Greta Thunberg au Forum économique mondial de Davos (Photo: World Economic Forum via Flickr)

En 2018, la Suède a enregistré son été le plus chaud des 260 dernières années, un été marqué par la sécheresse, les feux de forêt et des niveaux extrêmement bas dans les réservoirs d’eau. C’en était trop pour la jeune Greta Thunberg. Elle entendait les politiciens parler de changements climatiques, mais constatait qu’ils n’agissaient pas suffisamment.

Elle a donc refusé d’aller à l’école jusqu’aux élections générales, le 9 septembre. Tous les jours, elle s’assoyait à l’extérieur du Parlement de Stockholm et distribuait des feuillets sur lesquels on pouvait lire : « Je fais ceci parce que vous, les adultes, êtes en train de me voler mon avenir. »

Son geste solitaire a pris une ampleur mondiale et l’a amenée à prononcer une allocution devant les négociateurs présents au sommet des Nations Unies sur le climat qui s’est tenu en décembre à Katowice, en Pologne, et devant les délégués au Forum économique mondial qui a eu lieu en janvier à Davos, en Suisse. Elle a aussi motivé des milliers d’étudiants de Bruxelles, Melbourne, Winnipeg et d’ailleurs à sortir des classes tous les vendredis pour attirer l’attention sur la crise climatique et les moyens de la contrer.

Ces jeunes font preuve d’une plus grande sagesse que les adultes élus pour défendre nos intérêts.

Des jeunes ont également engagé plusieurs poursuites en lien avec le climat aux États-Unis, au Canada, en Belgique, en Norvège, en Inde, en Colombie et ailleurs. Toutefois, vu la lenteur de la justice, les jeunes pourraient être des adultes et la planète à demi dévastée avant que les causes ne soient tranchées. Une poursuite intentée par 21 jeunes Américains en 2015 attend toujours d’être entendue par le tribunal. Les plaignants invoquent que le gouvernement, en favorisant les énergies fossiles en dépit de leurs conséquences climatiques avérées, viole « les droits constitutionnels des jeunes générations à la vie, à la liberté et à la propriété ». Soulignons que les tentatives du gouvernement pour faire rejeter la plainte ont échoué.

Ces jeunes font preuve d’une plus grande sagesse que les adultes élus pour défendre nos intérêts. Ils ont aussi plus à perdre. Alors que les gouvernements soutiennent l’industrie des carburants fossiles à coups de subventions, d’incitatifs et de propagande dans un objectif de profits à court terme, les jeunes s’interrogent sur le monde que leur légueront leurs aînés sans vision. Comme la plupart d’entre eux n’ont pas l’âge de voter, ils n’ont d’autres avenues que de protester et de poursuivre en justice pour attirer l’attention des politiciens et autres.

Greta Thunberg a une excellente réponse à ceux qui les accusent, elle et les autres jeunes, d’être simplistes : « Vous dites que rien n’est blanc ou noir dans la vie, a-t-elle lancé aux riches élites réunies à Davos. C’est un mensonge. Un dangereux mensonge. Ou nous réussissons à limiter le réchauffement à 1,5 oC ou nous ne réussissons pas. Ou nous parvenons à éviter une réaction en chaîne irréversible que l’humain ne pourra pas maîtriser ou nous n’y parvenons pas. Ou nous choisissons de préserver notre civilisation ou nous ne le faisons pas. C’est noir ou blanc. Il n’y a pas de zone grise lorsqu’il est question de survie. »

En matière de mesures et de politiques climatiques, la Suède est en avance sur la majeure partie du monde. Mais, comme le sait si bien Greta Thunberg, il n’est pas question ici des avancées de son pays, mais plutôt de l’incapacité du monde à s’attaquer à la crise avec l’urgence qu’elle exige.

Ces jeunes font preuve d’une plus grande sagesse que les adultes élus pour défendre nos intérêts. Ils ont aussi plus à perdre.

Certains disent que nous devrions plutôt être en classe. Mais, à quoi ça sert d’étudier pour un avenir qui n’existera bientôt plus ? Surtout lorsque personne ne fait quoi que ce soit pour sauver cet avenir ?

-Greta Thunberg

Autant j’admire ces jeunes, autant je suis triste de voir où nous en sommes. Les enfants ne devraient pas avoir à passer leur temps au tribunal ou dans des manifestations. Ils devraient pouvoir s’épanouir, profiter du plein air, jouer, passer du temps entre amis et en famille, étudier et même tisser des liens dans les médias sociaux.

« J’aurais préféré ne pas être ici aujourd’hui, a déclaré au Guardian une jeune fille de 11 ans, Lucie Atkin-Bolton, lors d’une manifestation qui s’est déroulée à Sydney, en Australie. Je suis capitaine de mon école primaire. On nous a appris ce que cela signifiait d’être un leader. On doit penser aux autres. »

Elle affirme que les politiciens l’ont laissée tomber. Comme pour lui donner raison, le ministre des Ressources Matt Canavan, a sermonné les étudiants protestataires du pays, en affirmant qu’ils devraient plutôt être en train d’étudier les mines et les sciences. « La seule chose que vous apprendrez durant une manifestation, c’est à grossir les rangs des chômeurs », a-t-il déclaré.

À cela, Greta Thunberg réplique : « Certains disent que nous devrions plutôt être en classe. Mais, à quoi ça sert d’étudier pour un avenir qui n’existera bientôt plus ? Surtout lorsque personne ne fait quoi que ce soit pour sauver cet avenir ? »

Trop d’adultes font preuve d’indifférence, refusant même l’idée de faire des sacrifices pour leurs enfants et petits-enfants. Et cela, même si bon nombre des changements nécessaires pour contrôler les émissions et les changements climatiques s’avéreraient bénéfiques : alimentation plus saine, réduction de la pollution, croissance de l’emploi et avantages économiques liés aux énergies propres.

Il est temps de tenir compte des jeunes du monde entier, ou du moins de leur laisser le champ libre.

 

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez