Verre de vin accompagné de raisins

(Crédit : florriebassingbourn via Flickr)

Au-delà de grandes appellations prestigieuses, de sérieux clubs de dégustations ou des rabais du week-end à la SAQ, il faut se rappeler que le vin est avant tout un produit agricole qui, comme les autres, est sujet aux aléas du temps, aux pressions industrielles ou aux effets de modes. Alors qu’une large frange de la population réclame désormais des produits alimentaires plus sains et respectueux de l’environnement, prenons quelques instants pour démystifier quelque peu l’univers du vin.

Le principe de fabrication du vin est relativement simple : on presse du raisin pour en faire un jus dont le sucre est transformé en alcool par des levures. En plus de ce procédé biochimique, une panoplie de facteurs naturels et d’interventions humaines peuvent créer une vaste palette de produits aux parfums et structures grandement variés. Au-delà du terroir et du cépage, qui sont les deux éléments centraux d’un vin, le rôle du vigneron est quant à lui crucial dans l’élaboration de vins de qualité. Après tout, ce n’est pas parce qu’un vin provient de la Bourgogne qu’il est bon, ni parce qu’il est fait de chardonnay.

La révolution verte (caractérisée par une gestion améliorée de l’eau, l’utilisation de variétés à haut rendement et de différents intrants tels que les engrais et pesticides), a non seulement fortement changé le paysage agricole à partir des années 50, mais a également eu un grand impact dans l’univers viticole. Cette révolution a permis d’augmenter la production de denrées alimentaires et de freiner substantiellement les crises de famine à l’échelle mondiale. Par contre, on y impute une diminution des variétés, une pollution des milieux et un accroissement de la mainmise industrielle sur l’agriculture au détriment des pratiques artisanales.

L’intrusion de ces pratiques a changé de façon draconienne la façon de faire le vin. D’une démarche résolument artisanale qui n’avait pas réellement changé depuis plusieurs siècles, la fabrication du vin est dans la plupart des cas devenue une démarche industrielle et standardisée. Aujourd’hui, nous nous retrouvons donc devant un marché où les plus grandes parts sont occupées par des vins commerciaux formatés, dont les goûts sont construits pour plaire à une certaine clientèle et non pour respecter la typicité des terroirs.

La production industrielle du vin

Concrètement, la façon de travailler la vigne pour produire des vins commerciaux est hautement délétère pour l’environnement et la santé humaine et se traduit par un usage massif de produits de synthèse, autant dans la vigne (viticulture) que dans les chais (vinification).

Dans la vigne, l’utilisation de machinerie lourde ainsi que l’emploi de désherbants demande entraine la compaction, la déstructuration ainsi que la pollution des sols et des cours d’eau. Pour favoriser la production d’une grande quantité de raisin sur la vigne, l’emploi de pesticides, engrais et insecticides entraîne aussi une diminution de la biodiversité des milieux agricoles et connexes. De plus, la production augmentée de raisin par hectare entraîne une dilution du goût du raisin qui doit être compensée ailleurs par levurage ou autres ajouts de produits non naturels.

À l’étape de la vinification, on ajoute régulièrement des levures aux levures naturelles (processus appelé levurage). Il existe plus de 300 types de levures industrielles ayant toutes leurs spécificités : les unes donnant des arômes de fraise, les autres produisant un fort taux d’alcool, etc. Il est donc possible de « construire » un vin à partir d’un jus de raisin sucré. Pour contrôler les fermentations, stabiliser les vins et prévenir l’oxydation, on ajoute habituellement des sulfites. Si en très faible quantité les sulfites ne sont pas dommageables pour la santé, en revanche une quantité plus importante (comme en comporte la majorité des vins présents sur nos tablettes) peut entraîner des symptômes allergènes graves. Si vous avez tendance à avoir les joues rouges ou des maux de tête après avoir bu une ou deux coupes de vin, dites-vous que vous n’êtes pas allergiques au vin, mais plutôt à l’éthique douteuse du vigneron! Soulignons également l’ajout dans certains vins d’autres substances chimiques ou biologiques modifiant le goût de celui-ci, par exemple, l’ajout de copeaux de bois durant la maturation pour augmenter les arômes et tannins issus du bois.

