Chaque jour, nous enduisons notre corps de liquides, de lotions, de mixtures allant du shampooing au savon, en passant par le déodorant et le maquillage. Après tout, la plupart d’entre nous voulons nous sentir et avoir une apparence propre, et avoir une bonne odeur. Il est fréquent qu’une seule personne utilise plus de 10 produits de soins personnels quotidiennement.
Habituellement, nous ne percevons pas nos cosmétiques comme des sources de pollution. Mais des chercheurs américains ont découvert qu’un huitième des 82 000 ingrédients entrant dans la composition des produits de soins personnels sont des produits chimiques industriels qui comprennent cancérigènes, pesticides, toxines reproductives, plastifiants et dégraisseurs.
Jetez un coup d’œil à la liste d’ingrédients sur votre bouteille de shampoing ou de crème pour les mains. La plupart d’entre nous aurions du mal à identifier quels produits chimiques, habituellement nombreux dans la liste des ingrédients, peuvent représenter un danger pour la santé humaine ou l’environnement.
Il y a de fortes chances que ces produits contiennent une «fragrance» ou un «parfum» en toute fin de liste. Puisque les formules des fragrances sont des secrets de fabrication, les manufacturiers ne sont pas tenus de divulguer les produits chimiques qui les composent. Plus de 3 000 produits chimiques sont utilisés pour créer ces «fragrances», qui sont le résultat de savants mélanges. Jusqu’à 80% d’entre elles n’ont jamais fait l’objet de tests pour savoir si elles sont dommageables pour la santé humaine.
Ces fragrances ne se trouvent pas uniquement dans les parfums et les déodorants, mais aussi dans presque chaque type de produit de soins personnels, ainsi que dans le détergent à lessive et dans les produits de nettoyage. Même les produits étiquetés comme « sans fragrance ou «sans odeur» peuvent contenir une fragrance, dissimulée grâce à un agent masquant qui empêche le cerveau de percevoir l’odeur.
Les effets néfastes de certains ingrédients contenus dans les fragrances sont visibles immédiatement, particulièrement pour les gens, de plus en plus nombreux, ayant une sensibilité chimique. Par exemple, certains produits chimiques que l’on retrouve dans les fragrances peuvent causer des réactions allergiques, des crises d’asthme et des migraines. Des scientifiques détiennent la preuve que s’y exposer peut exacerber le développement de l’asthme chez les enfants, ou y contribuer.
D’autres produits chimiques peuvent avoir des effets néfastes qui ne sont pas visibles immédiatement. Par exemple, le phtalate de diéthyle est un produit chimique bon marché et versatile largement répandu dans les fragrances cosmétiques afin d’en prolonger l’odeur. Mais on l’associe à plusieurs problèmes. La Commission européenne sur la perturbation endocrinienne l’a classé comme substance d’intérêt prioritaire de Catégorie 1, puisque des preuves indiquent qu’elle perturbe la fonction hormonale. Les phtalates ont été associés à la puberté précoce chez les jeunes filles, au nombre réduit de spermatozoïdes chez l’homme et à des tares chez le fœtus masculin en développement (lorsque la mère y est exposé pendant la grossesse).
D’autres études indiquent aussi que les métabolites de phtalate peuvent contribuer à l’obésité et à la résistance à l’insuline chez l’homme. Santé Canada a officiellement banni six phtalates retrouvés dans des jouets pour enfants, après avoir découvert qu’une exposition prolongée pouvait causer une défaillance du foie ou du rein, mais ne prévoit pas régulariser les produits chimiques présents dans les cosmétiques. Le phtalate de diéthyle fait aussi partie de la liste des polluants prioritaires et toxiques sous la Clean Water Act (CWA, loi sur la qualité de l’eau), selon laquelle ce produit peut être toxique pour la faune et l’environnement.
Les produits chimiques présents dans les fragrances causent souvent des dommages à l’environnement. Certains composés chimiques du «musc» synthétique, qui sert à nettoyer notre corps, parviennent à la nature, restent dans l’environnement pendant longtemps et peuvent se loger dans les tissus adipeux des animaux aquatiques. Les scientifiques ont trouvé des niveaux mesurables de musc synthétique chez des poissons des Grands Lacs (PDF), et ont constaté que les niveaux de sédiments étaient en hausse. En réaction à la sensibilité de plusieurs personnes aux produits chimiques dans l’air, un nombre grandissant de bureaux et d’espaces publics deviennent des environnements «sans parfum». Il s’agit là d’une excellente initiative, mais ne devrait-on pas d’abord se demander pourquoi retrouve-t-on dans nos cosmétiques des produits chimiques dommageables pour la santé?
La règlementation canadienne a encore du chemin à faire, lorsqu’on la compare à celle d’autres pays. L’Union européenne a déjà établi des restrictions sur de nombreux ingrédients contenus dans les fragrances et exige que des étiquettes de mise en garde soit apposés sur les produits contenant quel que soit des 26 allergènes communément utilisés dans les fragrance de cosmétiques. L’Europe interdit ou restreint également l’utilisation de produits chimiques classés comme cancérigènes, mutagènes ou toxines reproductives dans les produits de soins personnels. La Fondation David Suzuki ainsi que d’autres organisations travaillent fort pour faire en sorte que la population ait accès plus facilement à des produits plus sécuritaires.
Nous menons actuellement un sondage afin de sensibiliser les gens et pour savoir quels ingrédients se trouvent dans leurs produits quotidiens. Nous prévoyons présenter les résultats en septembre, avec des recommandations en faveur d’un renforcement des lois pour protéger les Canadiens et notre environnement des effets néfastes des produits chimiques contenus dans les produits de soins personnels. Vous pouvez apporter votre contribution en portant attention à la composition des produits que vous utilisez et en optant pour des produits qui ne contiennent pas d’ingrédients néfastes.