(Photo: D. Creimer / Fondation David Suzuki)

Chaque crise est unique. Qu’il s’agisse d’un épisode climatique extrême, d’une guerre civile ou de l’éclosion d’une maladie, chacune crise pose des défis particuliers, souvent existentiels.

Cependant, toutes les crises ont en commun de nous forcer à redéfinir l’essentiel. Elles nous obligent à nous adapter en temps réel, à repenser notre mode de vie et à identifier les changements qui s’imposent.

On oublie souvent qu’en période de chaos, nous sommes naturellement plus résilients et solidaires que nous le pensons. J’étais à la tête de Médecins sans frontières Canada (MSF) durant l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest. Il n’y avait aucun remède, et la peur se propageait dans le monde entier. L’expérience m’a appris que la vie continue malgré tout, que les gens trouvent des façons de nourrir leur famille, de prendre soin de leurs voisins et des plus démunis et de s’unir contre le danger. J’ai été frappé de constater qu’après la crise, les Africains de l’Ouest ont conservé ces liens d’entraide, pour le plus grand bien de tous.

Face à la mort, à la peur et à l’incertitude causées par la propagation de la COVID-19, nous trouvons du réconfort dans les choses les plus élémentaires de la vie : la nourriture, la nature et les liens humains.

Face à la mort, à la peur et à l’incertitude causées par la propagation de la COVID-19, nous trouvons du réconfort dans les choses les plus élémentaires de la vie : la nourriture, la nature et les liens humains.

Il y a quelques semaines encore, la société fonctionnait essentiellement en mode individualiste. L’objectif premier de la plupart des gens était de s’occuper d’eux-mêmes et de leur famille, sans vraiment d’égards pour les autres.

Aujourd’hui, ceux et celles qui assurent les services essentiels pour le bien de tous — les employés des épiceries et des transports en commun, les intervenants de la santé qui sauvent des vies — posent des gestes de courage et d’amour qui supplantent l’intérêt personnel. Nous sommes témoins de services communautaires altruistes qui nous rappellent ce que peut être la vie dans un monde où chacun se préoccupe avant tout des autres.

Les gens trouvent aussi des façons créatives de renouer avec la nature. C’est incroyable à quel point une promenade pour prendre l’air peut faire du bien au corps et à l’esprit, et atténuer l’anxiété causée par les nouvelles du jour. Il est réconfortant de voir la vitalité qui règne sur les balcons et jardins débordants de fleurs et de fines herbes. Même en ces temps difficiles, nous constatons que les liens avec la nature sont essentiels à l’expérience humaine.

La redéfinition de nos priorités dans nos rapports humains est essentielle aussi. Les danses et apéros vidéo avec des amis perdus de vue depuis longtemps et les rendez-vous FaceTime avec la famille font fureur. Le prétexte est bien sûr de s’assurer que tout le monde va bien. Et si nous maintenions cette volonté de communiquer dans l’ère post-COVID ?

Pendant cette crise et l’après-crise qui viendra à un moment donné, j’espère que nous trouverons des moyens de réinventer notre monde. Un monde où l’interdépendance de tous les êtres vivants fera l’objet de toutes les attentions. Un monde où nous continuerons de valoriser non seulement le personnel des supermarchés, mais aussi les agriculteurs et les travailleurs saisonniers. Un monde où nous paierons le juste prix et où les travailleurs recevront un salaire équitable.

Il est encore trop tôt pour savoir comment cette pandémie pourra nous aider à reconnaître l’essentiel. Si nous voulons bien nous remettre, il est primordial d’identifier ce à quoi nous tenons vraiment et de l’intégrer dans le monde nouveau que nous allons bâtir ensemble.

Imaginez un monde dans lequel nous sommes davantage en phase avec tout ce qui assure notre existence : alimentation, logement, systèmes naturels qui nous donnent l’air, l’eau et le sol. Avec nos jardins de balcon comme point de départ, nous pouvons pousser plus loin la notion de « réensauvagement » communautaire et commencer à voir la nature comme la solution et non le problème.

Le pire de crise de la COVID-19 risque d’être à venir. Il est encore trop tôt pour savoir comment cette pandémie pourra nous aider à reconnaître l’essentiel. Si nous voulons bien nous remettre, il est primordial d’identifier ce à quoi nous tenons vraiment et de l’intégrer dans le monde nouveau que nous allons bâtir ensemble.

Comme nous l’avons vu avec la fièvre jaune, le virus Ebola et maintenant la COVID-19, si nous continuons à détruire et à occuper les dernières zones de nature sauvage, nous pourrions non seulement accélérer la crise d’extinction massive, mais aussi contribuer à engendrer d’autres zoonoses qui déstabilisent l’équilibre planétaire tout entier.

En cette période d’urgence, nous devons tous nous mobiliser et soutenir les plus touchés. Une fois remis de cette pandémie, nous devrons profiter de toutes les occasions pour favoriser la densification ainsi que les solutions locales et vertes. Cette approche nous aidera à persévérer et à mieux affronter les crises à venir.

Notre sentiment d’interdépendance et d’humanité à l’échelle planétaire doit primer par-dessus tout. C’est là notre plus grande force.

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez