MONTRÉAL – Cette semaine marque le cinquième anniversaire du Programme fédéral de rétablissement de la population boréale du caribou des bois, annoncé en 2012. Cet anniversaire est également celui d’un rendez-vous manqué. En effet, les provinces et territoires ont laissé passer l’échéance prévue à l’égard des plans de protection d’aires de répartition et des lois visant la protection de l’habitat essentiel du caribou des bois en zone boréale(1). Les provinces et territoires disposaient de cinq ans pour protéger l’habitat essentiel du caribou boréal, et le constat de ces cinq ans est celui d’un échec. De fait, la destruction de l’habitat se poursuit à bon train partout au pays.
Le fait même que cela se passe ici, au Canada, est inacceptable. Cet échec entache la réputation qu’a le Canada — à l’échelle nationale et internationale — d’être un exemple de bonne intendance de son riche patrimoine naturel et de ses nombreuses espèces sauvages.
Or la recherche scientifique ne laisse planer aucun doute et de nouvelles données viennent sans cesse étayer les conclusions connues. Quelles sont-elles? Tout simplement que la dégradation et la disparition d’habitat qu’entraîne une activité industrielle en pleine expansion constituent une menace croissante pour le caribou des bois, et que l’intensification des perturbations causées à son habitat ne fait qu’accentuer la probabilité d’un déclin, voire de la disparition de toute une population.
Ne nous leurrons pas, nous perdrons tous au change de cette érosion constante de l’habitat essentiel du caribou boréal. Elle aura d’abord un impact de taille sur les droits, la culture et le mode de vie traditionnel de nombreux peuples autochtones. Elle risque ensuite de ternir la réputation du Canada sur les marchés internationaux — combien de consommateurs des États-Unis et d’ailleurs achètent en effet des produits canadiens parce qu’ils croient que le Canada protège sa faune et respecte ses engagements envers les Premières Nations?
La voie à suivre est aussi nette qu’incontournable. Le Canada doit assumer ses responsabilités et renverser la tendance pour éviter la disparition de nouvelles espèces.
En outre, la protection de l’habitat essentiel de la population boréale du caribou des bois, dit menacé, s’inscrit parfaitement dans l’esprit de l’engagement qu’a pris le Canada face à la communauté internationale d’assurer la protection de 17 pour cent de son territoire et de ses eaux intérieures d’ici 2020.
La protection de l’habitat essentiel du caribou du Canada serait par ailleurs un gage de santé de la forêt boréale dont hériteront les générations futures. Et, comme la région de la forêt boréale est l’un des principaux lieux de stockage de carbone dans le monde, il est important, dans le cadre d’une saine stratégie de lutte contre les changements climatiques fondée sur la science, de préserver l’intégrité de larges bandes de ce vaste territoire.
Aussi prenons-nous aujourd’hui la parole au nom de tous les Canadiens et Étatsuniens sensibles à la situation du caribou, pour exiger:
- Que tous les gouvernements provinciaux et territoriaux responsables mettent fin immédiatement à l’expansion de l’activité et de l’empreinte industrielles dans les aires de répartition du caribou boréal où l’on observe une dégradation de plus de 35 % du territoire, et qu’ils mettent immédiatement en place des mesures de protection de l’habitat essentiel. Nous comptons que les provinces et territoires procèderont en partenariat avec les peuples autochtones et avec leur consentement préalable, libre et éclairé.
- Que la ministre fédérale de l’Environnement et du Changement climatique publie un rapport en vertu de l’article 63 confirmant que l’habitat essentiel du caribou boréal au Canada demeure en grande partie non protégé, et qu’elle dévoile les mesures qui seront prises pour assurer la protection de cet habitat essentiel.
- Qu’à la suite du dépôt de ce rapport et après avoir vérifié si les mesures de protection de l’habitat essentiel ont été appliquées ou non, la ministre assume ses devoirs en vertu de l’article 61(4) de la LEP – en consultation auprès des provinces et territoires — et qu’elle recommande ensuite au conseil des ministres l’adoption d’une ordonnance de protection couvrant les parties de l’habitat essentiel dans les juridictions où la loi provinciale ou territoriale n’assure pas adéquatement la protection de l’habitat essentiel du caribou boréal. Une telle ordonnance ferait ainsi office de filet de sécurité.
Signataires :
Alberta Wilderness Association
Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP-QC)
Fondation David Suzuki
Greenpeace Canada
Ontario Nature
Natural Resources Defense Council
Nature Canada
Wildlands League
Wilderness Committee