En investissant massivement dans des infrastructures routières, l’État nourrit depuis des décennies l’étalement urbain, la croissance du parc automobile et l’augmentation du nombre de kilomètres parcourus. Cet élargissement constant du réseau routier exerce une pression accrue les finances publiques et sur celles de ménages. Malgré cette tendance, le secteur des transports continue d’être ignoré lorsqu’il est question de finances publiques et privées. Le temps est venu de se questionner collectivement sur la viabilité de nos choix en matière de transport et sur notre capacité – et notre volonté – de continuer à dépenser aveuglément de la sorte dans un système qui nous dévore toujours un peu plus d’un point de vue financier.
Une augmentation inquiétante des coûts
Le transport automobile et les routes coûtent jusqu’à 51 G$ par an aux Québécois, soit l’équivalent de 13% du PIB. Ces coûts augmentent à un rythme supérieur à celui de la population : en 20 ans, les dépenses publiques combinées des trois paliers de gouvernements dans le secteur du transport automobile ont augmenté de 68,9% pour atteindre près de 6,7 milliards de dollars. À cela, il faut ajouter le coût des externalités négatives engendrées par le transport automobile (congestion, pollution, etc.), évalué à 7,6 G$ par année.
Le transport pèse aussi lourdement dans le budget des ménages et contribue à leur endettement. Ensemble, les automobilistes québécois dépensent plus de 43 milliards de dollars par année pour la possession et l’entretien de leurs véhicules. Cela représente en moyenne 20 000$ par ménage, en incluant la part de dépenses publiques qu’ils défraient. Il s’agit d’une hausse de 27,7% par rapport à il y a 20 ans. Vingt mille dollars, c’est 20% du revenu disponible d’un ménage au Québec ; c’est plus que la part du budget consacrée à l’alimentation, à l’éducation ou à la santé.
Loin du principe d’utilisateur-payeur
L’idée reçue selon laquelle les frais des utilisateurs, tels les taxes sur l’essence et les frais d’immatriculation, suffiraient à financer le réseau est erronée. En réalité, les automobilistes assument moins de 33% de la facture associée aux coûts du transport automobile au Québec, une proportion en baisse depuis 1995. Le reste du financement du système est absorbé par le transport de marchandises et l’ensemble des contribuables. Peu importe que vous soyez piéton, cycliste ou automobiliste, chaque famille de quatre personnes au Québec assume 6900 $ par année en dépenses publiques pour le transport automobile.
L’accès illimité, gratuit et sans frein aux infrastructures routières dont bénéficient les usagers de la route engendre une surutilisation et une saturation du réseau. Nos gouvernements investissent toujours plus d’argent public pour soulager celui-ci, le plus souvent en favorisant son expansion. Or, ce système – dont l’inefficacité fut démontrée maintes fois – atteint actuellement ses limites d’un point de vue économique. En effet, les revenus dédiés des différents paliers de gouvernement ne croissent pas à un rythme suffisant pour répondre à la forte augmentation des dépenses publiques dans le secteur des transports. La mobilité durable est devenue un impératif dans le contexte climatique : elle doit maintenant aussi être élevée au rang de priorité économique.
Une politique de mobilité durable cohérente et efficace devrait avoir pour objectifs de réduire à la fois le déficit commercial, les coûts pour les familles, le temps dans la congestion et la pollution de l’air. Il est essentiel d’offrir dès maintenant des alternatives viables et efficaces afin de diminuer la dépendance au transport automobile.
Être rigoureux d’un point de vu budgétaire, c’est s’assurer qu’on a les moyens de nos choix et de nos ambitions. Clairement, le secteur des transports échappe à cette logique de rigueur et garde l’État et les contribuables captifs d’une spirale inflationniste. En investissant dans des solutions de transport collectif et alternatif, le gouvernement contribuerait à redonner un peu d’oxygène aux familles, dont les budgets sont grevés par les dépenses automobiles, en plus de créer des opportunités économiques pour le Québec.