Modifier l’environnement pour répondre à nos besoins n’est pas un concept nouveau. Du défrichage à la construction de barrages, cela fait des années et des années que nous le faisons. Lorsque nos technologies et populations étaient plus limitées, nos actes affectaient des zones plus réduites — avec toutefois des effets en cascade sur les écosystèmes interconnectés.
Nous vivons actuellement dans une ère où les humains représentent une force géologique. Selon le site Welcome to the Anthropocene, « Nous sommes désormais tellement nombreux à utiliser tellement de ressources que nous perturbons les grands cycles de biologie, chimie et géologie qui permettent notamment la circulation du carbone et de l’azote entre la terre, la mer et l’atmosphère. Nous sommes en train de modifier la manière dont l’eau circule autour de notre planète comme jamais il ne l’a été fait auparavant. Presque tous les écosystèmes de la Terre portent les marques de notre présence. »
L’un de nos plus gros impacts est le réchauffement climatique, qui est nourri par une augmentation importante du dioxyde de carbone dans l’atmosphère issu de la combustion de pétrole, charbon et gaz. Grâce notamment aux industrialistes en faveur de l’autopréservation, aux gouvernements complices et aux personnes niant l’évidence, nous n’avons pas réussi à prendre de mesures concrètes pour résoudre le problème, bien que nous en soyons conscients depuis des décennies. Bon nombre de personnes pensent désormais que le meilleur moyen de protéger l’humanité contre les pires effets est de modifier encore davantage les systèmes naturels de la Terre avec la géo-ingénierie.
La géo-ingénierie appliquée à la lutte contre les changements climatiques reste dans une large mesure à être prouvée. Mais comme nous n’avons rien fait pendant trop longtemps pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et que ceci ne suffit pas, nous allons peut-être être amenés à la prendre en considération. Qu’est-ce que cela signifie?
Dans le cadre des changements climatiques, la géo-ingénierie se divise en deux catégories: la gestion des rayonnements solaires et la suppression du dioxyde de carbone. La première catégorie consiste à refléter les rayonnements solaires dans l’espace et la seconde à capturer le dioxyde de carbone et à le stocker.
La gestion des rayonnements solaires comprend divers scénarios tels que la diffusion de particules de souffre dans l’atmosphère pour disperser la lumière et réduire les rayonnements, la création ou le blanchiment de nuages en diffusant de l’eau de mer ou d’autres matériaux dans l’air, ou bien encore l’installation de réflecteurs géants dans l’espace. Ces méthodes n’ont aucun effet sur les niveaux de CO2 et ne résolvent pas les problèmes tels que l’acidification des océans, mais elles pourraient aider à réduire rapidement le réchauffement.
La fertilisation des océans avec du fer est un exemple de suppression du carbone. Le fer stimule le développement de petites algues appelées phytoplancton, qui suppriment le dioxyde de carbone et libèrent de l’oxygène au cours de la photosynthèse. Cela permet également aux océans d’absorber davantage de CO2 présent dans l’atmosphère. Lorsque le plancton meurt et sombre au fond de l’océan, il se retrouve enterré sous d’autres matériaux, stockant le carbone avec lui.
Le gouvernement de l’Alberta et le gouvernement fédéral ont dépensé des milliards dans une méthode de réduction du carbone très prisée, le captage-stockage du carbone — qui consiste à capturer le CO2 dégagé par la combustion d’énergies fossiles et à le pomper dans le sol -, mais cette méthode demande encore à être perfectionnée.
De nombreux projets sont controversés et n’ont démontré que des résultats mitigés lors de tests. Le danger lié à des conséquences imprévues est bel et bien réel et comprendrait même des dommages encore plus catastrophiques et irréversibles sur le système climatique.
La géo-ingénierie est cependant liée à une fausse idée selon laquelle elle pourrait se substituer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui sont à l’origine des changements climatiques. Le fait que de nombreux projets de géo-ingénierie comportent des risques et qu’ils ne résoudraient pas le problème aussi rapidement et aussi efficacement qu’on pourrait le croire — et qu’ils ne feraient peu ou rien pour résoudre d’autres problèmes liés aux combustibles fossiles tels que la pollution — est un sujet de préoccupation important.
Autre sujet de réflexion à prendre en considération : qui décidera où, quand et quelle méthode utiliser? Le problème de la géo-ingénierie dévoyée a déjà fait son apparition dans mon coin de pays lorsqu’un homme d’affaires américain travaillant avec le village d’Old Masset (Haida, C-B) a déversé, en 2012, 100 tonnes de sulphate de fer dans l’océan dans le cadre d’un projet de rétablissement de la population du saumon et de réduction du carbone.
Selon une étude réalisée par la Royal Society au Royaume-Uni, la géo-ingénierie « devrait faire partie d’un ensemble d’options visant à lutter contre les changements climatiques plus vaste » et il serait préférable de choisir les méthodes de réduction du dioxyde de carbone au lieu de la gestion des rayonnements solaires qui est moins prévisible.
Des scientifiques du centre de recherche berlinois Berlin Social Science Research Centre proposent la création d’une nouvelle agence internationale sur l’ingénierie du climat dont l’objectif serait de coordonner les efforts des pays et de gérer le financement pour la recherche. C’est une bonne idée d’autant plus qu’un certain degré de géo-ingénierie sera sûrement requis. Cependant, au lieu de rationaliser notre utilisation continue de combustibles fossiles avec le faux espoir que la technologie nous permettra de continuer à poursuivre nos méthodes destructives, il nous faut des gouvernements, des scientifiques et une industrie qui aborderont les changements climatiques et les émissions de gaz à effet de serre avec sérieux. Nous ne pouvons pas nous contenter de l’ingénierie pour nous en sortir.