Les grandes crises trouvent toutes leur source dans notre incapacité à reconnaître notre place dans la nature (Photo : Ivan Radic via Flickr)

L’accès plus large aux vaccins contre la COVID-19 nous permet de respirer un peu mieux… malgré le masque ! Mais, il ne faut pas se leurrer, cette pandémie n’est pas terminée. Et si nous ne prenons pas garde, d’autres pourraient suivre.

C’est ce que tente de prévenir une coalition d’organismes de santé et de conservation. Tout semble indiquer que « l’intensification de la déforestation et des changements d’utilisation du sol en raison de la croissance de la population et de l’urbanisation, de même que l’augmentation de la mondialisation et de la surproduction liée au consumérisme accentuent notre vulnérabilité aux maladies zoonotiques, qui se transmettent de l’animal à l’humain.

Cette coalition observe également que « le commerce à grande échelle d’animaux sauvages vivants, souvent transportés sur de longues distances jusqu’à des marchés alimentaires bondés, augmente les risques de transmission à l’humain de pathogènes provenant de ces animaux ».

Cette information n’est pas nouvelle. La plupart des « nouveaux pathogènes » contre lesquels nous n’avons pas développé d’immunité sont de nature zoonotique : Ebola, Zika, virus du Nil occidental, SRAS, VIH et autres. Nous savions depuis longtemps qu’une crise comme celle de la COVID-19 pouvait survenir. Nous aurions dû être mieux préparés ou en mesure de la prévenir.

La plupart des « nouveaux pathogènes » contre lesquels nous n’avons pas développé d’immunité sont de nature zoonotique : Ebola, Zika, virus du Nil occidental, SRAS, VIH et autres.

Nous devons tirer des leçons de la crise actuelle, afin de prévenir des urgences encore pires et nous préparer à de nouvelles maladies. Le prochain virus pourrait être plus mortel que la COVID-19 (comme le sont certains variants d’ailleurs). Comme le souligne la coalition, dans notre monde interrelié, les éclosions se multiplient et se propagent de plus en plus rapidement.

« En raison des failles de notre relation avec la nature, ces événements se produisent déjà plus fréquemment : de 1940 à 2004, on a enregistré dans le monde plus de 335 éclosions de nouvelles maladies infectieuses — plus de 50 par décennie », rapporte la coalition.

En identifiant les parties du monde où ces éclosions sont les plus susceptibles d’émerger, la coalition avance des solutions qui « exigeront un dialogue et une action concertée des différents secteurs : santé et environnement, agriculture, commerce, alimentation et nutrition, etc. »

La « stratégie à trois volets » qu’elle propose se fonde sur : un groupe de travail scientifique et un comité de pointe sur la prévention à la source ; un fonds d’action mondial pour la prévention des pandémies ; et des campagnes de sensibilisation mondiales et locales.

Le groupe de travail — organisé par le Harvard Global Health Institute et le Harvard T. H. Chan School of Public Health Center for Climate, Health and the Global Environment, membres de la coalition, réunira des scientifiques du monde entier pour « étudier les connaissances actuelles et celles que nous devons acquérir pour prévenir la prochaine pandémie mondiale ». Il fera rapport à un comité formé de « hauts-représentants de gouvernements » pour « élaborer et recommander des politiques de prévention de la transmission et, surtout, pour promouvoir l’adoption de ces politiques à l’échelle mondiale et dans les pays les plus vulnérables.”

La coalition propose également un fonds d’action mondial destiné à coordonner les connaissances, les échanges et les actions, et à « soutenir un canal de solutions préventives existantes à préconiser tout en finançant le développement de nouvelles solutions (approches de changement comportemental efficaces, plateformes de diagnostic, programmes incitatifs, technologies et solutions informatiques). »

Enfin, elle propose des campagnes de sensibilisation mondiales et locales axées sur l’importance de la prévention et la préparation des systèmes de santé.

Pour prévenir les pandémies, nous devons reconnaître notre interconnexion avec la nature et protéger les systèmes naturels qui rendent notre planète habitable pour l’humain.

Pour prévenir les pandémies, nous devons reconnaître notre interconnexion avec la nature et protéger les systèmes naturels qui rendent notre planète habitable pour l’humain.

Amy Vittor, de la division des maladies infectieuses et de la médecine internationale de l’University of Floridaa déclaré au Guardian : « Les forêts, en particulier les forêts tropicales, abritent des réseaux complexes de microbes et leurs hôtes sauvages. La dégradation de ces territoires risque d’entraîner la propagation de ces microbes à nos animaux domestiques et à nous-mêmes. C’est pourquoi le maintien de l’intégrité des forêts ne sert pas seulement à protéger la biodiversité et à contrer les changements climatiques, mais également à contenir ces réseaux de pathogènes complexes et potentiellement dangereux. »

Il est également crucial de réduire le commerce de la faune sauvage et de réformer nos pratiques d’élevage. Tout cela passe par une reconnaissance des droits des peuples autochtones à l’échelle mondiale et l’intégration de leur savoir, acquis au fil des millénaires de vie dans un lieu.

Ces mesures sont essentielles, quel qu’en soit le coût, mais selon une étude récente, elles s’avéreraient un investissement judicieux. Alors que les dépenses mondiales pour la COVID-19 ont déjà dépassé les 20 billions $ US, un investissement de seulement 27 milliards $ par année pendant 10 ans contribuerait à réduire considérablement les risques d’une pandémie du même genre.

À l’instar des recommandations de la coalition, l’étude souligne les avantages de dépister et de contrôler rapidement la maladie, de suivre le commerce de la faune sauvage et de mettre un terme à la vente de la viande sauvage en Chine, de réduire la transmission de la maladie par le bétail et de protéger les forêts tropicales dans des régions critiques.

Les grandes crises — pandémies, catastrophes climatiques et pertes de biodiversité — trouvent toutes leur source dans notre incapacité à reconnaître notre place dans la nature. Nous pouvons et devons faire mieux.

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez