Non au Gaz de schiste

(Image / Source: lesamisdurichelieu.blogspot.com)

Nous savons depuis longtemps que l’extraction de pétrole et de gaz a des conséquences néfastes. L’expansion rapide de la fracturation hydraulique aggrave la situation et ajoute de nouveaux problèmes : usage excessif de l’eau et contamination, tremblements de terre, destruction des habitats et des terres agricoles, émissions de méthane, etc.

À l’heure où les réserves de combustibles fossiles s’épuisent à cause de notre voracité et de notre gaspillage, l’extraction devient extrême et difficile. Nous avons recours aux mines de sables bitumineux, aux forages en mer et à la fracturation parce que les gisements facilement accessibles se font de plus en plus rares. Les coûts et les effets sont encore plus grands que ceux des ressources et méthodes traditionnelles.

La fracturation implique un forage en profondeur dans le sol et l’injection à très haute pression d’un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques pour fracturer le schiste et libérer le pétrole ou le gaz. En Colombie-Britannique, les politiciens vantent les mérites du gaz naturel liquéfié comme une manne économique, un produit que l’on peut exporter dans le monde entier pour stimuler l’emploi et la prospérité chez nous. Plus de 80 % du gaz naturel de la C.-B. provient de la fracturation. Comme cette technique est en croissance, cette proportion augmente aussi.

Les émissions de méthane générées par l’extraction traditionnelle et la fracturation figurent parmi les problèmes les plus graves qu’entraîne cette industrie. À court terme, le méthane est un gaz à effet de serre au moins 84 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Les chercheurs estiment qu’il est responsable de 25 % des changements climatiques que l’on observe déjà.Il y a une différence entre le méthane et le CO2: le méthane reste dans l’atmosphère moins longtemps — une dizaine d’années — contre plusieurs dizaines d’années, voire des siècles, pour le CO2.

Comme la durée de vie du méthane est relativement courte, une réduction des quantités rejetées dans l’atmosphère aurait des effets rapides et majeurs. La réduction des émissions de méthane générées par l’industrie gazière et pétrolière est l’un des moyens les plus efficaces et économiques de s’attaquer aux changements climatiques. La technologie pour le faire existe déjà. Quelle absurdité de voir que l’industrie laisse s’échapper la ressource qu’elle cherche à vendre!

Le méthane provient de différentes sources, notamment l’élevage et les émissions naturelles. En raison du réchauffement climatique lui-même, le méthane, autrefois emprisonné dans le sol gelé, s’échappe maintenant dans l’air.
L’industrie pétrolière et gazière est l’un des principaux émetteurs. Une étude sur le terrain menée par la Fondation David Suzuki et la St. Francis Xavier University a révélé que la pollution au méthane générée par l’industrie pétrolière et gazière de la C.-B. est au moins 2,5 fois plus élevée que les estimations du gouvernement de la province.

En 2015 et 2016, des chercheurs de la Fondation se sont joints au Flux Lab de la St. Francis Xavier University sous la direction de David Risk, un spécialiste dans la mesure, la détection et la réparation de fuites d’émissions diffuses. À bord d’un « camion renifleur » équipé d’instruments de détection de gaz, ils ont parcouru plus de 8 000 kilomètres dans le nord-est de la Colombie-Britannique. Ils ont découvert que,dans la seule région de Montney, les émissions de méthane étaient plus importantes que celles que le gouvernement provincial avait estimées pour l’industrie au complet. (Montney représente environ 55 % de la production gazière et pétrolière de Colombie-Britannique.) John Werring, chercheur principal à la Fondation David Suzuki, a assuré le suivi de cette étude et en a corroboré les résultats en mesurant les sources ponctuelles d’émission de méthane issues de plus de 170 sites gaziers et pétroliers.

La recherche, publiée dans la revue AtmosphericChemistry and Physics, a découvert que les installations de Montneyprésentaient des fuites et libéraient intentionnellement des émissions de plus 111 800 tonnes de méthane par an — l’équivalent de la combustion de plus de 4,5 millions de tonnes de charbon ou de plus de deux millions de voitures sur la route. La moitié de tous les puits et sites de traitement de la région libèrent du méthane.

Cette étude démontre que l’industrie gazière et pétrolière est la plus grande source de pollution climatique en C.-B., devant le secteur des transports. Ce constat vient contredire la prétention que le gaz naturel liquéfié (GNL) est un combustible propre ou qu’il constitue une transition pour nous permettre de nous éloigner des autres combustibles.

Compte tenu de ces résultats et d’autres études — dont l’une menée en Alberta qui a dévoilé que la quantité de méthane qui fuit des installations albertaines en un an permettrait de chauffer 200 000 foyers — il est temps que tous les niveaux de gouvernements imposent des limites aux émissions industrielles de méthane.

Les gouvernements doivent aller au-delà des engagements actuels de réduire de 45 pour cent les émissions de méthane. Ils doivent tout mettre en œuvre pour les éliminer de ce secteur d’ici 2030 au moyen de lois contraignantes, d’un suivi rigoureux et d’une surveillance étroite. Nous avons besoin de meilleurs moyens de détection et de réparations des fuites, d’un meilleur système pour les rapporter et faire respecter les règles, ainsi que de techniques pour capter les émissions au lieu de les brûler.

Les changements climatiques représentent une grave menace.Or, les émissions de méthane y contribuent largement. Imposer des limites constitue une façon rapide, efficace et économique de régler le problème.

Traduction : Michel Lopez et Monique Joly