(Image: Mathieu B. Morin)

Le 15 février 2019, âgé de 16 ans, après des années passées à être rongé par le cynisme malgré ma proactivité quotidienne, je faisais pour la première fois le choix de manquer l’école afin de manifester pour le climat avec quelques centaines d’autres jeunes du secondaire dans le cadre du mouvement Pour le futur. Quatre vendredis à nous époumoner dans les rues de Montréal plus tard, les cégépien.nes, les universitaires et des citoyen.nes de tous les horizons nous rejoignaient pour former une foule de 150 000 personnes exigeant un changement systémique radical. À la rentrée suivante, c’est 500 000 personnes qui se sont réunies à Montréal, en compagnie de Greta Thunberg, à l’invitation d’un front large réunissant toutes les composantes de la société civile.

Nous avons organisé la plus grande mobilisation de l’histoire du pays. Certain.es d’entre nous se sont permis.es de retrouver espoir quelques jours. Puis, rien. On ne peut plus dire que nous n’avons pas été entendu.es. Nous avons été délibérément ignoré.es, tout comme la science que toutes et tous savent sans appel.

Devant cette situation, nous sommes 15 jeunes âgé.es de 12 à 19 ans à avoir décidé de poursuivre le gouvernement canadien pour sa contribution active dans la crise climatique. Son soutien de longue date aux industries les plus polluantes, à grand renfort d’argent public, et son refus délibéré de prendre les mesures suffisantes pour empêcher le dérèglement climatique constituent une violation de nos droits constitutionnels à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne et à l’équité intergénérationnelle. Nous voulons le tenir responsable, mais surtout obtenir la protection des tribunaux en leur demandant d’imposer la mise en place d’un plan radical de redressement climatique pouvant véritablement garantir notre sécurité.

Il me paraît absurde de devoir mentionner que j’aimerais mieux ne pas avoir à poursuivre mon gouvernement pour le forcer à se préoccuper de notre survie collective.

Il me paraît absurde de devoir mentionner que j’aimerais mieux ne pas avoir à poursuivre mon gouvernement pour le forcer à se préoccuper de notre survie collective. Il est honteux de nous retrouver avec toute une génération de militant.es pour qui chaque seconde constitue une injonction à mener cette lutte politique existentielle. Nous sommes pris.es entre le surmenage et la culpabilité de n’en faire jamais assez. Nombreux.ses sont mes collaborateur.trices qui flanchent sous la pression, oscillant entre toutes les déclinaisons de ce qu’on peut appeler de la détresse psychologique. Puis il faut tenter de se reconstruire tant bien que mal en composant avec la violente indifférence collective et les incohérences du système. 

C’est sans oublier que l’argument le plus fréquent des jeunes que je connais pour ne pas se mobiliser est semblable à “Oui, c’est la fin du monde, mais pourquoi je ferais la grève, ça ne changera rien. Autant essayer de faire le plus normalement possible jusqu’à ce que ça se termine”. Comment se construire dans autant de déni et de cynisme? Si seulement je pouvais savoir.

Près d’un an après le dépôt de la plainte, nous nous préparons à aller en cour le 30 septembre afin de faire face au gouvernement qui conteste la validité juridique de notre recours, indépendamment du fond des faits allégués. Comme si l’éventualité de la suite du monde n’était qu’une simple technicalité juridique.

Notre société a profondément changé depuis février. Justice sociale, climatique, raciale, de genre et d’orientation sexuelle, souveraineté autochtone; l’urgence de la convergence des luttes se fait de plus en plus évidente et nous ne reculerons devant rien pour vaincre le système capitaliste, colonial et raciste, basé sur l’exploitation et la destruction. Il n’y a qu’une seule direction qui ne nous mène pas directement vers le gouffre.