Montréal – Un juge de la Cour fédérale a statué aujourd’hui qu’il n’a pas juridiction pour entendre la cause des jeunes qui poursuivent le gouvernement fédéral pour son inaction au chapitre des changements climatiques. Les jeunes plaignants dans l’affaire La Rose c. Sa Majesté la Reine ont été informés aujourd’hui qu’ils doivent porter leur requête devant un tribunal supérieur.

Bien qu’il ait reconnu que «l’impact négatif du changement climatique sur les demandeurs et sur tous les Canadiens est important, à la fois maintenant et à l’avenir», le juge Michael D. Manson de la Cour fédérale du Canada a accepté la requête du gouvernement visant à rejeter la plainte des demandeurs.

Dans sa décision, le juge a reconnu que la doctrine du «Public Trust» (doctrine de la fiducie publique) est une question justiciable et «clairement une question juridique que les tribunaux peuvent résoudre». En outre, il a précisé que «ses commentaires ne doivent pas être considérés comme suggérant que les défendeurs ne devraient pas être tenus responsables ou non responsables dans la lutte contre le changement climatique. Les défendeurs reconnaissent que le changement climatique est (sic) un problème sociétal grave de notre temps, qui exige une réponse de la part de toutes les parties prenantes.» Cependant, le juge a quand même statué que les tribunaux n’étaient pas en mesure de faire avancer l’affaire sur la base de la justiciabilité, «…peu importe l’importance du changement climatique pour la santé et le bien-être des Canadiens, ce qui est reconnu.»

L’avocat principal des plaignants, Joe Arvay, a déclaré : «Nous sommes très déçus de la décision, mais nous restons confiants dans la solidité de notre demande et nous avons l’intention de faire appel.»

Sophia, l’une des jeunes plaignants, a qualifié la décision de «grand affront aux jeunes canadiens et autochtones», et elle a ajouté : «Le Canada a essayé de faire taire nos voix au tribunal, et de bloquer nos appels en faveur de la justice climatique. Nous ne serons pas dissuadés. Avec mes co-plaignants, je continuerai à me battre pour les droits –reconnus dans la Charte– de tous les jeunes canadiens et autochtones, afin que le Canada soit tenu responsable.»

Mikaeel, un plaignant de 11 ans, a déclaré : «En tant que personne qui ne peut pas voter, il est décevant d’entendre que ma seule protection, le système de justice, n’est pas quelque chose sur laquelle je peux compter.»

En 2019, les 15 plaignants – âgés de 10 à 19 ans – ont déposé une plainte alléguant que le gouvernement canadien cause, contribue et permet des niveaux dangereux d’émissions de gaz à effet de serre, et qu’il est donc responsable des dommages liés au climat qu’ils subissent.

Dans l’affaire La Rose c. Sa Majesté, les plaignants demandent aux tribunaux d’établir que le Canada porte atteinte aux droits à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne et à l’égalité des jeunes garantis par la Charte, et demandent à la cour d’ordonner au gouvernement de préparer et de mettre en œuvre un plan de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre en accord avec les meilleures données scientifiques disponibles.

«Je suis incroyablement découragée par la décision du tribunal, a déclaré la jeune plaignante Lauren, 16 ans. En tant que jeune Canadienne dont les droits sont bafoués, le fait que la Cour ait accepté la demande du gouvernement est bouleversant, et j’ai le sentiment que mon droit à un avenir sûr et sain n’est pas pris au sérieux par ceux qui sont au pouvoir.»

Les plaignants, qui viennent de sept provinces et d’un territoire, sont déjà lésés par les contributions du gouvernement à un changement climatique dangereux, en étant exposés à la fumée des feux de forêt, à l’élévation du niveau de la mer, à des températures extrêmes, à des ouragans plus fréquents et à d’autres conséquences dévastatrices.

Dans sa décision, le juge Manson a déclaré que sa préoccupation n’était pas que les plaignants demandent au tribunal «d’examiner une série d’actions et d’inactions du Canada en matière de changement climatique, mais qu’avec l’ampleur et la nature diffuse de ces actions, ceci mettrait en cause les choix politiques globaux du Canada.»

