Alors que les gouvernements se réunissent cette semaine à Dubaï pour le Sommet sur le climat COP28, le premier « bilan mondial » (“global stocktake”) révèle que nous demeurons loin du but dans l’atteinte de l’objectif de l’Accord de Paris pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C.
En cette année pourtant marquée par des chaleurs records, des feux de forêt sans précédent et d’autres catastrophes climatiques qui se soldent par « un recul sans précédent du développement mondial » (rapport en anglais), le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ont émis des conclusions sur la nécessité de mettre un terme à l’expansion des combustibles fossiles. Toutefois, celles-ci n’ont pas convaincu les gouvernements d’accélérer la réduction des activités de production de charbon, de pétrole et de gaz.
Pourquoi l’humanité échoue-t-elle à contrer cette menace à sa survie?
Cela pourrait notamment s’expliquer par le fait que les gouvernements examinent les projets d’hydrocarbures sans tenir compte de leurs effets cumulatifs sur nos systèmes de maintien de la vie sur Terre. Seuls prévalent les avantages en matière d’emploi, d’investissements privés et de recettes publiques. Les autorités ne tiennent pas compte des effets de la combustion des carburants exportés sur le climat, car ceux-ci ne sont pas comptabilisés dans les rapports nationaux sur les émissions.
Les gouvernements examinent les projets d’hydrocarbures sans tenir compte de leurs effets cumulatifs sur nos systèmes de maintien de la vie sur Terre. Seuls prévalent les avantages en matière d’emploi, d’investissements privés et de recettes publiques. Les autorités ne tiennent pas compte des effets de la combustion des carburants exportés sur le climat, car ceux-ci ne sont pas comptabilisés dans les rapports nationaux sur les émissions.
La Fondation David Suzuki a chargé Jorge Viñuales, spécialiste du droit international, de se pencher sur une décision juridique afin de déceler les éventuelles leçons à en tirer et déterminer comment les gouvernements pourraient changer leur ligne de conduite en ce qui a trait aux nouveaux projets d’exploitation de combustibles fossiles.
Dans son avis juridique (en anglais), il conclut que les États doivent tenir compte d’une série d’obligations issues des traités internationaux sur les changements climatiques, de la législation sur les droits de la personne, des accords d’investissement et du droit commercial avant de s’interroger sur le bien-fondé d’accorder un soutien à des projets énergétiques en temps de crise climatique.
Cet avis juridique utilise le projet LNG Canada comme étude de cas. Le gazoduc Coastal GasLink transporte le gaz extrait par fracturation sur 670 kilomètres jusqu’à une usine de liquéfaction de Kitimat, sur la côte de la Colombie-Britannique. LNG Canada et ses partisans prétendent que les 14 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié permettront de soutenir les efforts de lutte contre les changements climatiques.
Le gazoduc Coastal GasLink transporte le gaz extrait par fracturation sur 670 kilomètres jusqu’à une usine de liquéfaction de Kitimat, sur la côte de la Colombie-Britannique. LNG Canada et ses partisans prétendent que les 14 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié permettront de soutenir les efforts de lutte contre les changements climatiques.
La recherche prouve cependant le contraire : le gaz naturel liquéfié (GNL) ne constitue pas une solution climatique.
Dans un monde qui s’éloigne dangereusement des objectifs planétaires en matière de changements climatiques, la tendance des gouvernements à soutenir, favoriser et promouvoir la production et le transport de gaz ne respecte pas la diligence appropriée requise par le droit international. (Dans le cas de LNG Canada, il existe des allégations internationales de violations des droits de la personne dans le cadre de la construction du gazoduc.)
En outre, les investissements qui soutiennent l’infrastructure des combustibles fossiles au détriment d’énergies renouvelables entraînent inévitablement une augmentation des émissions et demeurent incompatibles avec les engagements de Paris et les recommandations du GIEC, de l’AIE ainsi que du bilan mondial.
Ces données constituent les prévisions les plus fiables dont nous disposons en matière d’énergie et de climatologie; elles corroborent que le monde ne peut se permettre de nouveaux développements dans le domaine des combustibles fossiles.