Les conséquences sur la qualité du vin

Ces manipulations ne sont évidemment pas sans conséquence sur la qualité des vins que l’on retrouve sur nos étagères. Une étude anglaise publiée en2008 révèle que les vins de 5 pays, dont la France, contiennent des quantités de métaux lourds anormalement élevées. En basant leur analyse sur la consommation d’un verre de vin par jour, les auteurs concluent à de possibles risques pour la santé à moyen ou long terme dû à la bioaccumulation de ces métaux.

Une autre étude menée par le Pesticide Action Network-Europe et publiée en 2008 a analysé 40 bouteilles de vin rouge en provenance de France, Autriche, Allemagne, Algérie, Italie, Portugal, Chili, Australie et Afrique du Sud. Dans toutes les 34 bouteilles issues de l’agriculture traditionnelle, on a retrouvé des résidus de 4 à 10 pesticides différents. Plus alarmant encore, ce sont les niveaux des produits de synthèse que l’on y a retrouvée. Les règles sur la toxicité des vins, autant aux États-Unis qu’en Europe ou au Québec, permettent des quantités de produits chimiques que l’on peut retrouver dans le vin qui sont très élevées. Il en résulte que l’on a retrouvé dans les bouteilles analysées des concentrations de pesticides jusqu’à 5 800 fois plus grandes que pour l’eau potable… À noter que dans les 6 autres bouteilles, provenant de l’agriculture biologique, une seule contenait des résidus de pesticides, et ce, en faible quantité.

Ces mêmes produits chimiques ont été associés avec d’importantes conséquences sur la santé, telles que la diminution des capacités intellectuelles, l’apparition de cancers, de la maladie de Parkinson et de l’Alzheimer. Les règles permissives de la SAQ sur la qualité des vins nous amènent donc à retrouver sur nos tablettes des produits qui sont hautement questionnables quant à leur impact sur la santé publique. À lumière de ces informations, il est donc paradoxal de constater que ces nombreuses études vantent les qualités antioxydatives d’un verre de vin rouge…

Des produits alternatifs — les vins biologiques et les vins naturels

Le recours à une agriculture biologique ou raisonnée diminue de façon drastique la toxicité des vins tout en réduisant l’impact de leur production sur l’intégrité des écosystèmes et sur la santé publique. On retrouve donc dans les vins biologiques des quantités de pesticides nulles ou très faibles (dû à des contaminations). Il importe toutefois de souligner que les certifications biologiques ne concernent que la partie viticulture de production du vin. C’est-à-dire que dans ces vins on peut tout de même trouver des quantités importantes de sulfites ou autres produits qui sont utilisés dans les chais lors de la vinification. Lorsque l’on parle de produits dont le respect du terroir, de la nature et de la vinification sont verticalement intégrés, on utilise le terme vins naturels.

Loin de l’esprit des vins commerciaux qui sont volontairement standardisés, les vins naturels sont des « produits » à l’opposé de la normalisation. Ils essaient d’être au plus près de la qualité de goût des raisins et de puiser leur typicité dans leurs terroirs respectifs. Les vignerons qui s’investissent dans ce type de production viticole tâchent de travailler les vignes et aussi les vins en respectant la nature des sols par un travail long et minutieux. La vigne est travaillée sans pesticides, engrais, insecticides, désherbants ou antifongiques de synthèse. Lors de la vinification, on utilise les levures indigènes qui opèreront leurs transformations dans des fermentations longues et typées. En plus, le recours à de très faibles doses de sulfites, voir pas du tout, permet de libérer toute l’expression du raisin, de son terroir et du climat. Non sans conséquences, la suppression de la majorité des interventions non essentielles à la production de vin découle sur des vins moins stables, plus déroutants, mais tellement plus vrais.

Malheureusement pour les amateurs, les vignerons qui choisissent de travailler dans cette optique doivent opter pour la production de faibles quantités. Au Québec, il devient donc particulièrement ardu de retrouver des vins naturels sur les tablettes de la SAQ. Pour s’en procurer, les intéressés doivent se tourner vers l’importation privée. Des agences telles Labelle Bouteille, La QV ou Rézin se spécialisent dans l’importation de ce type de vin.

En conclusion, rappelons-nous que notre santé dépend non seulement de ce que nous mangeons, mais également de ce que nous buvons.

Santé !

Pour en savoir plus


Références

Naughton, D.P. et Petroczi, A. 2008. Heavy metal ions in wines: meta-analysis of target hazard quotients reveal health risks. Chemistry Central Journal, 2: 22.
Pesticide Action Network Europe. 2008. « Message dans une bouteille » Etude sur la présence de résidus de pesticides dans le vin. 20 p.