OTTAWA | TERRITOIRE TRADITIONNEL ET NON CÉDÉ DU PEUPLE ALGONQUIN ANISHNAABEG, le jeudi 14 décembre 2023 – Au lendemain de la conclusion de la COP28, une décision unanime de trois juges de la Cour d’appel fédérale a rouvert la porte à 15 jeunes qui poursuivent le gouvernement canadien pour ses actions à l’origine des changements climatiques. Les juges ont estimé que les jeunes représentés dans l’affaire La Rose c. Sa Majesté le Roi méritent un procès pour déterminer si le Canada remplit ses obligations constitutionnelles de protéger les droits des enfants à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne en vertu de la Charte des droits et libertés. Cette décision renverse la décision de la Cour fédérale, dans laquelle le gouvernement du Canada avait soutenu que l’affaire devait être rejetée.

Les juges ont noté dans leur décision que « les changements climatiques ont un effet dramatique et rapide sur tous.tes les Canadien.ne.s et en particulier sur les communautés nordiques et autochtones ». Les juges ont cité la Cour suprême du Canada, qui a reconnu que les changements climatiques avaient eu un « effet particulièrement grave » sur les peuples et les territoires autochtones, « menaçant la capacité des communautés autochtones du Canada à subvenir à leurs besoins et à maintenir leurs modes de vie traditionnels ». Les juges ont également noté que les changements climatiques ne sont pas un problème lointain, mais qu’il est actuel, qu’il a des conséquences, et qu’« il ne fait aucun doute que le fardeau des conséquences affectera de manière disproportionnée les jeunes Canadien.ne.s ».

Les juges ont reconnu que les effets dévastateurs des changements climatiques que subissent les plaignant.e.s pourraient être qualifiés de « circonstances spéciales » imposant au gouvernement l’obligation positive de protéger les jeunes plaignant.e.s, mais qu’un procès est nécessaire pour prendre cette décision finale.

« Lorsque de nouveaux recours fondés sur la Charte mettent à l’épreuve les limites d’un droit, ils peuvent nécessiter un procès afin de comprendre la nature de la législation, de l’action exécutive ou de la réglementation et le préjudice subi par les demandeurs. C’est l’un de ces cas », ont écrit les juges.

La cour d’appel a examiné si les demandes des plaignant.e.s relevaient des articles 7 ou 15 de la Charte, ou de la doctrine de la fiducie publique, et a finalement ordonné au tribunal inférieur de faire avancer l’affaire vers un procès en vertu de l’article 7 de la Charte canadienne, qui protège contre les atteintes du gouvernement à la vie, à la liberté et à la sécurité personnelle.

« La décision d’aujourd’hui est porteuse d’espoir pour ces jeunes plaignant.e.s en quête de justice climatique », a déclaré Andrea Rodgers, avocate principale chargée des litiges pour Our Children’s Trust. « Maintenant, ces jeunes plaignant.e.s auront enfin leur journée au tribunal pour raconter leur histoire et demander des comptes à leur gouvernement pour avoir violé les droits que leur confère la Charte. Cette décision ouvre la voie aux jeunes pour qu’ils.elles puissent protéger leur vie, leurs libertés et leur sécurité ».

« Cette décision indique très clairement qu’un procès est nécessaire pour obliger le Canada à rendre compte de son incapacité à limiter les émissions de gaz à effet de serre. Bien que la Cour ait conclu que la demande doit être modifiée pour identifier plus spécifiquement les dispositions qui conduisent à des émissions excessives de GES, la Cour a confirmé le droit de ces jeunes de contester les actions et l’inaction du Canada comme causant un préjudice important à leur sécurité personnelle », a déclaré Catherine Boies Parker, une avocate des jeunes plaignant.e.s.

« Je pense que cette action va au-delà du gouvernement fédéral. Cela devrait faire comprendre à toutes les provinces qui bloquent l’action climatique que l’inaction peut avoir des conséquences juridiques – et cela donne également aux jeunes le pouvoir d’exiger des plans d’action climatique complets de la part de leurs gouvernements provinciaux », déclare Tom Green, conseiller principal en matière de politique climatique, Fondation David Suzuki.

