Usine polluante

(Crédit: Emil Athanasiou via Flickr)

En 2017, le 2 août marquait le Jour du dépassement mondial (Earth Overshoot Day). Contrairement au Jour de la Terre, ce n’est pas une journée de réjouissances. À partir de cette date, nous aurons consommé plus de ressources que la planète ne peut en produire en une année.

Cette situation de développement non durable signifie que nous puisons dans le capital biologique que nous devrions léguer à nos enfants. En fait, pour combler nos besoins annuels actuels, il nous faudrait 1,7 Terre.

Or, il n’y a aucune raison qu’il en soit ainsi. « Notre planète a ses limites, mais les capacités humaines n’en ont pas. Il serait possible de vivre selon les moyens de notre planète sur le plan technologique et bénéfique sur le plan financier, en plus de constituer notre seule chance de nous assurer un avenir prospère », affirme Mathis Wackernagel, directeur général de Global Footprint Network, un organisme international de recherche qui se fonde sur les statistiques de l’ONU et d’autres sources pour déterminer tous les ans le jour où nous dépassons nos limites. Cette date n’a jamais été aussi précoce que cette année.

(Wackernagel a étudié à l’University of British Columbia auprès de l’écologiste William Rees, avec lequel il a écrit Notre empreinte écologique, paru en 1996. Andrew Simms, de la U.K.’s New Economics Foundation, a lancé le concept du Jour du dépassement mondial en 2006, en partenariat avec le Global Footprint Network et, à partir de 2007, en collaboration avec le WWF.)

Selon le site de l’Earth Overshoot Day, la surpêche, la déforestation excessive et l’émission dans l’atmosphère de plus de dioxyde de carbone que les puits naturels comme les forêts ne peuvent en absorber, contribuent à ce dépassement des capacités de la Terre. Les conséquences sont graves. « Nous constatons déjà les effets de cette surutilisation écologique : érosion des sols, désertification, diminution de la productivité des terres, surpâturage, déforestation, extinction rapide d’espèces, effondrement de la pêche et augmentation de la concentration de carbone dans l’atmosphère, peut-on y lire. Les contraintes exercées sur le capital naturel menacent également le rendement et la stabilité économique. »

Les changements climatiques s’avèrent la conséquence la plus critique. Selon le Global Footprint Network, notre empreinte carbone représente jusqu’à 60 pour cent de notre empreinte écologique totale, un chiffre qui ne cesse de grimper. À la lumière du territoire qu’il faudrait pour emprisonner les émissions de dioxyde de carbone issues de la combustion d’énergies fossiles et de ciment, le réseau a établi que notre empreinte carbone a plus que doublé depuis 1970.

Le réseau propose également un outil de calcul de l’empreinte personnelle adapté aux appareils mobiles. Attention : si vous vivez en Amérique du Nord, votre empreinte sera vraisemblablement très supérieure à 1,7 Terre, quel que soit votre niveau de sensibilisation à l’environnement. Nous utilisons nettement plus d’énergie et d’autres ressources que dans bien d’autres régions du monde : https://www.worldwildlife.org/pages/overshoot-day

Le site propose une gamme de solutions dans quatre domaines : alimentation, urbanisme, démographie et énergie. En Amérique du Nord, il est impératif de réduire notre empreinte carbone en consommant moins d’énergie — surtout fossile — et en changeant nos habitudes alimentaires. La demande alimentaire compte pour 26 pour cent de l’empreinte mondiale. L’élevage d’animaux exige beaucoup de ressources et crée plus d’émissions que la culture de végétaux. En réduisant notre consommation de viande et de produits animaliers, nous diminuons notre empreinte. Selon des chercheurs de l’Oregon State University, si les Américains mangeaient des haricots au lieu du bœuf, les États-Unis pourraient atteindre leurs objectifs d’émissions de gaz à effet de serre de 2020, même si le pays n’en faisait guère plus et si les gens continuaient de consommer d’autres produits animaliers.

Le gaspillage alimentaire constitue un autre problème majeur. Un tiers de la nourriture produite dans le monde est gaspillée ou perdue. Le chiffre atteint 40 pour cent aux États-Unis.
La population est également un enjeu de taille. Plus de gens exigent plus d’espace et de ressources. Les stratégies pour stabiliser la croissance démographique présentent par ailleurs des avantages au niveau social. L’instruction des jeunes filles, l’accès à une planification familiale sécuritaire, abordable et efficace, ainsi que l’autonomisation des femmes sont des mesures essentielles pour réduire la croissance de la population, favoriser la prospérité économique et améliorer les soins de santé.

Les humains sont de plus en plus urbains. On s’attend à ce que 70 à 80 pour cent d’entre eux vivent dans des villes d’ici 2050. Pour réduire notre empreinte, il est crucial de nous tourner vers des constructions plus écoénergétiques, le zonage intégré, la densification des villes et des solutions efficaces pour le transport actif et collectif.
Certains critiquent le concept du Jour du dépassement mondial. Ils jugent qu’il n’est pas précis ou qu’il sous-estime la surutilisation des ressources. M. Wackernagel admet que les calculs sont tributaires des données disponibles, mais il maintient que ce concept reste un indicateur très utile pour mettre en évidence le caractère non durable de notre mode de vie.

L’exigence d’une croissance économique constante sur une planète qui a une capacité limitée à renouveler ses ressources constitue la recette parfaite du dépassement. Nous pouvons et devons réduire notre empreinte croissante sur le seul chez-nous que nous avons.

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez