Lorsqu’on fait des choses qu’on ne devrait pas faire, on a souvent tendance à détourner l’attention de ses actes. George Monbiot, chroniqueur au Guardian fait remarquer que de nombreuses sociétés qui alimentent la destruction de la planète dépensent des ressources importantes pour détourner l’attention d’elles-mêmes vers nous.
« L’effort délibéré pour nous empêcher de voir la situation dans son ensemble a commencé en 1953 avec une campagne appelée Keep America Beautiful, qui est l’œuvre de fabricants d’emballages motivés par les profits qu’ils pouvaient réaliser en remplaçant les contenants réutilisables par du plastique jetable », écrit-il. « En 2004, l’entreprise de publicité Ogilvy & Mather, qui travaille pour le géant du pétrole BP, a poussé les choses plus loin en inventant l’empreinte carbone individuelle. C’était une innovation utile, mais elle a aussi eu pour effet de détourner les pressions politiques pesant sur les producteurs de combustibles fossiles vers les consommateurs. »
L’« écoblanchiment » est une autre façon pour les entreprises d’éloigner l’attention à l’égard de leur véritable incidence sur l’environnement. Comme le souligne Steven Reicher, professeur de psychologie britannique : « Une récente franchise de McDonald’s vante la façon dont l’entreprise recycle l’huile de cuisson en carburant pour camions, les tasses à café en cartes de vœux et les jouets en plastique en terrains de jeux pour enfants. Le problème, c’est qu’elle ne mentionne pas le fait que l’empreinte du bœuf de McDonald’s représente à elle seule 22 millions de tonnes métriques d’émissions de gaz à effet de serre par année. »
Face aux vrais problèmes, nous ressentons souvent de la colère, de l’anxiété et du désespoir. Bien que ces réactions soient tout à fait légitimes face aux crises environnementales qui nous dépassent, l’industrie de l’autoassistance, qui représente des milliards de dollars, a tiré un profit énorme en nous convainquant que corriger notre propre façon de consommer est la priorité.
Comment trouver l’équilibre entre le besoin de changement personnel et le changement systémique, lorsque les deux sont nécessaires?
Les actions personnelles peuvent créer une demande des consommateurs en matière de produits fabriqués de façon durable, donner l’exemple de comportements plus écologiques et favoriser l’autonomisation. Toutefois, en ne se concentrant que sur sa propre vie, on risque d’éclipser notre responsabilité d’apporter des changements systémiques.
Comme l’indique M. Reichler, « l’approche publicitaire de McDonald’s est emblématique de la façon dont les entreprises cherchent à maintenir le statu quo, en nous détournant des vrais problèmes. Ses publicités ne représentent qu’une des nombreuses stratégies pour y parvenir. Une méthode des plus courantes consiste à transformer la crise climatique découlant d’un problème systémique en un problème individuel. »
Il est difficile de s’attaquer aux systèmes, mais tant que nous ne le ferons pas, ils continueront à engranger des profits au mépris de la nature, de ses rivières, de ses forêts et de ses prairies.
Le racisme environnemental et systémique sous-tend ces systèmes.
Le racisme systémique procure des avantages (et des héritages), privilégiant les Blancs en matière d’emploi, d’éducation, de justice et de statut social. Il a favorisé le mandat en vertu duquel les colonisateurs ont envahi des terres, occupé des territoires autochtones et exploité la nature à des fins financières.
En raison du racisme environnemental, les communautés autochtones et racisées sont plus à risque de vivre à proximité de terres dégradées et polluées par les activités industrielles et l’élimination des déchets.
Notre système économique a la main lourde en matière de production. Il encourage la croissance sans limites, ce qui conduit à une telle dégradation de la nature qu’environ un million d’espèces sont menacées d’extinction, soit plus que jamais dans l’histoire de l’humanité.
Ce système économique entraîne également des inégalités flagrantes. Il est possible qu’une personne gagne 36 milliards de dollars par jour, soit plus que le produit intérieur brut annuel de certains pays. Comme l’écrit M. Monbiot, « le 1 % le plus riche de la population mondiale (ceux qui gagnent plus de 172 000 $ par an) produit 15 % des émissions de carbone du monde, soit le double des émissions combinées des 50 % les plus pauvres ». Il propose « un nouveau système, dans lequel il y a « suffisance privée et luxe public. »
Selon lui, « Bien qu’il n’y ait pas assez d’espace écologique ou même physique sur Terre pour que nous puissions tous jouir d’un luxe privé, il y en a assez pour offrir à tous un luxe public, notamment de magnifiques parcs, hôpitaux, piscines, galeries d’art, courts de tennis, systèmes de transport, terrains de jeux, et centres communautaires. »
On peut se permettre d’oublier ces lourdes responsabilités de temps à autre — pour trouver un répit dans les émissions télévisées, les livres, les habitudes de soins personnels ou la nature — à condition de revenir à la réalité.
Le changement ne se produira que si nous l’exigeons, et si nous ne faisons pas face aux flammes (métaphoriquement et, de plus en plus, littéralement), il est peu probable que nous soyons suffisamment motivés pour les éteindre.
Ce n’est pas que du travail. On peut trouver de la joie en imaginant des initiatives créatives (pensez aux nombreux panneaux de protestation intelligents!) et en se joignant à la communauté. Pour paraphraser Joan Baez, l’activisme est le meilleur antidote au désespoir.