Le 31 mars, un oléoduc sous-marin qui acheminait du pétrole vers une raffinerie de Balikpapan, en Indonésie, a eu une avarie qui a entrainé le déversement de brut sur 20 000 hectares dans la baie de Balikpapan. Une partie a pris feu et tué cinq pêcheurs. Les habitants de la région ont connu des problèmes de santé : nausées, vomissements, troubles respiratoires et autres. Le milieu marin et la mangrove ont aussi été dévastés.

À la mi-janvier, un pétrolier iranien qui transportait plus de 111 300 tonnes de condensat de gaz naturel est entré en collision avec un cargo, a pris feu et a coulé dans l’est de la mer de Chine, l’une des zones de pêche les plus riches de la Chine. L’accident a provoqué la mort des 32 membres d’équipage du pétrolier et une nappe de pétrole plus grande que Paris, soit plus de 100 kilomètres carrés. Pour les scientifiques, le déversement et l’incendie, qui ont tué le phytoplancton, des mammifères marins, des poissons et des oiseaux, auront des conséquences à très long terme.

Pendant ce temps, en Amérique du Nord et ailleurs, les avaries d’oléoducs continuent de déverser du gaz et du pétrole dans la nature, de polluer l’air, l’eau et le sol, ainsi que d’affecter la faune, la flore et les collectivités humaines. Les accidents impliquant des pétroliers, des oléoducs et des plateformes de forage ont dévasté des écosystèmes et mis en danger la santé et la vie humaine dans le monde entier, du golfe du Mexique, à la côte de l’Alaska en passant par le delta du Niger.

Ces accidents sont catastrophiques, mais le sont tout autant les conséquences de la combustion de ces carburants fossiles arrivés à destination qui déversent des quantités massives de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Devant notre empressement vorace à exploiter la moindre quantité de gaz, de pétrole et de charbon avant que les conséquences des changements climatiques soient trop dévastatrices pour être passées sous silence, il faut s’attendre à une augmentation constante de la contamination délibérée et accidentelle par les combustibles fossiles.

Curieusement, nos gouvernements fédéral et provinciaux prétendent que l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux et de la construction d’oléoducs se fait non seulement dans le cadre de nos engagements climatiques nationaux et internationaux, mais qu’elle est nécessaire à leur réalisation. Le gouvernement de la Colombie-Britannique, qui défend fermement les intérêts de ma province contre le projet dépassé de l’oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan, estime par ailleurs qu’il faut intensifier la fracturation au profit de l’industrie du gaz naturel liquéfié, énergivore et émettrice de méthane.

Si les gains économiques à court terme, le nombre relativement faible d’emplois créés et les intérêts des actionnaires d’entreprises principalement étrangères sont plus importants pour l’intérêt national que la santé et la vie des humains et des écosystèmes ici et partout dans le monde, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

Si les gens, et surtout ceux qui sont en situation de pouvoir, mesuraient vraiment l’ampleur de la crise climatique, ils mettraient tout en œuvre pour y faire face et la régler. Il semble que nombre d’entre eux ne veulent même pas l’admettre. Il est plus facile de s’en tenir au statu quo en implantant des demi-mesures et en préférant la parole au geste que de faire des choix difficiles pour assurer la vitalité et la survie de notre espèce.

La plupart des discussions entre les gouvernements, dans l’industrie et les médias au sujet de l’oléoduc de l’entreprise texane Kinder Morgan ne font même pas mention des changements climatiques. On ne fait que clamer qu’il faut acheminer les ressources canadiennes sur les marchés étrangers et brandir des menaces économiques et financières à l’égard de ceux qui ne veulent pas se plier aux exigences de l’industrie et de ses complices – même si l’exploitation si rapide des ressources fait de notre planète un lieu de moins en moins hospitalier.

On peut toujours sympathiser avec le gouvernement fédéral qui fait déjà face à une certaine opposition provinciale à ses politiques climatiques, opposition qui risque de s’accentuer à l’issue des élections provinciales à venir. Le gouvernement de l’Alberta est aussi dans la position difficile de garder le pouvoir dans une province où les gens se ferment les yeux devant le réchauffement planétaire et ont une vision exagérée de l’importance relative, pourtant en déclin, de l’industrie pétrolière.

Le gouvernement fédéral fait preuve de vision à court terme lorsqu’il prétend que l’Alberta a besoin de l’oléoduc pour mener à bien son programme climatique alors que le parti qui mène dans les sondages en Alberta s’oppose aux éléments clés de ce programme.

L’offensive en faveur de l’expansion de l’exploitation des combustibles fossiles et de la construction d’infrastructures nous condamnera à dépendre d’une énergie et d’une économie non durables pendant de nombreuses années encore. Elle démontre le manque stupéfiant d’imagination et de courage de la part des personnes que nous élisons pour représenter nos intérêts.

Nos paysages naturels, notre faune, nos côtes, nos plans d’eau, notre air et notre climat sont trop importants pour être menacés par des gains à court terme. Nous devons nous unir pour lutter contre le projet d’oléoduc de Kinder Morgan. Nous avons de meilleurs outils pour créer des emplois et des débouchés économiques.

 

Traduction : Michel Lopez et Monique Joly