Le sapin naturel vs artificiel

(crédit : RieldaAnjani via Flickr)

Le sapin naturel vs artificiel : lequel est le plus écolo?

Vous avez répondu « le sapin naturel »? Félicitez-vous, car vous avez raison! En effet, on a conclu qu’un sapin naturel est plus écologique qu’un sapin artificiel, à moins de garder ce dernier plus de 20 ans, selon une étude québécoise de 2009. Dans cette analyse de cycle de vie, on avait comparé un sapin naturel poussant à 150 km de Montréal à un sapin artificiel en PVC importé de Chine. C’était surtout les émissions de GES et la consommation de matières premières qui influençaient cette conclusion. En plus, le sapin artificiel peut aussi dégager des composés volatils dans votre maison, dont les phtalates, qui dérèglent nos hormones (perturbateurs endocriniens).

Cependant, et malgré son avantage, le sapin naturel reste à parfaire, car sa production comporte certains risques de toxicité pour les écosystèmes. Qu’en est-il de cet impact? Produire un beau sapin de Noël exige entre autres de le protéger des ravageurs et de limiter la compétition avec les plantes herbacées qui se plaisent dans les plantations. C’est pour cela que les producteurs conventionnels utilisent des pesticides.

Protéger les sapins des ravageurs : est-ce vraiment nécessaire?

L’ennemi numéro un du sapin baumier, celui au parfum enivrant, est un puceron qui s’attaque aux bourgeons et entraîne des déformations au niveau des aiguilles. Si vous optez pour un sapin Fraser, les bourgeons de dernier n’éclosent pas au moment où les pucerons sont les plus dommageables, donc il demande moins d’insecticide.

L’année 2016 marquait la fin de l’utilisation d’un insecticide très efficace, mais aussi très toxique (le diazinon). Parmi les produits alternatifs homologués dans la production des arbres de Noël au Canada, il y a l’imidacloprid. Celui-ci appartient à la famille des néonicotinoïdes ou « néonics », celle souvent montrée du doigt dans le déclin des populations d’abeilles. Au-delà de leurs impacts sur les pollinisateurs, les néonics comportent plusieurs autres risques, notamment pour les insectes aquatiques à la base de plusieurs écosystèmes et pour les vers de terre qui sont des ingénieurs de notre sol. Ils sont relativement persistants dans l’environnement et entraînent une contamination généralisée des eaux de surface même parfois détectée dans l’eau souterraine en zone agricole. À moins d’un revirement de situation, Santé Canada planifie aussi de le bannir d’ici trois à cinq ans. Cet insecticide ne serait probablement pas le premier choix des agronomes au Québec d’ailleurs.

La recherche d’alternatives moins toxiques bat son plein au Québec. Depuis une quinzaine d’années, l’identité des ravageurs et les moments où ils entraînent des dommages aux sapins sont mieux connus. Un Réseau d’avertissement phytosanitaire met en garde les producteurs lorsque les populations de ravageurs deviennent préoccupantes dans une région et les agronomes procèdent à des dépistages réguliers dans les plantations. Ainsi, les applications d’insecticides ne sont plus systématiques et routinières, mais bien rationalisées en fonction des risques de dommages aux sapins.

À la ferme Quinn, près de Montréal, aucun traitement d’insecticide n’a été nécessaire en 2016 et seulement un, à base d’un produit à faible impact, a été nécessaire l’année précédente. Les ruches de la ferme se trouvent d’ailleurs dans la plantation de sapins, alors ils prennent grand soin de leurs abeilles.

Pour savoir si votre sapin a été produit de façon écologique, demandez à votre producteur s’il fait de la lutte intégrée, suggère le biologiste François Gendron du Club agroenvironnemental de l’Estrie, la région qui produit le plus de sapins au Québec.

Limiter la compétition dans les plantations

Afin de maximiser la croissance des sapins, il y a aussi lieu de procéder à un désherbage dans les plantations. Tandis que certains producteurs enlèvent la végétation sur toute la surface, la plupart conservent un couvert végétalisé entre les rangs. Ces plantes minimisent le ruissellement des fertilisants, stabilisent le sol, et augmentent la biodiversité favorable aux insectes bénéfiques (pollinisateurs ou prédateurs et parasitoïdes contrôlant les populations de ravageurs).