Ces données constituent les prévisions les plus fiables dont nous disposons en matière d’énergie et de climatologie; elles corroborent que le monde ne peut se permettre de nouveaux développements dans le domaine des combustibles fossiles.
Pour éviter des prises de décisions étatiques qui pérennisent l’expansion des combustibles fossiles, les résultats de la COP28 doivent être sans équivoque : la transformation des systèmes visant à renforcer la résilience climatique doit exclure les investissements dans le charbon, le pétrole et le gaz.
Cela exige la cessation de tout soutien public dans l’expansion des combustibles fossiles, que ce soit par le biais de financement public ou de mise à disposition d’infrastructures. Dans le cas de LNG Canada, l’avis juridique conclut que le gouvernement canadien a esquivé ses responsabilités en matière de lutte contre les changements climatiques.
Comme on peut s’y attendre, le problème au Canada, mis en lumière par Viñuales, se retrouve également dans d’autres pays. Malgré les promesses de l’Accord de Paris et lors du G20 pour supprimer les subventions aux combustibles fossiles, le financement public reçu par l’industrie à l’échelle mondiale a atteint la somme de 7 billions de dollars américains en 2022.
Cette décennie s’annonce décisive dans la lutte contre les changements climatiques. Avec un dirigeant du secteur pétrolier à la tête de la COP28, le rôle joué par l’industrie des combustibles fossiles dans la perpétuation de la crise climatique par l’écoblanchiment (page en anglais), la désinformation (article en anglais) et le mensonge ne sera plus un secret pour personne. Le problème vient en très grande partie des gouvernements qui continuent à permettre l’expansion des combustibles fossiles au nom de l’industrie.
L’approbation de projets d’exploitation de ressources en pétrole et en gaz conventionnels a connu une hausse de 25 % en 2023 par rapport à 2022. En fait, les investissements dans les combustibles fossiles cette année atteignent un taux plus de deux fois supérieur à celui requis pour répondre à une demande beaucoup plus faible prévue dans le scénario zéro émission nette à l’horizon 2050 (publication en anglais).
Les preuves de violation des droits de la personne commises par les entreprises et les gouvernements lors de leurs activités d’exploitation de combustibles fossiles indiquent clairement que la crise climatique atteint un seuil critique, et que les droits de la personne à l’échelle mondiale n’ont jamais été aussi menacés (source en anglais).
La crédibilité des négociations de la COP28 doit reposer sur la détermination des parties à suivre les conclusions du bilan mondial, à accélérer le déploiement des mesures promises lors de la COP26 et de la COP27, et à adopter des objectifs rigoureux et exhaustifs, signe d’un engagement à éliminer rapidement et équitablement l’ensemble des combustibles fossiles.
La crédibilité des négociations de la COP28 doit reposer sur la détermination des parties à suivre les conclusions du bilan mondial, à accélérer le déploiement des mesures promises lors de la COP26 et de la COP27, et à adopter des objectifs rigoureux et exhaustifs, signe d’un engagement à éliminer rapidement et équitablement l’ensemble des combustibles fossiles.
Avec la nomination à l’animation du ministre fédéral de l’Environnement Steven Guilbeault par la présidence de la COP28, le Canada jouera un rôle clé dans la recherche d’un consensus pour parvenir à une transition accélérée vers l’abandon des combustibles fossiles à l’échelle mondiale.
Premier pays à instaurer un cadre pour l’élimination progressive des subventions inefficaces à la production de combustibles fossiles et le plafonnement des émissions du secteur des hydrocarbures après plusieurs décennies d’inaction climatique, le Canada jouit aujourd’hui d’une position privilégiée pour devenir une figure de proue mondiale dans ce changement de cap.
Comme le montre l’avis juridique, le Canada et les autres parties de l’Accord de Paris doivent faire preuve de la diligence appropriée dans ce contexte de crise climatique et mettre fin à l’ensemble du financement et des subventions publics qui contribuent à accroître sans cesse la dépendance des collectivités aux secteurs du pétrole, du charbon et du gaz, à la fois instables et obsolètes. Ou alors, les parties devront accepter leur complicité dans le maintien d’une menace toujours plus grande pour l’ensemble de l’humanité.
Cette lettre ouverte a initialement été publiée dans le National Observer.