Le rapport pointe du doigt le rétrécissement de l’habitat, l’agriculture, la foresterie, le développement urbain et industriel, les changements climatiques, les espèces envahissantes et la surpêche. Toutes ces activités sont de nature humaine.
Les espèces animales et végétales continuent de souffrir parce que leur protection en vertu de la Loi sur les espèces en péril est minée par des retards à toutes les étapes. Le gouvernement tarde souvent à prendre la décision d’accepter les inscriptions des espèces recommandées par les scientifiques. Ainsi, le caribou forestier était qualifié de menacé en 2003, mais la stratégie de son rétablissement n’a pas été mise en place avant 2012.
D’autres retards surviennent régulièrement entre l’inscription d’une espèce et les mesures nécessaires à sa protection. Parmi les mesures finalement prises, certaines s’avèrent inefficaces pour arrêter le déclin ou amorcer le rétablissement d’une espèce. La Fondation David Suzuki et d’autres organismes environnementaux se sont adressés plusieurs fois aux tribunaux pour tenter de mettre fin à ces retards.
Or, il existe un outil juridique, peu utilisé : le décret d’urgence en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Le décret d’urgence est un outil souple et efficace qui peut être adapté aux besoins particuliers d’une espèce. Il permet des mesures pour faire face aux menaces imminentes à une espèce. Les décrets d’urgence ont contribué à freiner le déclin de la rainette faux-grillon de l’Ouest et à rebâtir la population du tétras des armoises.
Des organismes de conservation de la côte Ouest, dont la Fondation David Suzuki, ont demandé un décret d’urgence pour protéger le mammifère marin le plus en péril du Canada : l’orque résidente du Sud ou épaulard. Les 76 spécimens qui restent — dans la Salish Sea près de Vancouver et autour des San Juan Islands dans l’État de Washington et des Gulf Islands en Colombie-Britannique — font face à des menaces qui mettent leur survie en péril. C’est la population d’épaulards la plus faible depuis plus de trois décennies. Aucun baleineau n’a survécu depuis 2015.
La loi contraint les ministres responsables à recommander un décret d’urgence au cabinet s’ils estiment qu’une espèce fait face à des menaces imminentes à sa survie ou à son rétablissement. Les décrets d’urgence peuvent exiger des mesures qui ont préséance sur les lois, politiques ou règlements déjà en vigueur pour rétablir l’espèce. Bien que la loi exige que les épaulards et l’habitat vital à leur rétablissement bénéficient d’une protection automatique, les mesures ont été insuffisantes pour prévenir la progression de leur déclin. Des mesures supplémentaires urgentes doivent être mises en place pour assurer leur survie et leur rétablissement.
Les trois menaces les plus sérieuses au rétablissement des épaulards sont la pollution acoustique sous-marine, les contaminants et la diminution du saumon quinnat, leur proie préférée. Bien que toutes ces menaces exigent des mesures immédiates, les morts récentes — surtout chez les baleineaux, les mères ou les baleines en gestation — semblent découler d’une pénurie alimentaire.
Les orques se nourrissent principalement de saumon quinnat de la rivière Fraser, dont la population et le rendement nutritionnel ont diminué au cours des dernières 12 à 15 années. L’altération de l’habitat, l’intensité de la pêche, les effets des écloseries piscicoles, les conséquences des changements climatiques et, possiblement, les risques de maladies générées par les salmonicultures à enclos ouverts, ont contribué au déclin du saumon quinnat. La pêche au saumon récréative et commerciale fait concurrence aux baleines et les dérange lorsqu’elles essaient de se nourrir.
Le décret d’urgence impose des limites sur le nombre de prises de saumon quinnat et d’autres restrictions sur la pêche. Il exige aussi du gouvernement qu’il délimite des refuges alimentaires pour les baleines au printemps et en été pendant une période minimale de cinq ans. Ces refuges permettraient aux épaulards de chercher leur nourriture sans subir le bruit et l’intrusion des bateaux de pêche et d’excursions. La protection pourrait aussi inclure des limites de vitesse pour les navires commerciaux qui naviguent près des principales aires d’alimentation. Ces solutions sont étoffées par les données scientifiques de Pêches et Océans Canada et font partie des stratégies et plans d’action de rétablissement.
La recherche estime que les risques d’extinction des orques résidentes du Sud pourraient être de 24 à 50 % au cours du siècle si les conditions ne s’améliorent pas. L’extinction de ces baleines et de nombreuses autres espèces en péril au Canada est une tragédie que l’on peut prévenir. Le gouvernement doit passer à l’action de toute urgence pour assurer la survie de ces espèces emblématiques de la Mer de Salish.
Traduction : Michel Lopez et Monique Joly