Les herbicides, comme ceux à base de glyphosate, sont des désherbants courants parce qu’ils sont peu coûteux et faciles à utiliser, mais ils comportent plusieurs risques pour la santé environnementale et humaine. Certains producteurs ont délaissé les herbicides et procèdent plutôt à un fauchage mécanique. Dans des plantations bien alignées avec des rangées bien espacées, on peut aisément passer une tondeuse. Afin d’éviter d’abîmer les jeunes troncs d’arbres, certains producteurs utilisent le sarclage de précision guidé par des caméras infrarouges.

À la ferme Quinn, près de Montréal, une idée qui semblait d’abord « farfelue » a été adoptée. Ils font paître des moutons dans la plantation de sapins! Depuis, ils n’ont plus besoin d’herbicides : « Ils font une bonne job », explique Philippe Quinn. En France, un producteur de sapins biologiques a baptisé ses brebis Shropshire, qui ne grignotent pas les bourgeons des sapins, des Moutondeuses.

La production de sapins biologiques, ça existe?

La production biologique n’utilise pas les pesticides de synthèse les plus toxiques. Aucun producteur de sapins n’est certifié biologique au Canada, où les normes en vigueur concernent principalement les aliments Jérôme-Antoine Brunelle, coordonnateur au développement de l’agriculture biologique à l’Union des producteurs agricoles. Son association verrait d’un œil positif l’élargissement du spectre de cette norme au pays.

Sans norme ni vérification, vous devrez faire confiance à votre producteur s’il vous dit qu’il cultive de façon biologique, mais certains s’affichent ainsi. Notamment, près de Rouyn-Noranda, le producteur Jacquelin Thibault de la ferme Tibo n’utilise aucun intrant de synthèse. « Pourquoi utiliser des engrais qui font pousser le foin qu’il faut ensuite constamment tondre ? » s’interroge-t-il. Il a littéralement une « terre à sapins » alors il laisse faire la nature. Et pour lutter contre les insectes ravageurs? : « Ils se plaisent pas ça icitte, y fait trop frette », exprime ce coloré producteur du nord. Il vante ses sapins frais coupés « qui ne perdent pas leurs pépines » et qui ont l’air des sapins de son enfance et non des « boules touffues trop denses qui empêchent de décorer les branches »! Ses sapins prennent peut-être deux ans de plus pour mesurer la grandeur conventionnelle de 7′, mais ça ne semble pas nuire à ses affaires, réclame le propriétaire de 10 000 sapins.

Des questions économiques

Selon Jimmy Downey de l’Association des producteurs d’arbres de Noël du Québec, une production de type biologique au Québec augmenterait significativement les coûts de production, ce qui pourrait limiter la demande.

En France, un producteur de sapins biologiques soutient que ses sapins se vendent au même prix que ceux conventionnels. Ils économisent sur les intrants agro-chimiques mais ont des coûts de main-d’œuvre plus élevés. En laissant repousser les sapins sur d’anciennes souches, ils économisent sur la plantation.

La ferme Buttonwood (à l’esprit particulièrement festif) près de Seattle sur la côte ouest soutient que la demande est très forte pour leur nouveau produit. Même si le critère biologique n’est pas traditionnel, les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés à la toxicité potentielle de ce qu’ils font entrer dans leurs maisons. Lancés à prix promotionnels en 2016, ils s’attendent à ajuster leurs prix à la hausse graduellement pour mieux refléter le travail intensif et les rendements réduits propres à cette culture biologique. Ils ne s’attaquent pas aux insectes avec des insecticides, mais bien en replantant les lignées de sapins naturellement résistantes sur leurs terres.

En bref…

Aux États-Unis, il existe plusieurs producteurs de sapins biologiques, mais ils produisent moins de 1 % des ventes nationales. Le Québec est le plus grand producteur canadien et exporte principalement ses sapins principalement au marché américain. Les sapins naturels font vivre des villages entiers selon Émilie Turcotte-Côté, agronome au Club agroenvironnemental de l’Estrie.

Nos productions sont de plus en plus respectueuses de l’environnement, mais croyez-le ou non, même les sapins de Noël ont besoin d’investissements accrus dans la recherche et le développement! Le transfert de connaissances et l’accompagnement des producteurs sont critiques pour arriver à des sapins plus écologiques. D’ici là, posez les bonnes questions à vos producteurs et encouragez leurs bonnes pratiques.

Et pour ceux qui ont encore un sapin artificiel, le choix le plus écologique pour vous est probablement de le garder aussi longtemps que possible, parce que dans un site d’enfouissement, celui-ci perdurera des centaines d’années!