Winona LaDuke, l’économiste et écrivaine anichinabée, distingue deux types d’économie aux visions très différentes. Lors d’une présentation récente à Vancouver, elle a qualifié l’une « d’économie d’extraction extrême », alimentée par l’exploitation des gens et de la nature, et l’autre « d’économie régénératrice », basée sur notre compréhension de la terre et sur notre relation avec elle.

Aujourd’hui, nous poussons à l’extrême l’extraction des combustibles fossiles. La fracturation hydraulique fait éclater le socle rocheux pour libérer du gaz à l’aide d’énormes quantités d’eau qui deviennent si toxiques qu’il faut les stocker dans de profonds puits. L’exploitation des sables bitumineux en Alberta fait appel à des procédés qui émettent au-delà de deux fois plus de gaz à effet de serre que la moyenne des pétroles bruts nord-américains. L’Institut Pembina rapporte que 1,3 milliard de litres de résidus liquides se sont accumulés dans des bassins à ciel ouvert dans le nord de l’Alberta depuis le début de l’exploitation des sables bitumineux en 1967.

Grâce à de nouvelles techniques, les humains ont pu extraire des combustibles fossiles moins accessibles, ce qui a créé des emplois. Mais du point de vue environnemental, social et économique, cette approche extrême ne peut plus continuer. Nous devons faire de nouveaux choix. Nous devons innover et créer des emplois dans une économie régénératrice.

Dans son allocution, Mme LaDuke a déclaré que « la prochaine économie exigera une relocalisation des réseaux alimentaires et énergétiques, parce que c’est plus efficace, plus responsable, que ça crée des emplois chez nous et nous permet de mieux manger. »

La relocalisation prend de l’ampleur partout au Canada.

Le nouveau programme national En charge de la Fondation David Suzuki recueille des témoignages pour inciter les gens à lancer des projets d’énergie renouvelable dans leur milieu. Dans le comté d’Oxford, en Ontario, des producteurs agricoles, des citoyens, les Six nations de la rivière Grand et Prowind Canada ont lancé la Gunn’s Hill Wind Farm en 2016. Ce parc éolien alimente près de 7 000 foyers.

Miranda Fuller, directrice de l’Oxford Community Energy Co-operative, explique que le projet met la population en lien avec l’électricité qu’elle consomme et lui permet de jouer un rôle dans son approvisionnement énergétique. Les recettes générées aident à stabiliser le revenu des exploitations agricoles de la région, ce qui contribue à protéger les réseaux alimentaires locaux et le mode de vie de la collectivité. Le projet a créé environ 200 emplois pendant le développement et la construction. Une partie des revenus va à un fonds pour la vitalité locale et à des bourses pour appuyer les étudiants.

Mme Fuller fait remarquer un point important : les projets énergétiques gérés localement permettent aux citoyens d’être des producteurs d’énergie actifs plutôt que de simples abonnés ou consommateurs.

Le comté d’Oxford devient la deuxième instance locale au Canada, après Vancouver, à prendre l’engagement de produire de l’énergie 100 % renouvelable d’ici 2050. Le parc éolien de Gunn’s Hill compte pour 15 pour cent de l’objectif du comté d’Oxford.

Les communautés autochtones innovent et prennent les devants dans les énergies renouvelables.

Le Chef Patrick Michell de la nation Nlaka’pamux, en Colombie-Britannique, déclare que la consommation d’énergie faite de concert avec la nature trouve écho dans les valeurs de sa nation. Les Nlaka’pamux visent l’autonomie alimentaire et énergétique. La Bande indienne de Kanaka Bar, l’une des 17 bandes de la nation, a des projets solaires et s’est associée avec Innergex Renewable Energy et d’autres dans un projet de centrale au fil de l’eau pour générer de l’énergie et des revenus.

 

 « Ce que vous faites à la terre, vous le faites à vous-même. »

Chef Michell de la nation Nlaka’pamux

 

Il explique que son peuple assure son autonomie alimentaire et énergétique depuis des milliers d’années, mais qu’il observe des changements dans la météo, le débit des eaux, les précipitations, les feux de forêt et les écosystèmes, souvent liés aux changements climatiques.

Kanaka Bar construit des maisons plus écoénergétiques et améliore le rendement énergétique des maisons existantes. Cela nécessite des investissements au départ, mais M. Michell explique qu’il a vu chuter la facture d’énergie de certains de ses voisins. Les communautés voisines se renseignent sur l’expérience de Kanaka Bar, et le Chef Michell se dit très heureux de voir l’idée prendre de l’ampleur. Pour lui, ces efforts constituent un retour à la terre et aux valeurs qui contribueront à rendre sa communauté plus autosuffisante, dynamique et résiliente.

Mme LaDuke déclare : « Regardez droit devant. Laissez-vous guider par l’espoir plutôt que par la peur. » Précieux conseil pour nous tous qui saluons les efforts de ces communautés et cherchons à mettre en pratique partout au Canada les leçons qu’elles ont apprises. Vivons d’espoir. Concentrons-nous sur les solutions climatiques, sur les projets d’énergie renouvelable lancés par des citoyens comme ceux du comté d’Oxford et de Kanaka Bar, et par tous ceux qui relèvent le défi de bâtir une économie régénératrice pour tous.

Traduction : Michel Lopez et Monique Joly

 

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