Sortie en nature avec son enfant

Petite marche à Pageau, Abitibi-Temiscamingue, Québec, Canada. (Crédit: MMarsolais via Flickr)

Alors que nos enfants et petits-enfants retournent à l’école pour une nouvelle année, penchons-nous un instant sur l’importante question de ce que nous leur enseignons, mais surtout de comment nous leur enseignons. Notre monde fait face à des défis inouïs, et ce sont fort probablement les jeunes d’aujourd’hui qui devront trouver les solutions à ces défis.

Dès lors, ne devrions-nous pas leur fournir des outils leur permettant de penser par eux-mêmes plutôt que de leur bourrer le crâne de données et de chiffres afin de pouvoir évaluer leur progrès par le biais de tests standardisés?

En 1956, alors que j’étais encore à l’université, Rachel Carson, une biologiste, auteure et écologiste, a eu une influence majeure sur ma façon de penser avec un article intitulé Help Your Child to Wonder («Aidez votre enfant à s’émerveiller») paru dans le magazine Woman’s Home Companion, article qu’elle étoffera plus tard pour en faire un livre, intitulé The Sense of Wonder. Dans cet article, elle écrivait «il est plus important de donner à l’enfant le désir d’apprendre que de le soumettre à une diète de faits qu’il n’est pas encore prêt à assimiler.»

Je crois, comme Mme Carson, que les humains ne sont qu’un aspect de la nature, mais que ce qui nous distingue est notre capacité à modifier les systèmes naturels. Malheureusement, nous altérons le plus souvent de manière négative ces systèmes naturels parce que nous ne possédons pas une bonne compréhension, ni une juste appréciation, de la nature. Selon Mme Carson, apprendre aux jeunes à s’émerveiller au sujet de notre Terre et de ses mystères leur enseignera à prendre soin de la nature et de l’environnement. Qui plus est, elle croit que cela leur permettra également de vivre une vie bien remplie.

«Du scientifique à monsieur Tout-le-monde, ceux qui s’attardent aux beautés et aux mystères de la Terre ne se sentent jamais seuls, pas plus qu’ils ni ne se sentent fatigués de vivre», écrivait-elle dans cet article.

Des gens comblés dans un monde en santé, quel idéal! Mais comment y arrive-t-on? Selon Mme Carson, il suffit simplement de permettre aux enfants d’explorer la nature qui les entoure. Mieux: ce faisant, les faits et chiffres qu’ils apprendront par la suite auront acquis une nouvelle pertinence. «Si les faits sont les graines qui deviendront plus tard le savoir et la sagesse, alors les émotions et les impressions sensorielles sont le terreau fertile dans lequel ces graines doivent être plantées», écrivait Mme Carson.

Mais dans cette ère de jeux vidéos et de messagerie texte, de tests standardisés et de déclin des budgets alloués à l’éducation, les enfants passent de moins en moins de temps dehors. Bien entendu, il incombe aux parents de faire prendre l’air à leurs enfants, mais nos professeurs et nos écoles ont aussi un rôle à jouer.

Comment pouvons-nous espérer que nos enfants se réalisent et soient en santé si nous omettons de leur enseigner ou de les inspirer à découvrir leur place dans le monde naturel qui nous entoure. Bien entendu, nous pouvons ajouter les sciences naturelles au curriculum et les enseigner à partir de livres et d’ordinateurs, au même titre que la lecture, l’écriture et l’arithmétique, mais tous les enfants retiennent mieux l’information apprise par expérience directe. De plus, de récentes études scientifiques ont démontré que l’être humain a des affinités innées avec la nature et que de passer du temps dans la nature a des effets psychologiques immensément bénéfiques.

En fait, plus nous transporterons nos classes d’enseignement à l’extérieur, plus nous aiderons nos jeunes à mieux apprécier la nature et la planète qui nous fait vivre, mais nous les aiderons également dans leurs autres apprentissages. Des études ont démontré que le fait de passer du temps dans la nature augmente la mémoire et la remémoration, la capacité à résoudre des problèmes ainsi que la créativité. Les enfants (et les adultes) qui passent plus de temps à l’extérieur sont également en meilleure santé physique.

Les possibilités sont sans fin. Imaginez combien plus intéressantes les mathématiques deviendraient pour les enfants si on les rendaient moins abstraites en les reliant à des phénomènes naturels, comme par exemple mesurer la hauteur d’un arbre. La lecture de l’œuvre de quelqu’un comme Rachel Carson vous fait également réaliser à quel point la nature peut devenir une source d’inspiration pour toutes les formes d’écriture, de la poésie à l’analyse scientifique. Quant à des matières comme la biologie et la géographie, il est évident qu’elles gagneraient à être enseignées dehors. Je ne dis pas que nous devrions transporter à l’extérieur tous les enseignements scolaires, simplement que nous devrions faire un effort pour accroître le temps que nous accordons à l’enseignement dans un environnement naturel.

L’enseignement d’un sens de l’émerveillement et du bonheur face à la nature dès le plus jeune âge permet de s’assurer que la «biophilie» (une affinité et de l’amour pour la nature) devienne un trait dominant dans notre population, plutôt que ce soit la «biophobie» (la crainte ou l’inconfort face à la nature) qui prenne le dessus. Vu la détérioration de notre environnement naturel, il s’agit là d’un argument convaincant pour sortir nos classes à l’extérieur.