La révolution numérique atteint de nouvelles frontières tous les jours. La technologie est ainsi faite. Je me souviens quand Hewlett-Packard a présenté son premier ordinateur « portable », qui stockait une page et demie d’écriture. Cela a révolutionné ma vie comme chroniqueur de journal, me permettant d’écrire à bord d’un avion ou dans une tente et de soumettre des articles via un téléphone. Je n’aurais jamais imaginé les progrès constants qui conduiraient aux puissants portables, tablettes et ordinateurs de poche d’aujourd’hui.
Une fois, alors que je filmais dans une lointaine forêt de la Colombie-Britannique, j’ai voulu capter une vue panoramique d’un cèdre en un seul coup, des racines jusqu’en haut du tronc. Après avoir passé des heures à manipuler des câbles et des poulies pour tenter d’éviter que la lourde caméra tangue en s’élevant, notre équipe a abandonné, frustrée. Récemment, nous avons utilisé une légère caméra GoPro montée sous un drone pour obtenir une vue spectaculaire en haute définition en quelques minutes!
Quand j’ai pour la première fois entendu parler de la réalité virtuelle, on m’a invité à mettre des lunettes pour l’expérimenter. Ces premières images avaient beau être moins sophistiquées que ce qui est maintenant disponible, j’étais plongé dans les scènes. C’était impressionnant et passionnant, mais j’ai mentionné que les gens devraient se méfier des conséquences inattendues, parce que la réalité virtuelle pourrait éventuellement sembler meilleure que la réalité.
Avec la réalité virtuelle, les gens pourraient piloter une auto de course et expérimenter la poussée d’adrénaline qui fait battre le cœur, comme si c’était réel, puis percuter un obstacle et s’en sortir sains et saufs. Nous pourrions affronter un bandit armé, perdre et nous battre à nouveau. Nous pourrions nous adonner aux pratiques sexuelles les plus excentriques sans nous exposer à des infections transmises sexuellement ou d’autres conséquences. Pourquoi rechercher la véritable expérience quand la virtuelle est sans risque?
Lors d’une récente visite à Montréal, j’ai eu l’occasion de voir le plus récent développement de la révolution numérique : des images 3D en haute définition sur 360 degrés. C’était ahurissant. J’ai nagé avec des baleines et traversé en trombe une forêt, en écoutant les sons réels, ainsi que de la musique et la narration. Tandis que je regardais une spectaculaire forêt de montagne, un train est soudainement apparu, traversant un lac au milieu des éclaboussures et se dirigeant directement vers moi. Alors que mon corps réagissait à la trop réaliste locomotive, en m’atteignant elle a explosé en mille oiseaux qui se sont envolés en une nuée glorieuse. Une infographie parfaitement fusionnée avec des images réelles qui a généré des scènes dépassant largement la réalité.
J’ai été intrigué par la possibilité que cette technologie permette aux gens d’avoir des expériences si incroyables avec les baleines, les poissons et d’autres animaux que nous ne sentirions plus le besoin d’emprisonner des animaux dans des aquariums et des zoos. Les gens n’auraient même plus besoin de voyager dans des lieux exotiques pour voir des animaux sauvages dans leur habitat.
Je ne doute pas que la réalité virtuelle va avoir un impact énorme. Nous commençons tout juste à reconnaître son potentiel. Mais comme pour toute nouvelle technologie, il y aura des répercussions inattendues, la plus grande étant une distanciation accrue par rapport à la nature. Des études montrent que, puisque nous avons évolué au sein de la nature, nous avons besoin de cette connexion avec le monde naturel pour notre bien-être mental et physique.
L’auteur Richard Louv catégorise une série de problèmes de l’enfance — y compris l’intimidation, le trouble déficitaire de l’attention et l’hyperactivité — comme le « trouble de déficit de nature », induit ou aggravé par trop peu d’exposition physique à la nature. Un enfant canadien passe aujourd’hui en moyenne plus de six heures par jour rivé à un écran — ¬téléphones portables, ordinateurs, téléviseurs — et moins de huit minutes par jour à l’extérieur! C’est une des raisons pour lesquelles la Fondation David Suzuki propose régulièrement des campagnes et événements pour encourager les gens, et particulièrement les enfants, à sortir dehors en nature.
Certains partisans prétendent que la réalité virtuelle va stimuler les enfants à passer plus de temps à l’extérieur. Mais à quoi bon, si le monde virtuel semble mieux que le réel? Je suis sûr que l’innovation et la créativité conduiront la technologie à dépasser de nouvelles frontières. Je suis tout aussi certain qu’il y aura d’énormes conséquences inattendues et néfastes si nous ne sommes pas prudents.