De tous les articles en plastique que nous utilisons sans même y penser, le plus inutile est sans contredit la paille. Jetée après une seule utilisation, la paille ne sert qu’à éviter que votre bouche ne touche le verre ou la glace. À l’époque où la contamination des contenants constituait un problème, l’usage de la paille pouvait se comprendre.
Aujourd’hui, on assiste à un mouvement pour inciter les gens et les entreprises à abandonner la paille. Pourquoi en faire tout un plat ? Uniquement aux États-Unis, il se jette tous les jours 500 millions de pailles en plastique, soit plus de 180 milliards par année. Tous les jours, ce sont 1,4 million kilogrammes de plastique qui se retrouve dans les sites d’enfouissement et dans les océans!
La paille a une longue histoire et n’a pas toujours constitué un problème aussi important. À l’origine, elle était faite de paille justement ou d’autres plantes similaires. En 1880, Marvin Stone, un résident de Washington, n’aimait pas le résidu que laissait la tige de seigle dans son verre de sirop à la menthe. Il a donc enroulé une feuille de papier autour d’un crayon, a retiré le crayon et a collé le papier. La paille était née! En 1888, Stone a breveté une version faite de papier manille recouvert de paraffine.
Quarante ans plus tard, Joseph B. Friedman a constaté que sa fille avait de la difficulté à boire avec une paille droite. Il a inséré une vis dans une paille, a entouré les stries de soie dentaire et a retiré la vis. Il venait d’inventer la paille flexible ou « pliable », qu’il a fait breveter en 1937.
La popularité fulgurante du plastique dans les années 1960 et 1970 a sonné le glas de la paille en papier. Après cela, les innovations en matière de paille ont été motivées autant par le marketing que l’usage, avec les pailles torsadées multicolores et les larges pailles-cuillers adaptées à la «slush».
La paille en plastique est maintenant partout. Si vous commandez une boisson pour emporter, un café froid, un cocktail ou un verre d’eau, vous aurez probablement droit à une paille, à moins de la refuser. Ce que vous devriez faire. Comme l’a souligné un article de Treehugger, la paille en plastique n’est pas biodégradable, elle se recycle difficilement, dégage des produits chimiques toxiques dans le sol et peut se retrouver dans les océans. Elle est souvent incinérée, ce qui émet des toxines dans l’air.
De nombreuses campagnes ont été menées pour inciter les gens à délaisser la paille, ou du moins à se tourner vers des versions moins dommageables pour l’environnement. Certains restaurants ont cessé de systématiquement servir les boissons avec une paille, d’autres utilisent des pailles compostables, mais la plupart proposent encore des pailles en plastique. La multinationale de spiritueux Bacardi s’est associée à la Surfrider Foundation pour lancer un mouvement «sans paille» dans le cadre du programme pour un avenir durable Spirited: Building a Sustainable Future. Surfrider, qui a mené des campagnes contre les sacs en plastique, les mégots de cigarette et autres menaces pour les océans, a lancé la campagne « Straws Suck » qui encourage les entreprises à se débarrasser de la paille. Les bars, restaurants et magasins peuvent ainsi économiser de l’argent et réduire les impacts environnementaux.
Comme solutions de rechange, plusieurs entreprises vendent des pailles réutilisables et biodégradables, en verre, en métal, en bambou, en paille ou en papier. Certaines s’accompagnent d’une brosse nettoyante. Une entreprise fabrique même des pailles en pâtes, que l’on peut cuisiner plus tard!
Selon le groupe anti-pailles The Last Plastic Straw, de 80 à 90 pour cent des déchets maritimes se composent de plastique ; 80 pour cent d’entre eux proviennent d’articles de plastique jetés sur terre. Les chercheurs estiment que huit millions de tonnes de déchets de plastique sont déversées dans les océans tous les ans. Les pailles en plastique figurent parmi les dix articles les plus ramassés lors des corvées de nettoyage des plages : on en compte des milliers par année. Les mégots de cigarette arrivent en tête de ce palmarès, où l’on retrouve aussi des bouteilles et des capsules en plastique, des emballages alimentaires et des sacs d’épicerie.
L’abandon de la paille en plastique ne sauvera pas les océans ni le monde. Mais, comme nous l’avons constaté pour les sacs en plastique et le tabagisme dans les lieux publics, les gens conscientisés adoptent de nouvelles habitudes, contribuent à faire évoluer les mentalités et favorisent des changements sociétaux plus importants. Siroter sans paille, ce n’est pas la mer à boire et cela permet de réduire considérablement la quantité de plastique que nous produisons et gaspillons. Vous pouvez aussi poser d’autres gestes : délaissez les bouteilles jetables, les sacs d’épicerie en plastique et autres articles de plastique inutiles, et incitez les entreprises à offrir des solutions de rechange.
Traduction : Monique Joly et Michel Lopez