«Tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres.» Ainsi parlait Napoléon, le cochon du célèbre livre de George Orwell, La ferme des animaux. Napoléon aurait très bien pu faire allusion ainsi aux différences entre les crevettes d’élevage et les crevettes sauvages.
Comme la plupart des pratiques d’élevage, les méthodes traditionnelles d’aquaculture de crevettes ont été développées il y a plusieurs siècles. Les premiers élevages de crevettes bénéficiaient d’un écosystème équilibré, dans lequel une petite quantité de crevettes cohabitaient en harmonie avec d’autres espèces marines. Ce type d’élevage pouvait produire environ 200 kg de crevettes par acre dans les bonnes années. De nos jours, la demande élevée pour les crevettes a entraîné la conversion de rizières, d’étangs d’eau saumâtre et d’étangs à poissons en fermes industrielles d’élevage de crevettes. Selon un rapport du groupe américain de défense de l’intérêt public Food & Water Watch, la production industrielle de crevettes s’élève actuellement à plus de 40 000 kg par acre, ce qui signifie 200 fois plus de crevettes par acre que la production des petites fermes traditionnelles. Cependant, comme pour de nombreux autres produits d’élevage, cette nourriture bon marché s’avère très coûteuse pour notre santé et pour l’environnement.
La plupart des producteurs industriels de crevettes utilisent de grandes quantités d’antibiotiques et de pesticides pour diminuer les maladies et éliminer les parasites dans les piscines de crevettes surpeuplées. En Amérique du Nord, la loi interdit le recours aux antibiotiques pour contrôler les maladies, mais tel n’est pas le cas dans tous les pays. La majorité des crevettes retrouvées dans les restaurants et les épiceries sont produites de façon industrielle par des fournisseurs étrangers. Il est très rare que nous sachions d’où proviennent les crevettes que nous mangeons. La conséquence est que le cocktail de crevettes dans votre assiette est susceptible de dissimuler tout un cocktail de produits chimiques.
Au cours des 10 dernières années, plusieurs cas de salmonellose ont été reliés à des salmonelles résistantes aux antibiotiques dans des crevettes d’élevage en provenance de l’Asie. Par conséquent, la Thaïlande a banni l’utilisation d’antibiotiques dangereux dans les aquacultures. Est-ce que les crevettes importées sont moins toxiques pour autant? Une enquête conduite par des étudiants de l’école de journalisme de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC’s Graduate School of Journalism) a démontré que récemment, en octobre 2010, des cargaisons de crevettes provenant de la Thaïlande ont été refusées aux douanes canadiennes car elles contenaient du nitrofurane, un antibiotique dont les propriétés carcinogènes ont été démontrées par des études sur les animaux. L’enquête souligne que les ressources de L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) ne lui permettent d’inspecter qu’environ 5% des crevettes importées.
Cependant, il y a de l’espoir pour les amateurs de crevettes. Selon le guide des 10 meilleurs choix de produits de la mer de David Suzuki, les crevettes tachetées sauvages capturées à l’aide de casiers dans les eaux canadiennes du Pacifique font partie des bons choix. Cette méthode de pêche a un impact minime sur l’habitat aquatique et permet de réduire au maximum la capture accidentelle d’autres espèces, comme il arrive souvent lorsque des filets de pêche sont utilisés. Parce qu’elles sont capturées à l’état sauvage, les crevettes tachetées ont peu de chance d’être contaminées par des antibiotiques. Et parce qu’elles sont au bas de la chaîne alimentaire, elles contiennent peu, sinon pas du tout de mercure, ce qui les rend sécuritaires même pour les femmes enceintes, qui peuvent en consommer sans danger de deux à trois fois par semaine.
Et le cholestérol dans tout ça?
Bien avant de s’inquiéter des possibles toxines environnementales dans les crevettes, les gens se préoccupaient de la haute teneur en cholestérol de certains fruits de mer. Le cholestérol, un lipide produit par le foie, remplit d’importantes fonctions cellulaires et constitue un élément clé de la synthèse des stéroïdes dont notre corps a besoin, telles la testostérone et la vitamine D, ce qui le rend indispensable à toute vie animale. Mais lorsqu’un excès de cholestérol s’accumule dans les vaisseaux sanguins au fil des ans, un apport sanguin diminué vers certains organes vitaux tels le cœur et le cerveau peut faire augmenter le risque d’infarctus ou d’accidents vasculaires cérébraux.
Alors qu’une diète riche en cholestérol avait tout d’abord été ciblée comme un important facteur de risque, il est clair aujourd’hui que les niveaux de cholestérol sanguin sont plus affectés par la quantité et le type de gras que nous consommons, et plus spécifiquement les gras trans et saturés, que par la quantité de cholestérol que nous ingérons.
Une saine alimentation n’exclut pas de manger certains aliments contenant du cholestérol. Dans ce contexte, les crevettes pêchées à l’aide de casiers, avec leur faible taux de gras, leur haute teneur en protéines et leur goût délicieux s’avèrent un excellent choix, convenant parfaitement à un régime équilibré. Rappelez-vous, la modération est toujours la clé, alors au lieu de vous servir une autre portion de crevettes, reprenez plutôt des légumes. Votre santé et nos océans vous en seront reconnaissants!
Lori Petryk anime la chronique hebdomadaire sur la nutrition et l’alimentation durable « Good for You, Good for Our Earth », sur les ondes de SHAW-TV. Voir www.goodforyouandearth.com. Dr. David Hadley est un spécialiste en médecine d’urgence de Calgary, en Alberta.