Un combustible fossile peut-il nous aider à éviter les effets nocifs sur la santé des autres combustibles fossiles? C’est une question qui a été soulevée récemment alors que le gaz naturel est vu comme une alternative plus propre au pétrole et au charbon.
La combustion du charbon et du pétrole engendre la pollution et émet des gaz à effet de serre qui entraînent les changements climatiques. L’exploration et le forage pour le pétrole ainsi que le charbon s’accompagnent également de nombreux impacts environnementaux — surtout à cause de la facilité avec laquelle le pétrole accessible s’épuise et parce que nous devons nous appuyer sur le forage en eau profonde et sur les sables bitumineux. Le gaz naturel brûle plus proprement que le pétrole et le charbon, et il émet moins de dioxyde de carbone pour la quantité d’énergie qu’il produit. Ceci a conduit l’industrie et les gouvernements à argumenter en faveur d’une augmentation de la production de gaz naturel.
Le Canada est le troisième plus grand producteur de gaz naturel, après la Russie et les États-Unis. Quoique la production globale soit en déclin ici, de nouvelles sources et méthodes pour exploiter des réserves de gaz naturel «peu conventionnelles», telles que le gaz de schiste, ont conduit les responsables de l’industrie et du gouvernement à soutenir que ce gaz pourrait jouer un rôle de combustible «relais». Il pourrait ainsi donner un coup de fouet dans les réductions à court terme des émissions de gaz à effet de serre responsables des changements climatiques.
Ce n’est toutefois pas aussi simple, surtout lorsque l’on tient compte des impacts du gaz naturel peu conventionnel, de même que les méthodes d’extraction telles que la fracturation hydraulique. Un rapport de la Fondation David Suzuki et de l’Institut Pembina, Le gaz naturel est-il une bonne solution pour contrer le changement climatique au Canada? , examine les enjeux clés entourant le gaz naturel et parvient à des conclusions surprenantes.
L’extraction de gaz de dépôts de schiste, par exemple, requiert jusqu’à cent fois le nombre de plateformes d’exploitation requises pour obtenir la même quantité de gaz provenant de sources conventionnelles. Imaginez les perturbations dans les régions de fermes et de chalets pour une plateforme d’exploitation (comprenant plusieurs puits) environ tous les 2,5 km2. Chaque plateforme d’exploitation occupe une zone d’environ un hectare, et nécessite également des routes d’accès et des infrastructures pour les lignes de ravitaillement.
La méthode connue sous le nom de fracturation hydraulique a également beaucoup fait les manchettes. La fracturation est utilisée pour extraire le gaz depuis la fin des années 1940, même si les producteurs n’ont commencé à la combiner avec le forage horizontal, pour exploiter les ressources de gaz non conventionnelles, que depuis une dizaine d’années. Dans ce processus, de l’eau, du sable et des produits chimiques sont pompés à haute pression dans des formations rocheuses enfouies profondément dans le sol afin de fracturer la roche, permettant ainsi au gaz de s’échapper et de circuler dans les puits.
La fracturation exige des quantités énormes d’eau et utilise des produits chimiques pouvant être toxiques. Au Canada et dans certaines parties des États-Unis, les entreprises ne sont pas tenues de divulguer les produits chimiques qu’elles utilisent pour la fracturation. Le processus peut également libérer du méthane, un gaz à effet de serre plus puissant que le dioxyde de carbone, dans l’air.
Les impacts non environnementaux de l’extraction de gaz sont suffisants pour prendre le temps de réfléchir. Par surcroît, l’étude sur le gaz naturel conclut également que ce n’est pas une bonne manière de lutter contre les changements climatiques.
Pour commencer, même si elle est plus propre que le pétrole et le charbon, la combustion du gaz naturel produit tout de même des émissions de gaz à effet de serre, tout comme l’activité industrielle nécessaire à son extraction du sol. Des investissements plus importants dans le gaz naturel peuvent également ralentir les investissements dans l’énergie renouvelable. Les propriétaires de centrales au gaz bâties dans les prochaines années cesseraient-ils de plein gré de les opérer — ou accepteraient-ils les coûts associés à la capture et l’entreposage des émissions de carbone -, alors que l’offensive en faveur de la diminution des gaz à effet de serre augmente?
La vraie solution aux changements climatiques incombe à la protection et à l’énergie renouvelable, telle que les énergies solaire, éolienne, marémotrice et géothermique.
Cependant, parce que le gaz naturel sera des nôtres à court terme, nous devons faire tout ce que nous pouvons afin d’assainir les pratiques qui lui sont également associées. Le rapport recommande d’exiger de l’industrie qu’elle divulgue les produits chimiques utilisés dans la fracturation et demande une meilleure réglementation et une meilleure surveillance. En ce moment, le gaz naturel est exempté des processus de contrôle environnementaux normaux des provinces. Il est clair que cela doit changer.
Il est également temps que notre gouvernement fédéral prenne au sérieux les changements climatiques et qu’il développe des moyens réalistes pour réduire les émissions. Cela comprend la mise en place d’un prix global sur les émissions de gaz à effet de serre, soit par plafonnement et échange, par des taxes sur le carbone, ou les deux, et englobant le plus de sources possibles. Même si le tarif des émissions pourrait initialement provoquer une utilisation supplémentaire de gaz dans certaines parties de l’économie, les modèles montrent que cela sera compensé par d’autres changements comme l’efficacité énergétique.
Les changements climatiques constituent un problème réel. Se débarrasser des combustibles fossiles est la meilleure solution.