L’affaire La Rose a été déposée par 15 jeunes de sept provinces et d’un territoire le 25 octobre 2019. Les jeunes affirment que le gouvernement fédéral du Canada contribue dangereusement aux changements climatiques. L’affaire soutient que les jeunes subissent déjà les effets néfastes des changements climatiques et que le gouvernement fédéral viole leurs droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne en vertu de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés en ne protégeant pas les ressources essentielles de la fiducie publique. Les jeunes plaignant.e.s allèguent également que le comportement du Canada viole leurs droits garantis par la Charte, étant donné que les jeunes sont affecté.e.s de manière disproportionnée par les effets des changements climatiques.

Albert L., l’un.e des jeunes plaignant.e.s, a fait remarquer : « C’est décourageant que notre gouvernement nous ait fait perdre quatre ans pour s’opposer à notre droit d’obtenir un procès. Mais je suis reconnaissant.e que les juges aient eu le courage de décider de nous écouter et, surtout, qu’ils aient reconnu qu’une certaine souplesse est nécessaire lorsqu’on aborde une question existentielle d’une telle ampleur. C’est une première étape cruciale dans la protection des droits des jeunes face au pouvoir que les intérêts des combustibles fossiles exercent sur l’élaboration des politiques au Canada ».

Lauren W., une autre jeune plaignante, a déclaré : « Après quatre ans, un tribunal a enfin confirmé la validité de nos expériences et la responsabilité du gouvernement à l’égard des jeunes. La possibilité d’être entendu.e.s par un tribunal sur notre plainte en vertu de l’article 7 est un grand pas en avant qui me donne de l’espoir. Au fur et à mesure que nous avançons, nous continuerons à nous battre pour un avenir juste ».

Zoe G.-W., une autre jeune plaignante, a déclaré : « C’est une excellente nouvelle que le gouvernement canadien ait accepté d’entendre notre litige. Les enfants ne devraient pas avoir besoin de poursuivre le gouvernement pour se protéger des changements climatiques. Il est temps que le Canada cesse de nous affronter devant les tribunaux et commence à lutter contre les changements climatiques ».

Lisez la décision des juges ici.

Les jeunes plaignant.e.s sont représenté.e.s par Catherine Boies Parker, K.C. et David Wu d’Arvay Finlay LLP ; et par Chris Tollefson et Anthony Ho de Tollefson Law Corporation ; le brillant précurseur Joseph J. Arvay, QC était également un architecte et un co-conseiller dans cette affaire avant son décès en 2020. L’appel a été plaidé par Reidar Mogerman, K.C., associé de Camp, Fiorante, Matthews et Mogerman, LLP, et par Chris Tollefson. Les plaignant.e.s sont soutenu.e.s par Our Children’s Trust et la Fondation David Suzuki, ainsi que par le Pacific Centre for Environmental Law and Litigation (CELL), un partenaire éducatif qui utilise ce procès pour former la prochaine génération de juristes d’intérêt public.

En plus de La Rose v. His Majesty the King, Our Children’s Trust représente et soutient les jeunes dans des litiges climatiques actifs à la fois au niveau mondial et à travers les États-Unis. Le 10 décembre 2023, Our Children’s Trust a intenté un nouveau procès fédéral constitutionnel sur le climat, Genesis B. v. United States Environmental Protection Agency. En juin 2023, Our Children’s Trust a intenté le premier procès constitutionnel sur le climat de l’histoire des États-Unis dans l’affaire Held v. State of Montana; en août, les jeunes plaignant.e.s du Montana ont obtenu un jugement historique déclarant inconstitutionnelles les lois de l’État favorisant les combustibles fossiles. Our Children’s Trust représente également les 21 jeunes plaignant.e.s dans le procès constitutionnel fédéral historique sur le climat, Juliana v. United States, qui se dirige actuellement vers un procès sur la question de savoir si le système énergétique du gouvernement fédéral basé sur les combustibles fossiles et la déstabilisation du climat qui en résulte sont inconstitutionnels. En juin 2024, Navahine F. v. Hawai’i Department of Transportation devrait être jugée. Parmi les autres affaires en cours figurent Natalie R. c. État de l’Utah et Layla H. c. Commonwealth de Virginie.

Pour plus d’informations :

Charles Bonhomme | Responsable affaires publiques et communications, Fondation David Suzuki
438 883-8348 | cbonhomme@davidsuzuki.org