louise Hénault-Ethier, PhD, chef de projets scientifiques à la Fondation David Suzuki; Electra Dalamagas, responsable de l’intervention familiale, Autisme Montréal; Isabelle Pitrou, PhD, médecin épidémiologiste à l’Université de Sherbrooke; Pascal Priori, MSc, Alliance pour l’interdiction des pesticides systémiques.
- Romain Rigal, MSc, Directeur des services, Parkinson Québec.
- La liste inclut les carbamates, les organochlorés, les organophosphorés, les pyréthroïdes, les néonicotinoïdes, les organobromés, l’organobromine et les dérivés de la lactone macrocycliques. Le DDT et son dérivé DDE, le chlorpyrifos, le diazinon, le malathion et l’avermectine figurent aussi parmi les insecticides associés à l’autisme, tout comme la perméthrine, la cyperméthrine, la bifenthrine, l’imidaclopride, le dicofol, l’endosulfan et le bromure de méthyle. Outre les insecticides, les herbicides glyphosate et glufosinate d’ammonium, les fongicides myclobutanil, phosphine, pyraclostrobine, trifloxystrobine, famoxadone, fénamidone et rodentones ont également été répertoriés dans des études montrant des corrélations avec l’autisme.