Imaginer et bâtir un monde meilleur peut s’avérer extrêmement gratifiant. En nous serrant les coudes, nous pouvons reprogrammer le statu quo pour que l’entraide devienne la norme. (Photo : Fondation David Suzuki via Flickr)

Les crises climatiques et écologiques nous affectent tous à des degrés divers. Certains souffrent d’anxiété face au monde affaibli et instable que nous léguons à nos enfants, tandis que d’autres sont directement touchés par les catastrophes causées par le climat comme les tempêtes, les feux de forêt, les sécheresses et les changements dans la faune.

Nous réagissons aussi différemment face à ces crises. Nous connaissons tous les réactions les plus courantes : lutter, fuir, figer sur place. Mais, selon la climatologue et militante Susanne Moser, il y en a une quatrième, celle qui nous a précisément aidés à survivre : la création de liens de coopération. « C’est ce qui nous a amenés en tant qu’espèce à reconnaître qu’il est plus avantageux de travailler ensemble que chacun pour soi. C’est la nature même de la biologie. C’est dans l’histoire génétique de notre espèce. Nous sommes là parce que nous avons coopéré. Cela fait partie de nous. »

Dans son livre La stratégie du choc, Naomi Klein démontre que le capitalisme est toujours prêt à profiter de la déstabilisation engendrée par les catastrophes. D’un autre côté, une nouvelle expression est apparue pour reconnaître la capacité des humains à coopérer face à l’adversité — « le disaster collectivism » (collectivisme face aux catastrophes) — décrite par l’écrivaine Rebecca Solnit comme « la pulsion d’immersion dans le moment présent et de solidarité engendrée par une rupture avec le quotidien, une émotion plus intense que le bonheur, profondément positive. »

Ce terme désigne les expressions de compassion, d’altruisme et de recherche de solutions qui se manifestent lorsque des collectivités sont frappées par une catastrophe climatique. Les bulletins de nouvelles regorgent de témoignages de voisins et d’étrangers qui arrivent à la rescousse pour partager de la nourriture, sauver des animaux de compagnie, retrouver des proches et aider à reconstruire ce qui a été perdu.

Un stress aigu peut en fait susciter un comportement plus coopératif et amical.

Bien que ce terme de collectivisme face aux catastrophes ait été inventé dans le contexte de l’augmentation vertigineuse des catastrophes naturelles liées au climat, le phénomène du potentiel de réaction positive au stress a été documenté par les scientifiques. Un article paru en 2012 dans le Scientific American, « How the Stress of Disaster Brings People Together » (Comment le stress des catastrophes rapproche les gens), fait état d’études qui ont illustré « qu’un stress aigu peut en fait susciter un comportement plus coopératif et amical. »

Margaret Klein Salamon, directrice fondatrice de l’organisme américain The Climate Mobilization, soutient que la société doit se mettre en « mode d’urgence », un mode qui pousse les gens et les groupes à fonctionner de manière optimale pendant une crise existentielle ou morale et à réaliser ainsi souvent de grandes choses grâce à leurs efforts concertés. »

Les crises climatiques et écologiques se manifestent par la destruction d’habitations et de moyens de subsistance lors d’inondations, d’ouragans et de tornades, par le déclin d’espèces animales et par la disparition de vastes étendues de forêts ravagées par des feux de forêt plus fréquents. Elles sont aussi les symptômes de notre incapacité à assumer nos responsabilités et à poser les gestes nécessaires pour permettre à notre planète de continuer à nous garantir des écosystèmes stables et propices à la vie. Il s’agit d’une crise à laquelle nous sommes tous confrontés, que nous avons créée et à laquelle nous devons réagir.

Bien que nous considérions parfois notre économie comme un absolu, comme une réalité extérieure à nous, c’est nous qui l’avons créée, et c’est nous qui pouvons la redéfinir si nous reconnaissons les dommages planétaires qu’elle engendre.

Les systèmes que nous utilisons pour structurer notre approche de l’extraction des ressources doivent être repensés. Bien que nous considérions parfois notre économie comme un absolu, comme une réalité extérieure à nous, c’est nous qui l’avons créée, et c’est nous qui pouvons la redéfinir si nous reconnaissons les dommages planétaires qu’elle engendre.

Idéalement, les fissures dans le mur qui a permis le statu quo économique nous donnent l’occasion de nous réunir, équipés d’outils pour rectifier, réparer et reconstruire. Certaines des réparations se feront grâce à la technologie, comme de meilleurs moyens de rendre les sources d’énergie renouvelables accessibles et abordables partout. Toutefois, ce dont nous avons surtout besoin, c’est d’une nouvelle vision qui définit des balises pour mieux gérer le rythme et l’envergure de notre pillage effréné des ressources de la planète.

Comme le souligne Rebecca Solnit, imaginer et bâtir un monde meilleur peut s’avérer extrêmement gratifiant. En nous serrant les coudes, nous pouvons reprogrammer le statu quo pour que l’entraide devienne la norme.

Comme le fait remarquer Barry Lopez dans son livre Horizon, « Il ne s’agit plus de se demander comment exploiter le monde naturel pour le confort et le bénéfice des humains, mais comment coopérer pour s’assurer qu’un jour nous y trouvions notre juste place, au lieu de chercher à le dominer. » Le changement n’est pas chose facile, mais lorsque des gens s’unissent pour le bien de l’humanité et de la planète, ils peuvent accomplir de grandes choses.

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez