Les glaciers, dont les calottes et les nappes glaciaires, stockent énormément d’eau riche en nutriments, soit près de 70 % de l’eau douce de la planète, selon l’U.S. Geological Survey. (Photo: Stefan Winkler via imaggeo)

Patrick Moore, conseiller en affaires et climatonégationniste canadien, a déjà affirmé qu’on ne devrait pas s’inquiéter de la fonte des glaciers.

« Pourquoi les glaciers sont-ils considérés si importants? a-t-il demandé lors d’un forum agricole à Regina, en 2007. Ce sont juste de gros blocs de glace. Rien ne pousse là-dessus. Ce sont pratiquement des zones mortes. Quand les glaciers reculent, des arbres apparaissent. Un écosystème en santé refait surface. La glace et le givre sont les ennemis de la vie. »

Les individus comme Moore sont-ils ignorants au point de croire à leurs propos ou misent-ils simplement sur la méconnaissance du public pour faire gober leurs histoires? Difficile à dire.

Quiconque s’y connaît un tant soit peu en sciences le sait : les glaciers sont extrêmement importants.

Notre survie collective dépend de la pureté de l’air et de l’eau, de la santé des sols et de la biodiversité.

Les glaciers, dont les calottes et les nappes glaciaires, stockent énormément d’eau riche en nutriments, soit près de 70 % de l’eau douce de la planète, selon l’U.S. Geological Survey. Dans des conditions normales, où l’eau est libérée assez lentement, les glaciers conservent leur taille grâce aux chutes de neige et aux températures glaciales. Comme le souligne le National Snow and Ice Data Center des États-Unis, les glaciers fournissent de l’eau potable, irriguent les cultures et contribuent à produire de l’énergie hydroélectrique (source en anglais).

La fonte rapide des glaciers, notamment des calottes et des nappes glaciaires, aggravera les pénuries d’eau et entraînera une montée du niveau de la mer. Selon les estimations scientifiques, la fonte des glaciers aurait déjà fait grimper celui-ci de 21 %. Ajoutons que l’écoulement massif d’eau douce froide dans des eaux océaniques plus chaudes peut même affecter les courants marins.

Par ailleurs, les glaciers, dont les calottes glaciaires, rafraîchissent la planète en réfléchissant le rayonnement solaire vers l’espace. La chaleur est absorbée par les zones foncées et exposées. Ainsi, quand les températures sont élevées, la glace et la neige fondent, ce qui accentue le réchauffement. C’est ce qu’on appelle une « boucle de rétroaction » (article en anglais).

Bien sûr, la fonte des glaciers n’est pas le seul facteur climatique qui influe sur les ressources d’eau mondiales. « Les changements climatiques relèvent d’abord et avant tout d’une crise de l’eau, ont déclaré les Nations Unies. Elle se manifeste par l’aggravation des inondations, des feux de forêt et des sécheresses, la montée du niveau de la mer et le rétrécissement des champs de glace. »

Les pénuries d’eau ne sont pas seulement de mauvaises nouvelles pour toutes les formes de vie, dont les êtres humains, qui dépendent de l’eau potable pour survivre : ce sont aussi de mauvaises nouvelles pour l’agriculture.

Moins la neige s’accumule dans les montagnes, moins d’eau s’écoule dans les ruisseaux et les rivières; plus les précipitations se font rares, plus les sécheresses sont fréquentes. D’ailleurs, alors que la sécheresse frappe certaines régions, on constate une hausse des inondations, attribuable à l’effet conjugué des activités humaines telles la déforestation et des précipitations accrues sur des périodes raccourcies. Tout ceci contribue en retour à la contamination de l’eau et des terres, à l’érosion du sol arable et à d’autres dommages agricoles.

Les pénuries d’eau ne sont pas seulement de mauvaises nouvelles pour toutes les formes de vie, dont les êtres humains, qui dépendent de l’eau potable pour survivre : ce sont aussi de mauvaises nouvelles pour l’agriculture. La production alimentaire mondiale doit augmenter pour satisfaire à la demande croissante, et les cultures ont besoin d’eau. Comme le note George Monbiot dans The Guardian : « L’agriculture représente déjà 90 % de la consommation mondiale d’eau douce. On a tellement pompé l’eau du sol qu’on a modifié la rotation de la Terre. Il n’y a tout simplement pas assez d’eau pour répondre à la demande alimentaire croissante. »

Les niveaux d’eau dans les réservoirs hydroélectriques baissent également, si bien qu’il devient difficile d’alimenter les centrales sans réduire le nombre de turbines. La Colombie-Britannique, le Manitoba et le Québec tirent la majeure partie de leur électricité de l’hydroélectricité, mais comme le souligne Andrew Nikiforuk dans The Tyee : « Afin de pallier les déficits causés par la sécheresse, qui a fait baisser les niveaux d’eau, les services publics de ces trois provinces sont passés à des centrales électriques alimentées aux combustibles fossiles ou ont payé de grosses sommes pour importer de l’électricité en 2023, une année catastrophique marquée par des incendies de forêt et une chaleur extrême. En fait, en 2023-2024, presque tous les grands producteurs hydroélectriques canadiens ont signalé d’importantes pertes financières en raison des faibles niveaux d’eau. »

L’eau sous toutes ses formes – dont la glace et le givre – est vitale.

L’hydroélectricité, qui représente environ un sixième de l’électricité mondiale, constitue actuellement la principale forme de production d’énergie à faibles émissions de carbone. Ainsi, vu la forte hausse de la demande attendue, la baisse des niveaux d’eau pourrait poser de sérieux problèmes sur les plans énergétique et climatique.

L’eau sous toutes ses formes – dont la glace et le givre – est vitale. Les individus qui le nient sont prêts à risquer la santé et la survie humaines pour le bien de l’industrie des combustibles fossiles, une industrie moribonde mais toujours indécemment rentable.

Comme le dit l’ONU : « Une gestion durable de l’eau est essentielle au renforcement de la résilience des sociétés et des écosystèmes et à la réduction des émissions de carbone ». Cela signifie avant tout de s’attaquer aux causes du dérèglement climatique : la combustion des énergies fossiles; la destruction des forêts, des zones humides et d’autres puits de carbone; et les pratiques agricoles non viables, en particulier l’élevage.

Notre survie collective dépend de la pureté de l’air et de l’eau, de la santé des sols et de la biodiversité. Peu importe leur force, le déni et la propagande des entreprises n’y changeront rien.