Des sacs en plastiques dans la nature

(Crédit : Nom & Malc via Flickr)

Une certaine chroniqueuse aurait affirmé dans un journal canadien que l’acte de bannir les sacs en plastique ne ferait « précisément rien » pour sauver la planète. Elle aurait également prétendu qu’ils sont écologiques. D’interdire carrément l’usage des sacs en plastique n’est pas forcément la meilleure solution, pourtant ces sacs nous présentent un sérieux problème et l’enjeu mérite notre attention. La chroniqueuse se serait plutôt penchée à faire valoir une perspective contrariante comme une fin en soi — prendre acte des dommages que cause ce produit à l’environnement semble lui avoir échappé.

Les sacs en plastique sont nuisibles et, en majeure partie, inutiles. Nous, les gens d’un certain âge, nous rappelons que ces sacs en plastique n’existaient pas il y a quelques dizaines d’années. Certes, ils sont commodes, mais est-ce la raison pour laquelle nous endommageons l’environnement et mettons à risque la vie qui en dépend?

Une étude issue de l’université de la Colombie-Britannique affirme que 93 pour cent des fulmars boréaux échoués (oiseaux marins migrateurs de la même famille que l’albatros) avait les intestins remplis de plastique. Or, ce volume s’est accru depuis la dernière fois que l’on en avait fait la vérification en 1980. La chercheuse principale de l’étude Stephanie Avery-Gomm aurait expliqué au journal The Globe and Mail qu’un oiseau aurait été retrouvé avec 454 morceaux de plastique dans l’estomac. L’ingestion de plastique peut être très nocive sinon mortelle pour les oiseaux — ainsi que pour les 260 autres espèces marines, dont les tortues et les poissons, qui ingurgitent à notre connaissance les matières plastiques sinon s’y entremêlent et y restent pris.

Lorsque nous parlons de plastique, nous ne parlons pas uniquement des sacs, bien sûr. Nous, les humains, sommes devenus accros au plastique, que ce soit aux fins d’emballage ou pour la fabrication de produits. Réduire notre utilisation des sacs en plastique me parait comme beau début à la prise en charge de notre dépendance au plastique.

Les Canadiens utilisent entre 9 et 17 milliards de sacs en plastique chaque année, soit assez pour faire le tour de la planète au moins 55 fois selon le site web Greener Footprints (les Américains eux en utilisent près de 100 milliards par année!). Très peu de sacs en plastique sont recyclés. La plupart sont utilisés pour transporter nos emplettes et sont parfois réutilisés pour nos déchets ou pour ramasser les besoins de Fido, mais tôt ou tard ils se retrouvent tous dans des sites d’enfouissement ou dans l’océan. Certains appuient l’idée que cet enjeu n’a pas d’importance puisque les sacs ne représentent que 1 pour cent du volume des sites d’enfouissement. Mais 1 pour cent c’est beaucoup lorsqu’on considère la masse totale de tous les sites d’enfouissement du monde. De plus, les sacs en plastique ne sont pas biodégradables.

Puisqu’ils sont si légers, les sacs en plastique sont facilement transportés par le vent et l’eau. Ils s’accumulent dans les océans et s’accumulent aussi dans nos espaces publics et dans nos espaces naturels. Ils viennent souvent boucher nos réseaux d’évacuation des eaux, ce qui contribue donc aux inondations. Un sac de plastique prend au moins 1 000 ans à se décomposer, ce qui ne fait pas d’eux un produit biodégradable, mais plutôt un produit qui se fragmente en de très petits morceaux et devient donc plus susceptible à être ingurgité par les animaux marins et terrestres.

À savoir, le plastique est un produit pétrolier; son utilisation continue et accrue vient accélérer l’épuisement d’un combustible fossile important. Selon Greener Footprints, 8,7 sacs en plastique seuls contiennent assez d’énergie en pétrole pour permettre à une voiture de rouler pour un kilomètre.

Remplacer les sacs en plastique pour transporter ses emplettes semble assez facile puisque des sacs réutilisables abordables nous sont offerts dans toutes sortes de grandeurs et de matériaux. Ils sont souvent petits et légers et peuvent être transportés dans un sac à main ou un sac à dos. Le mien est toujours dans ma poche arrière, ce qui m’a permis de refuser des douzaines de sacs en plastique à ce jour. On s’inquiète d’une accumulation de bactéries ou de contaminants dans nos sacs? Les laver de temps à autre et le tour est joué.

Une des questions les plus chaudes est celle de l’entreposage de nos déchets. Avant les années 80, on ne se fiait pas aux sacs en plastique pour transporter nos emplettes ou pour entreposer nos déchets — et les programmes de compostage ou de recyclage n’existaient pas encore. Nous savons donc que les sacs en plastique ne sont pas d’une nécessité absolue. Notre première démarche est de réduire le volume de déchet que nous produisons. En fait, la notion du « déchet » nous n’est pas très utile. Il s’agirait plutôt de voir tout comme une ressource. Donc, il nous serait peut-être plus utile de se délaisser de la notion du « déchet » et de passer plutôt à la notion de « rebut ».

Acheter des produits avec le moins d’emballage possible et réduire notre consommation de produits inutiles est aussi une bonne démarche. Réutiliser, recycler et composter vient aussi réduire le volume de rebut envoyé aux sites d’enfouissement. Et lorsqu’il nous faut transporter nos véritables et inévitables déchets, y compris les petits cadeaux de Fido, fions-nous alors aux sacs bio-compostables.

D’interdire de façon définitive l’usage des sacs en plastique n’est pas forcément la meilleure solution, mais il faut à tout prix conscientiser et encourager les gens à cesser leur utilisation. Afin que sept milliards de personnes arrivent à bien vivre sur une planète avec des ressources limitées, il nous doit d’utiliser ces ressources de façon efficace. Et les sacs en plastique ne sont ni efficaces, ni écologiques.

Cet article a été rédigé avec la collaboration de Ian Hanington, rédacteur en chef et spécialiste des communications à la Fondation David Suzuki.

Vous trouverez d’autres réflexions de David Suzuki dans le livre Everything Under the Sun (Greystone Books/Fondation David Suzuki), de David Suzuki et Ian Hanington. En vente dans les librairies et en ligne (seulement disponible en anglais).