Le juge Manson a ajouté que, bien que l’affaire soit «fondée sur des données scientifiques», il estime que les questions soulevées dans l’affaire «sont tellement politiques que les tribunaux sont incapables ou inadaptés à les traiter.»

Andrea Rodgers, avocate senior du contentieux au sein du Our Children’s Trust, a déclaré : «C’est un affront à la justice que lorsque des enfants sont lésés par des actions légales spécifiques que leur gouvernement a prises, ils n’ont aucun recours. C’est un triste jour pour le Canada et les démocraties du monde entier, et la retenue judiciaire face à la crise climatique sera un jour considérée comme l’une des grandes folies du monde. Dans l’intérêt de ces enfants, nous espérons que cette erreur judiciaire sera corrigée en appel.»

Les avocats des jeunes plaignants feront appel de la décision d’aujourd’hui. Comme le fait remarquer la plaignante Haana, âgée de 16 ans, «la décision de rejeter la demande est décevante, mais pas décourageante ; ce que nous faisons est un travail important, et de nombreuses autres étapes sont à venir.»

«Bien sûr, cette décision est décourageante, mais le voyage est loin d’être terminé, a déclaré Stephen Cornish, PDG de la Fondation David Suzuki. Ces courageux jeunes plaignants n’ont pas fini de réclamer un plan de relance climatique adéquat et basé sur la science au Canada. Ils savent que nous n’avons qu’une décennie pour changer les choses et que, jusqu’à présent, nous ne sommes pas sur la bonne voie. Ces jeunes sont du bon côté de l’histoire. Ils méritent d’être entendus en Cour.»

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Contact pour les médias au Canada :

Brendan Glauser, Fondation David Suzuki, bglauser@davidsuzuki.org 604-356-8829

Les avocats des requérants sont :

Joseph J. Arvay et Catherine Boies Parker, de Vancouver, en Colombie-Britannique, Chirs Tollefson et Anthony Ho, de Victoria, en Colombie-Britannique, et Andrea Rodgers, avocate senior du contentieux au sein du Our Children’s Trust.

Les jeunes plaignants canadiens sont appuyés par :

La Fondation David Suzuki (davidsuzuki.org) est un organisme sans but lucratif pancanadien qui collabore avec la population canadienne, y compris les entités gouvernementales et les entreprises, pour préserver l’environnement et trouver des solutions pour bâtir un Canada durable grâce à des études fondées sur des données probantes, la mobilisation du public et l’élaboration de politiques. La Fondation exerce ses activités en anglais et en français, et possède des bureaux à Vancouver, Toronto et Montréal.

Our Children’s Trust (ourchildrenstrust.org) est une firme d’avocats à but non lucratif qui porte sur la place publique la voix de jeunes issus de divers milieux et leur offre des services stratégiques et de promotion pour garantir leur droit à un climat sécuritaire. Nous protégeons le climat de la planète pour les générations actuelles et futures en représentant des jeunes de partout qui ont recours aux tribunaux pour faire reconnaître leur droit exécutoire à un environnement sain et à un climat stable, en fonction des meilleures données scientifiques disponibles. Nous soutenons notre jeune clientèle et portons sa voix devant la Justice en menant une campagne judiciaire hautement stratégique qui comprend du contenu médiatique ciblé ainsi que des activités de sensibilisation et de mobilisation du public relativement à des recours judiciaires. Notre travail – un travail guidé par le droit constitutionnel, la fiducie publique, les droits de la personne et les lois de la nature – vise l’élaboration de plans de restauration du climat reposant sur des bases scientifiques et de solutions à l’échelle provinciale, fédérale et mondiale.

CELL (pacificcell.ca) est une société à but non lucratif constituée en vertu des lois de la Colombie-Britannique, et un organisme de bienfaisance enregistré au fédéral. Sa mission est de former et d’inspirer la prochaine génération d’avocats plaidants dans le domaine du droit d’intérêt public et de l’environnement en offrant aux jeunes avocats et aux étudiants en droit la chance d’acquérir de l’expérience pratique des actions en justice en travaillant au sein d’une équipe sur des causes environnementales d’intérêt public choisies avec soin, sous la supervision d’avocats chevronnés.