Des groupes environnementaux demandent un examen indépendant de la décision controversée sur les néonicotinoïdes.
OTTAWA | TERRITOIRE TRADITIONNEL ET NON CÉDÉ DE LA NATION ALGONQUINE ANISHINAABE, le mercredi 27 novembre 2024 — Selon des informations publiées par le National Observer, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada aurait été de « connivence » avec Bayer Crop Science pour maintenir l’homologation de l’imidaclopride, un pesticide controversé de la classe des néonicotinoïdes. En réponse, douze organisations environnementales et de santé demandent au ministre de la Santé du Canada d’intervenir de toute urgence sur cette question.
Les groupes, appuyés par plusieurs scientifiques universitaires, ont adressé une lettre (en anglais) au ministre Mark Holland vendredi dernier. Ils y réclament la mise en place de garanties pour permettre aux scientifiques impartiaux de l’ARLA de mener leurs travaux dans l’intérêt public, tout en limitant l’influence inappropriée de l’industrie sur la réglementation des pesticides.
L’imidaclopride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, est directement lié au déclin mondial des pollinisateurs et à la perte de biodiversité des insectes. Ce produit chimique, interdit dans l’Union européenne depuis 2018, suscite de vives inquiétudes environnementales.
Citations :
« Il semble que Bayer ait poussé le régulateur fédéral à ignorer les données qui ne conviennent pas à ses intérêts », a déclaré Lisa Gue, responsable des politiques nationales à la Fondation David Suzuki. « Nous avons besoin que le ministre de la Santé envoie un signal clair indiquant que cela n’est pas acceptable, et qu’un examen indépendant des effets néfastes des insecticides néonicotinoïdes sur l’environnement soit réalisé. »
« En tant que médecin, je suis alarmée par le fait qu’un organisme de réglementation gouvernemental puisse ignorer les preuves. Santé Canada doit veiller à ce que ses décisions soient conformes à la protection des personnes et de la planète, et non à celles des entreprises dont les priorités vont à l’encontre de l’intérêt public », a déclaré la Dre Melissa Lem, médecin de famille et présidente de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement. « Nous avons besoin d’un processus décisionnel solide qui protège notre santé et nos droits environnementaux. Un examen indépendant des décisions relatives aux néonicotinoïdes et une réorientation au sein de l’ARLA vont dans la bonne direction. »
« La confiance dans le cadre actuel d’évaluation des pesticides a été gravement affaiblie par le fait que l’ensemble des données scientifiques n’est pas pris en compte dans le processus décisionnel », déclare Theresa McClenaghan, directrice générale et avocate de l’Association canadienne du droit de l’environnement (ACDE). « Les personnes qui évaluent et prennent des décisions sur les pesticides devraient être tenues de justifier, de manière très transparente, les raisons pour lesquelles des études spécifiques sont rejetées ou ne sont pas acceptées pour l’évaluation. »
« Le gouvernement fédéral du Canada doit défendre la science indépendante et la protéger de l’ingérence des entreprises, en particulier lorsque notre sécurité alimentaire et nos pollinisateurs en dépendent », a déclaré Cassie Barker, responsable senior du programme Toxics, Environmental Defence. « Le fait que des entreprises comme Bayer soient apparemment si présentes dans le processus de prise de décision constitue un conflit d’intérêts majeur. Les autorités fédérales doivent dire aux fabricants de pesticides de se retirer. »
« La prétendue “collusion” de l’ARLA avec Bayer Crop Science pour revenir sur un projet de décision visant à interdire le néonicotinoïde le plus anciennement utilisé, l’imidaclopride, jette un doute profond sur une décennie d’examens et de réévaluations des trois pesticides néonicotinoïdes, l’imidaclopride, le thiaméthoxame et la clothianidine, largement utilisés au Canada », a déclaré Béatrice Olivastri, directrice générale des Friends of the Earth Canada. « Comme première étape pour gagner la confiance du public, l’ARLA devrait immédiatement autoriser une commission d’examen indépendante à évaluer les aspects environnementaux et sanitaires des trois néonicotinoïdes. »
« La violation des principes scientifiques et réglementaires par l’ARLA est à la fois évidente et flagrante », a déclaré Mary Lou McDonald de SafeFoodMatters.org. « L’ARLA est censée juger les preuves, et non pas contribuer à les créer. Nous demandons qu’il soit mis fin à la mainmise continue de l’ARLA. »
« En cachant des résultats d’analyses préoccupantes à la demande de Bayer, Santé Canada va à l’encontre de son mandat de protection de la santé des Canadien.ne.s. Il est inquiétant de voir les scandales qui s’enchaînent démontrant la trop grande proximité entre l’agrochimie et nos institutions » déclare Thibault Rehn, coordonnateur de Vigilance OGM.
« Le ministre de la Santé doit agir rapidement pour rectifier la réglementation de l’imidaclopride afin de nous protéger contre ses effets nocifs importants sur la santé, notamment la neurotoxicité, les troubles de la fertilité, les lésions hépatiques et rénales, et le cancer du sein. Nous devrions pouvoir compter sur notre gouvernement pour qu’il donne la priorité à notre droit à un environnement sain au lieu de se ranger du côté des intérêts des multinationales », a déclaré Milena Gioia, coordination de l’éducation populaire et de la défense des droits à Action cancer du sein du Québec.
« Les Canadien.ne.s doivent avoir l’assurance que l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada travaille dans l’intérêt des Canadien.ne.s, de l’agriculture durable et de l’environnement, et pas seulement dans l’intérêt de l’industrie des pesticides. En outre, les scientifiques de l’ARLA doivent être soutenus de manière adéquate pour faire leur travail sans subir l’influence de l’industrie dans la réglementation des pesticides. La nomination par le ministre d’une commission indépendante chargée d’examiner les décisions qui ont conduit à l’annulation de l’interdiction des néonicotinoïdes témoignerait d’une attente de transparence au sein de cette institution publique », a déclaré Carolyn Callaghan, biologiste principale chargée de la conservation à la Fédération canadienne de la faune.
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Notes :
- La dernière réévaluation canadienne de l’imidaclopride avait initialement conclu que ce pesticide atteignait des concentrations dangereuses dans les échantillons d’eau, posant une menace pour les insectes aquatiques. L’ARLA avait alors proposé de restreindre son utilisation en agriculture pour protéger ces écosystèmes, avant de revenir sur cette interdiction. La décision finale de 2021 a statué que les risques étaient « acceptables ».
- Une objection formelle à la décision de 2021 allègue que certaines données d’échantillonnage montrant des concentrations plus élevées d’imidaclopride pourraient avoir été sélectivement exclues de l’évaluation finale – à la demande du titulaire (Bayer Crop Science) – pour favoriser le maintien de l’homologation des produits à base d’imidaclopride de Bayer.
- Conformément à la législation fédérale sur les pesticides, le ministre de la Santé peut mandater un comité indépendant pour réexaminer une décision lorsque des doutes subsistent sur la validité scientifique de l’évaluation des risques ayant servi de base à cette décision.
- Consultez la lettre (en anglais) adressée au ministre de la Santé, Mark Holland, en cliquant ici.
Pour plus d’informations ou pour une demande d’entrevue :
Cyrielle Maison, codirectrice des communications par intérim à la Fondation David Suzuki
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